Jazz live
Publié le 1 Août 2013

Jazz in Marciac. Un air de classicisme

Comment définir le classicisme ? Sans doute, et quel que soit le domaine, par une parfaite adéquation entre le fond et la forme. Une concordance immédiate qui n’est en aucun cas le fruit d’une recherche préméditée ou d’une volonté réfléchie d’innovation. Une sorte de miracle. D’équilibre fragile. D’état de grâce « naturel ». Ces réflexions ô combien arides, j’en conviens, surtout en période estivale, me sont suggérées par les prestations marciacaises de Kenny Barron et de Wynton Marsalis.

 

Kenny Barron Platinum Trio. Kenny Barron (p), George Mraz (b), Lewis Nash (dm).

 

Wynton Marsalis Quintet. Wynton Marsalis (tp), Walter Blanding (ts, ss), Dan Nimmer (p), Carlos Henriquez (b), Ali Jackson (dm).

Chapiteau, 31 juillet

 

Kenny Barron s’est si souvent produit à Marciac, et dans des configurations si diverses, qu’on croit le connaître par coeur. En avril 2012, accompagné par Kiyoshi Kitagawa et Johnatan Blake, il avait donné à l’Astrada un concert mémorable. On l’a retrouvé l’été dernier sur la scène du chapiteau avec trois autres pianistes pour une exhibition insolite, du solo au quatre-mains, voire au huit-mains. Parmi eux, Mulgrew Miller, récemment disparu, dédicataire, ce soir, d’un émouvant Hommage.

 

Sa formule favorite reste toutefois le trio. Celui qu’il constitue avec le très fin George Mraz et l’efficace Lewis Nash porte le nom de Platinum, allusion aux soixante-dix printemps qu’il a fêtés en juin dernier. Titre non usurpé. Sur la carte de visite du contrebassiste, des collaborations avec Oscar Peterson, Stan Getz, Chet Baker. Quant à Lewis Nash, il fut, dans les années 80 et 90, l’un des batteurs les plus en vue, tournant aussi bien avec Sonny Rollins qu’avec Joshua Redman. C’est assez dire qu’ils apportent au pianiste, dont il est inutile de rappeler le parcours, tout le poids de leur expérience et qu’ils connaissent, comme lui, toute l’évolution d’une musique qu’ils ont contribué à créer.

 

Le ton est donné d’entrée de jeu avec Be Bop. Le standard de Dizzy Gillespie manifeste déjà la manière caractéristique d’un trio qui trouve, de façon quasi instantanée,  son mode de fonctionnement :  une pulsation légère, un swing « naturel », sans effets forcés, des développements d’une suprême aisance, une entente qui permet au bassiste et au batteur d’anticiper, d’ouvrir au pianiste des voies royales. Une telle connivence suppose, avant tout, le partage de valeurs esthétiques. Et, sous une apparente facilité, une connaissance intime de ses partenaires et de leurs réactions.


Qu’il s’agisse de compositions originales (The Question Is, The Second Part, Penthouse), de standards (Softly As In A Morning Sunrise, pris sur un tempo vif, occasion pour Lewis Nash d’un solo brillant, à l’architecture impeccable), de variations sur le blues, chaque pièce donne la même impression d’aisance, de limpidité, d’évidence. Comme à chacun de ses concerts, Kenny Barron se réserve un medley d’Ellington-Stayhorn qu’il interprète en solo. Sans doute peu de pianistes atteignent à cette maîtrise qui permet de s’approprier une musique sans en trahir l’essence, sans l’affadir par des commentaires ou des fioritures inutiles. Probité, sobriété, élégance. Tels sont les maîtres mots qui pourraient définir l’art d’un musicien qui aura donné à l’assistance une véritable leçon de jazz. Appréciée, du reste, à sa juste valeur.

 

Le quintette dirigé par Wynton Marsalis est constitué d’éléments du Lincoln Center Jazz Orchestra. Choisis, il va sans dire, parmi les plus brillants. Le public de Marciac les connaît de longue date et ne se lasse pourtant pas de les entendre. C’est que chaque concert, différent du précédent, réserve son lot de surprises. La surprise, ce soir (mais en est-ce vraiment une ?), est que le groupe s’inscrit très explicitement dans une tradition, celle du bop et du hard bop. Exposé des thèmes à l’unisson par la trompette et le sax, succession de chorus, retour à la case départ, le schéma archétypal est respecté. Faut-il le déplorer ? Sûrement pas, tant la formule est portée à son niveau d’excellence. La rythmique est, comme il se doit, au service de l’ensemble, mais chacun de ses membres brille aussi en solo, singulièrement Carlos Henriquez, auteur par ailleurs de Guara Jazz.

 

Tous les musiciens apportent leur contribution au répertoire, Marsalis avec, entre autres, Sparks et Sailing, Walter Blanding, qui se situe dans la lignée des grands interprètes de ballades, avec  Dante Alighieri, Ali Jackson avec Blossom in the Weeds, Dan Nimmer avec un morceau qui doit pour l’instant se contenter de l’appellation Untitled. Quelques standards, dont, en rappel, A Ghost of a Chance. En somme, un concert magistral. Des solistes brillants – out
re  Wynton, dont on retient particulièrement le solo sur America, Blanding (Everything Happens to Me) et Dan Nimmer. Des arrangements percutants. Une homogénéité d’ensemble et une cohésion concrétisée par le placement sur scène d’un groupe en quelque sorte blotti autour de son berger, faisant fi des vastes espaces qui lui sont offerts, négligeant du même coup l’usage des retours, rendus inutiles par cette proximité. Tout un symbole.

 

Jacques Aboucaya

|

Comment définir le classicisme ? Sans doute, et quel que soit le domaine, par une parfaite adéquation entre le fond et la forme. Une concordance immédiate qui n’est en aucun cas le fruit d’une recherche préméditée ou d’une volonté réfléchie d’innovation. Une sorte de miracle. D’équilibre fragile. D’état de grâce « naturel ». Ces réflexions ô combien arides, j’en conviens, surtout en période estivale, me sont suggérées par les prestations marciacaises de Kenny Barron et de Wynton Marsalis.

 

Kenny Barron Platinum Trio. Kenny Barron (p), George Mraz (b), Lewis Nash (dm).

 

Wynton Marsalis Quintet. Wynton Marsalis (tp), Walter Blanding (ts, ss), Dan Nimmer (p), Carlos Henriquez (b), Ali Jackson (dm).

Chapiteau, 31 juillet

 

Kenny Barron s’est si souvent produit à Marciac, et dans des configurations si diverses, qu’on croit le connaître par coeur. En avril 2012, accompagné par Kiyoshi Kitagawa et Johnatan Blake, il avait donné à l’Astrada un concert mémorable. On l’a retrouvé l’été dernier sur la scène du chapiteau avec trois autres pianistes pour une exhibition insolite, du solo au quatre-mains, voire au huit-mains. Parmi eux, Mulgrew Miller, récemment disparu, dédicataire, ce soir, d’un émouvant Hommage.

 

Sa formule favorite reste toutefois le trio. Celui qu’il constitue avec le très fin George Mraz et l’efficace Lewis Nash porte le nom de Platinum, allusion aux soixante-dix printemps qu’il a fêtés en juin dernier. Titre non usurpé. Sur la carte de visite du contrebassiste, des collaborations avec Oscar Peterson, Stan Getz, Chet Baker. Quant à Lewis Nash, il fut, dans les années 80 et 90, l’un des batteurs les plus en vue, tournant aussi bien avec Sonny Rollins qu’avec Joshua Redman. C’est assez dire qu’ils apportent au pianiste, dont il est inutile de rappeler le parcours, tout le poids de leur expérience et qu’ils connaissent, comme lui, toute l’évolution d’une musique qu’ils ont contribué à créer.

 

Le ton est donné d’entrée de jeu avec Be Bop. Le standard de Dizzy Gillespie manifeste déjà la manière caractéristique d’un trio qui trouve, de façon quasi instantanée,  son mode de fonctionnement :  une pulsation légère, un swing « naturel », sans effets forcés, des développements d’une suprême aisance, une entente qui permet au bassiste et au batteur d’anticiper, d’ouvrir au pianiste des voies royales. Une telle connivence suppose, avant tout, le partage de valeurs esthétiques. Et, sous une apparente facilité, une connaissance intime de ses partenaires et de leurs réactions.


Qu’il s’agisse de compositions originales (The Question Is, The Second Part, Penthouse), de standards (Softly As In A Morning Sunrise, pris sur un tempo vif, occasion pour Lewis Nash d’un solo brillant, à l’architecture impeccable), de variations sur le blues, chaque pièce donne la même impression d’aisance, de limpidité, d’évidence. Comme à chacun de ses concerts, Kenny Barron se réserve un medley d’Ellington-Stayhorn qu’il interprète en solo. Sans doute peu de pianistes atteignent à cette maîtrise qui permet de s’approprier une musique sans en trahir l’essence, sans l’affadir par des commentaires ou des fioritures inutiles. Probité, sobriété, élégance. Tels sont les maîtres mots qui pourraient définir l’art d’un musicien qui aura donné à l’assistance une véritable leçon de jazz. Appréciée, du reste, à sa juste valeur.

 

Le quintette dirigé par Wynton Marsalis est constitué d’éléments du Lincoln Center Jazz Orchestra. Choisis, il va sans dire, parmi les plus brillants. Le public de Marciac les connaît de longue date et ne se lasse pourtant pas de les entendre. C’est que chaque concert, différent du précédent, réserve son lot de surprises. La surprise, ce soir (mais en est-ce vraiment une ?), est que le groupe s’inscrit très explicitement dans une tradition, celle du bop et du hard bop. Exposé des thèmes à l’unisson par la trompette et le sax, succession de chorus, retour à la case départ, le schéma archétypal est respecté. Faut-il le déplorer ? Sûrement pas, tant la formule est portée à son niveau d’excellence. La rythmique est, comme il se doit, au service de l’ensemble, mais chacun de ses membres brille aussi en solo, singulièrement Carlos Henriquez, auteur par ailleurs de Guara Jazz.

 

Tous les musiciens apportent leur contribution au répertoire, Marsalis avec, entre autres, Sparks et Sailing, Walter Blanding, qui se situe dans la lignée des grands interprètes de ballades, avec  Dante Alighieri, Ali Jackson avec Blossom in the Weeds, Dan Nimmer avec un morceau qui doit pour l’instant se contenter de l’appellation Untitled. Quelques standards, dont, en rappel, A Ghost of a Chance. En somme, un concert magistral. Des solistes brillants – out
re  Wynton, dont on retient particulièrement le solo sur America, Blanding (Everything Happens to Me) et Dan Nimmer. Des arrangements percutants. Une homogénéité d’ensemble et une cohésion concrétisée par le placement sur scène d’un groupe en quelque sorte blotti autour de son berger, faisant fi des vastes espaces qui lui sont offerts, négligeant du même coup l’usage des retours, rendus inutiles par cette proximité. Tout un symbole.

 

Jacques Aboucaya

|

Comment définir le classicisme ? Sans doute, et quel que soit le domaine, par une parfaite adéquation entre le fond et la forme. Une concordance immédiate qui n’est en aucun cas le fruit d’une recherche préméditée ou d’une volonté réfléchie d’innovation. Une sorte de miracle. D’équilibre fragile. D’état de grâce « naturel ». Ces réflexions ô combien arides, j’en conviens, surtout en période estivale, me sont suggérées par les prestations marciacaises de Kenny Barron et de Wynton Marsalis.

 

Kenny Barron Platinum Trio. Kenny Barron (p), George Mraz (b), Lewis Nash (dm).

 

Wynton Marsalis Quintet. Wynton Marsalis (tp), Walter Blanding (ts, ss), Dan Nimmer (p), Carlos Henriquez (b), Ali Jackson (dm).

Chapiteau, 31 juillet

 

Kenny Barron s’est si souvent produit à Marciac, et dans des configurations si diverses, qu’on croit le connaître par coeur. En avril 2012, accompagné par Kiyoshi Kitagawa et Johnatan Blake, il avait donné à l’Astrada un concert mémorable. On l’a retrouvé l’été dernier sur la scène du chapiteau avec trois autres pianistes pour une exhibition insolite, du solo au quatre-mains, voire au huit-mains. Parmi eux, Mulgrew Miller, récemment disparu, dédicataire, ce soir, d’un émouvant Hommage.

 

Sa formule favorite reste toutefois le trio. Celui qu’il constitue avec le très fin George Mraz et l’efficace Lewis Nash porte le nom de Platinum, allusion aux soixante-dix printemps qu’il a fêtés en juin dernier. Titre non usurpé. Sur la carte de visite du contrebassiste, des collaborations avec Oscar Peterson, Stan Getz, Chet Baker. Quant à Lewis Nash, il fut, dans les années 80 et 90, l’un des batteurs les plus en vue, tournant aussi bien avec Sonny Rollins qu’avec Joshua Redman. C’est assez dire qu’ils apportent au pianiste, dont il est inutile de rappeler le parcours, tout le poids de leur expérience et qu’ils connaissent, comme lui, toute l’évolution d’une musique qu’ils ont contribué à créer.

 

Le ton est donné d’entrée de jeu avec Be Bop. Le standard de Dizzy Gillespie manifeste déjà la manière caractéristique d’un trio qui trouve, de façon quasi instantanée,  son mode de fonctionnement :  une pulsation légère, un swing « naturel », sans effets forcés, des développements d’une suprême aisance, une entente qui permet au bassiste et au batteur d’anticiper, d’ouvrir au pianiste des voies royales. Une telle connivence suppose, avant tout, le partage de valeurs esthétiques. Et, sous une apparente facilité, une connaissance intime de ses partenaires et de leurs réactions.


Qu’il s’agisse de compositions originales (The Question Is, The Second Part, Penthouse), de standards (Softly As In A Morning Sunrise, pris sur un tempo vif, occasion pour Lewis Nash d’un solo brillant, à l’architecture impeccable), de variations sur le blues, chaque pièce donne la même impression d’aisance, de limpidité, d’évidence. Comme à chacun de ses concerts, Kenny Barron se réserve un medley d’Ellington-Stayhorn qu’il interprète en solo. Sans doute peu de pianistes atteignent à cette maîtrise qui permet de s’approprier une musique sans en trahir l’essence, sans l’affadir par des commentaires ou des fioritures inutiles. Probité, sobriété, élégance. Tels sont les maîtres mots qui pourraient définir l’art d’un musicien qui aura donné à l’assistance une véritable leçon de jazz. Appréciée, du reste, à sa juste valeur.

 

Le quintette dirigé par Wynton Marsalis est constitué d’éléments du Lincoln Center Jazz Orchestra. Choisis, il va sans dire, parmi les plus brillants. Le public de Marciac les connaît de longue date et ne se lasse pourtant pas de les entendre. C’est que chaque concert, différent du précédent, réserve son lot de surprises. La surprise, ce soir (mais en est-ce vraiment une ?), est que le groupe s’inscrit très explicitement dans une tradition, celle du bop et du hard bop. Exposé des thèmes à l’unisson par la trompette et le sax, succession de chorus, retour à la case départ, le schéma archétypal est respecté. Faut-il le déplorer ? Sûrement pas, tant la formule est portée à son niveau d’excellence. La rythmique est, comme il se doit, au service de l’ensemble, mais chacun de ses membres brille aussi en solo, singulièrement Carlos Henriquez, auteur par ailleurs de Guara Jazz.

 

Tous les musiciens apportent leur contribution au répertoire, Marsalis avec, entre autres, Sparks et Sailing, Walter Blanding, qui se situe dans la lignée des grands interprètes de ballades, avec  Dante Alighieri, Ali Jackson avec Blossom in the Weeds, Dan Nimmer avec un morceau qui doit pour l’instant se contenter de l’appellation Untitled. Quelques standards, dont, en rappel, A Ghost of a Chance. En somme, un concert magistral. Des solistes brillants – out
re  Wynton, dont on retient particulièrement le solo sur America, Blanding (Everything Happens to Me) et Dan Nimmer. Des arrangements percutants. Une homogénéité d’ensemble et une cohésion concrétisée par le placement sur scène d’un groupe en quelque sorte blotti autour de son berger, faisant fi des vastes espaces qui lui sont offerts, négligeant du même coup l’usage des retours, rendus inutiles par cette proximité. Tout un symbole.

 

Jacques Aboucaya

|

Comment définir le classicisme ? Sans doute, et quel que soit le domaine, par une parfaite adéquation entre le fond et la forme. Une concordance immédiate qui n’est en aucun cas le fruit d’une recherche préméditée ou d’une volonté réfléchie d’innovation. Une sorte de miracle. D’équilibre fragile. D’état de grâce « naturel ». Ces réflexions ô combien arides, j’en conviens, surtout en période estivale, me sont suggérées par les prestations marciacaises de Kenny Barron et de Wynton Marsalis.

 

Kenny Barron Platinum Trio. Kenny Barron (p), George Mraz (b), Lewis Nash (dm).

 

Wynton Marsalis Quintet. Wynton Marsalis (tp), Walter Blanding (ts, ss), Dan Nimmer (p), Carlos Henriquez (b), Ali Jackson (dm).

Chapiteau, 31 juillet

 

Kenny Barron s’est si souvent produit à Marciac, et dans des configurations si diverses, qu’on croit le connaître par coeur. En avril 2012, accompagné par Kiyoshi Kitagawa et Johnatan Blake, il avait donné à l’Astrada un concert mémorable. On l’a retrouvé l’été dernier sur la scène du chapiteau avec trois autres pianistes pour une exhibition insolite, du solo au quatre-mains, voire au huit-mains. Parmi eux, Mulgrew Miller, récemment disparu, dédicataire, ce soir, d’un émouvant Hommage.

 

Sa formule favorite reste toutefois le trio. Celui qu’il constitue avec le très fin George Mraz et l’efficace Lewis Nash porte le nom de Platinum, allusion aux soixante-dix printemps qu’il a fêtés en juin dernier. Titre non usurpé. Sur la carte de visite du contrebassiste, des collaborations avec Oscar Peterson, Stan Getz, Chet Baker. Quant à Lewis Nash, il fut, dans les années 80 et 90, l’un des batteurs les plus en vue, tournant aussi bien avec Sonny Rollins qu’avec Joshua Redman. C’est assez dire qu’ils apportent au pianiste, dont il est inutile de rappeler le parcours, tout le poids de leur expérience et qu’ils connaissent, comme lui, toute l’évolution d’une musique qu’ils ont contribué à créer.

 

Le ton est donné d’entrée de jeu avec Be Bop. Le standard de Dizzy Gillespie manifeste déjà la manière caractéristique d’un trio qui trouve, de façon quasi instantanée,  son mode de fonctionnement :  une pulsation légère, un swing « naturel », sans effets forcés, des développements d’une suprême aisance, une entente qui permet au bassiste et au batteur d’anticiper, d’ouvrir au pianiste des voies royales. Une telle connivence suppose, avant tout, le partage de valeurs esthétiques. Et, sous une apparente facilité, une connaissance intime de ses partenaires et de leurs réactions.


Qu’il s’agisse de compositions originales (The Question Is, The Second Part, Penthouse), de standards (Softly As In A Morning Sunrise, pris sur un tempo vif, occasion pour Lewis Nash d’un solo brillant, à l’architecture impeccable), de variations sur le blues, chaque pièce donne la même impression d’aisance, de limpidité, d’évidence. Comme à chacun de ses concerts, Kenny Barron se réserve un medley d’Ellington-Stayhorn qu’il interprète en solo. Sans doute peu de pianistes atteignent à cette maîtrise qui permet de s’approprier une musique sans en trahir l’essence, sans l’affadir par des commentaires ou des fioritures inutiles. Probité, sobriété, élégance. Tels sont les maîtres mots qui pourraient définir l’art d’un musicien qui aura donné à l’assistance une véritable leçon de jazz. Appréciée, du reste, à sa juste valeur.

 

Le quintette dirigé par Wynton Marsalis est constitué d’éléments du Lincoln Center Jazz Orchestra. Choisis, il va sans dire, parmi les plus brillants. Le public de Marciac les connaît de longue date et ne se lasse pourtant pas de les entendre. C’est que chaque concert, différent du précédent, réserve son lot de surprises. La surprise, ce soir (mais en est-ce vraiment une ?), est que le groupe s’inscrit très explicitement dans une tradition, celle du bop et du hard bop. Exposé des thèmes à l’unisson par la trompette et le sax, succession de chorus, retour à la case départ, le schéma archétypal est respecté. Faut-il le déplorer ? Sûrement pas, tant la formule est portée à son niveau d’excellence. La rythmique est, comme il se doit, au service de l’ensemble, mais chacun de ses membres brille aussi en solo, singulièrement Carlos Henriquez, auteur par ailleurs de Guara Jazz.

 

Tous les musiciens apportent leur contribution au répertoire, Marsalis avec, entre autres, Sparks et Sailing, Walter Blanding, qui se situe dans la lignée des grands interprètes de ballades, avec  Dante Alighieri, Ali Jackson avec Blossom in the Weeds, Dan Nimmer avec un morceau qui doit pour l’instant se contenter de l’appellation Untitled. Quelques standards, dont, en rappel, A Ghost of a Chance. En somme, un concert magistral. Des solistes brillants – out
re  Wynton, dont on retient particulièrement le solo sur America, Blanding (Everything Happens to Me) et Dan Nimmer. Des arrangements percutants. Une homogénéité d’ensemble et une cohésion concrétisée par le placement sur scène d’un groupe en quelque sorte blotti autour de son berger, faisant fi des vastes espaces qui lui sont offerts, négligeant du même coup l’usage des retours, rendus inutiles par cette proximité. Tout un symbole.

 

Jacques Aboucaya