Jazz live
Publié le 7 Juin 2012

Jazzdor, Strasbourg-Berlin (3)

Grande soirée hier, sans doute la plus complète, la plus intense, la plus excitante depuis le début du festival. Et je commencerai par un nouvel aveu : je ne connaissais pas très bien Nils Wogram (tb), et je vais tenter très rapidement de combler cette faille. Car ce tromboniste – qui propose aussi un duo avec Simon Nabatov (p) – est manifestement un très grand talent de la scène actuelle. C’est du moins ce qui apparut très vite au détour de son dialogue inédit avec Bojan Z : une seule répétition ensemble, des unissons parfaits, des « chases » au quart de poil, une aisance stupéfiante et un son superbe. Bien partagé entre les deux compositeurs, le répertoire a associé les thèmes voyageurs de « notre » pianiste (dont le très beau Multi Don Kulti dédié à Don Cherry, ressorti des cartons), et les compositions du tromboniste, dont en rappel une petite et délicieuse chose très ellingtonnienne dont je n’ai pas saisi le titre. Les duos trombone/piano ne sont pas légion dans l’histoire du jazz : j’ai trouvé des occurrences de rencontres entre Albert Mangelsdorff et Wolfgand Dauner à deux reprises (1969 et 1982), un duo enregistré entre Roswell Rudd et Giorgio Gaslini en 1979, et pas grand chose d’autre. Beaucoup de monde en ce début de soirée, et un accueil enthousiaste.


Le sommet fut atteint très vite, et d’évidence, avec le trio suivant, constitué de Christophe Monniot (as, ss), Bruno Chevillon (b), et Franck Vaillant (dm). Près d’une heure de musique totalement improvisée dont la trame thématique est dictée mélodiquement par le saxophoniste, qui entraîne et embarque ses deux acolytes et nous mêmes dans un hommage assez stupéfiant à Albert Ayler & Art Pepper (Summertime), avant de proposer une somptueuse lecture à trois de Speak Low de Kurt Weill, puis de conclure avec une sorte de gospel tiré du fond de sa mémoire. Des thèmes qui fonctionnent comme des fantômes (encore un clin d’œil au grand Albert) plus que comme des références textuelles, mais surtout une variété de climats sonores et affectifs impressionnante. Bruno Chevillon déboule (pizzicati ou arco), commente, ou se tait, use de ses artefacts sonores avec justesse, cependant que Franck Vaillant fait valoir une belle palette de sons et de rythmes, qui privilégie les caisses et les toms, et use avec retenue de sa frappe sur les cymbales. Nous sommes restés suspendus de tant d’intensité musicale, et de tant de liberté associée à un travail de mémoire tout à fait assumé. Un exemple, peut-être un modèle.

 

Restait au quartet « We Are All Americans » (Hasse Poulsen, Adrien Denefeld (g), Benjamin Flament (vib), Julien Chamla (dm) & Denis Rouvre (images) la tâche malaisée de succéder à cette déferlante, et en même temps de nous ramener sur terre en douceur. Ils ont su le faire, à leur manière et avec la manière. Le « spectacle » est une sorte de « road movie » musical et en images à travers une Amérique (du Nord…) fantasmée, mais aussi filmée et photographiée par Denis Rouvre (20 ans de travail), dont chaque instrumentiste assume une partie des vignettes sonores dans une succession bien rythmée, qui évoque des routes, des parcours, des destins, des espaces « made in America ». Il est piquant de voir comment les deux guitaristes jouent tour à tour le rôle d’accompagnateur de l’un et de l’autre, l’ensemble est encore frais, il faudra lui donner plus de liant encore, malgré la prestation du vidéaste qui a choisi de suivre au plus près les rythmes et les contenus de la musique.

 

« Ich bin ein Berliner » avait déclaré Kennedy le 26 juin 1963, commettant paraît-il une faute grammaticale qui lui aurait fait dire en fait « je suis un Berliner », c’est à dire une gourmandise à l’abricot, spécialité de la capitale allemande. On peut lui retourner la formule aujourd’hui, et lui dire que nous sommes tous devenus américains, ce qui au fond n’a rien de vraiment exaltant, à quelques rares irruptions artistiques près, dont le jazz probablement.


Philippe Méziat

 

Discographie récente de Nils Wogram :

  • « Root 70 », « Listen To Your Woman » (NWOG RECORDS 001)
  • Nils Wogram & Simon Nabatov (NWOG RECORDS 002)
  • Nils Wogram & Nostalgia, « Sturm and drang » (NWOG RECORDS 003)
  • Nils Wogram Septet, « Complete Soul », (NWOG RECORDS 004)

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Grande soirée hier, sans doute la plus complète, la plus intense, la plus excitante depuis le début du festival. Et je commencerai par un nouvel aveu : je ne connaissais pas très bien Nils Wogram (tb), et je vais tenter très rapidement de combler cette faille. Car ce tromboniste – qui propose aussi un duo avec Simon Nabatov (p) – est manifestement un très grand talent de la scène actuelle. C’est du moins ce qui apparut très vite au détour de son dialogue inédit avec Bojan Z : une seule répétition ensemble, des unissons parfaits, des « chases » au quart de poil, une aisance stupéfiante et un son superbe. Bien partagé entre les deux compositeurs, le répertoire a associé les thèmes voyageurs de « notre » pianiste (dont le très beau Multi Don Kulti dédié à Don Cherry, ressorti des cartons), et les compositions du tromboniste, dont en rappel une petite et délicieuse chose très ellingtonnienne dont je n’ai pas saisi le titre. Les duos trombone/piano ne sont pas légion dans l’histoire du jazz : j’ai trouvé des occurrences de rencontres entre Albert Mangelsdorff et Wolfgand Dauner à deux reprises (1969 et 1982), un duo enregistré entre Roswell Rudd et Giorgio Gaslini en 1979, et pas grand chose d’autre. Beaucoup de monde en ce début de soirée, et un accueil enthousiaste.


Le sommet fut atteint très vite, et d’évidence, avec le trio suivant, constitué de Christophe Monniot (as, ss), Bruno Chevillon (b), et Franck Vaillant (dm). Près d’une heure de musique totalement improvisée dont la trame thématique est dictée mélodiquement par le saxophoniste, qui entraîne et embarque ses deux acolytes et nous mêmes dans un hommage assez stupéfiant à Albert Ayler & Art Pepper (Summertime), avant de proposer une somptueuse lecture à trois de Speak Low de Kurt Weill, puis de conclure avec une sorte de gospel tiré du fond de sa mémoire. Des thèmes qui fonctionnent comme des fantômes (encore un clin d’œil au grand Albert) plus que comme des références textuelles, mais surtout une variété de climats sonores et affectifs impressionnante. Bruno Chevillon déboule (pizzicati ou arco), commente, ou se tait, use de ses artefacts sonores avec justesse, cependant que Franck Vaillant fait valoir une belle palette de sons et de rythmes, qui privilégie les caisses et les toms, et use avec retenue de sa frappe sur les cymbales. Nous sommes restés suspendus de tant d’intensité musicale, et de tant de liberté associée à un travail de mémoire tout à fait assumé. Un exemple, peut-être un modèle.

 

Restait au quartet « We Are All Americans » (Hasse Poulsen, Adrien Denefeld (g), Benjamin Flament (vib), Julien Chamla (dm) & Denis Rouvre (images) la tâche malaisée de succéder à cette déferlante, et en même temps de nous ramener sur terre en douceur. Ils ont su le faire, à leur manière et avec la manière. Le « spectacle » est une sorte de « road movie » musical et en images à travers une Amérique (du Nord…) fantasmée, mais aussi filmée et photographiée par Denis Rouvre (20 ans de travail), dont chaque instrumentiste assume une partie des vignettes sonores dans une succession bien rythmée, qui évoque des routes, des parcours, des destins, des espaces « made in America ». Il est piquant de voir comment les deux guitaristes jouent tour à tour le rôle d’accompagnateur de l’un et de l’autre, l’ensemble est encore frais, il faudra lui donner plus de liant encore, malgré la prestation du vidéaste qui a choisi de suivre au plus près les rythmes et les contenus de la musique.

 

« Ich bin ein Berliner » avait déclaré Kennedy le 26 juin 1963, commettant paraît-il une faute grammaticale qui lui aurait fait dire en fait « je suis un Berliner », c’est à dire une gourmandise à l’abricot, spécialité de la capitale allemande. On peut lui retourner la formule aujourd’hui, et lui dire que nous sommes tous devenus américains, ce qui au fond n’a rien de vraiment exaltant, à quelques rares irruptions artistiques près, dont le jazz probablement.


Philippe Méziat

 

Discographie récente de Nils Wogram :

  • « Root 70 », « Listen To Your Woman » (NWOG RECORDS 001)
  • Nils Wogram & Simon Nabatov (NWOG RECORDS 002)
  • Nils Wogram & Nostalgia, « Sturm and drang » (NWOG RECORDS 003)
  • Nils Wogram Septet, « Complete Soul », (NWOG RECORDS 004)

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Grande soirée hier, sans doute la plus complète, la plus intense, la plus excitante depuis le début du festival. Et je commencerai par un nouvel aveu : je ne connaissais pas très bien Nils Wogram (tb), et je vais tenter très rapidement de combler cette faille. Car ce tromboniste – qui propose aussi un duo avec Simon Nabatov (p) – est manifestement un très grand talent de la scène actuelle. C’est du moins ce qui apparut très vite au détour de son dialogue inédit avec Bojan Z : une seule répétition ensemble, des unissons parfaits, des « chases » au quart de poil, une aisance stupéfiante et un son superbe. Bien partagé entre les deux compositeurs, le répertoire a associé les thèmes voyageurs de « notre » pianiste (dont le très beau Multi Don Kulti dédié à Don Cherry, ressorti des cartons), et les compositions du tromboniste, dont en rappel une petite et délicieuse chose très ellingtonnienne dont je n’ai pas saisi le titre. Les duos trombone/piano ne sont pas légion dans l’histoire du jazz : j’ai trouvé des occurrences de rencontres entre Albert Mangelsdorff et Wolfgand Dauner à deux reprises (1969 et 1982), un duo enregistré entre Roswell Rudd et Giorgio Gaslini en 1979, et pas grand chose d’autre. Beaucoup de monde en ce début de soirée, et un accueil enthousiaste.


Le sommet fut atteint très vite, et d’évidence, avec le trio suivant, constitué de Christophe Monniot (as, ss), Bruno Chevillon (b), et Franck Vaillant (dm). Près d’une heure de musique totalement improvisée dont la trame thématique est dictée mélodiquement par le saxophoniste, qui entraîne et embarque ses deux acolytes et nous mêmes dans un hommage assez stupéfiant à Albert Ayler & Art Pepper (Summertime), avant de proposer une somptueuse lecture à trois de Speak Low de Kurt Weill, puis de conclure avec une sorte de gospel tiré du fond de sa mémoire. Des thèmes qui fonctionnent comme des fantômes (encore un clin d’œil au grand Albert) plus que comme des références textuelles, mais surtout une variété de climats sonores et affectifs impressionnante. Bruno Chevillon déboule (pizzicati ou arco), commente, ou se tait, use de ses artefacts sonores avec justesse, cependant que Franck Vaillant fait valoir une belle palette de sons et de rythmes, qui privilégie les caisses et les toms, et use avec retenue de sa frappe sur les cymbales. Nous sommes restés suspendus de tant d’intensité musicale, et de tant de liberté associée à un travail de mémoire tout à fait assumé. Un exemple, peut-être un modèle.

 

Restait au quartet « We Are All Americans » (Hasse Poulsen, Adrien Denefeld (g), Benjamin Flament (vib), Julien Chamla (dm) & Denis Rouvre (images) la tâche malaisée de succéder à cette déferlante, et en même temps de nous ramener sur terre en douceur. Ils ont su le faire, à leur manière et avec la manière. Le « spectacle » est une sorte de « road movie » musical et en images à travers une Amérique (du Nord…) fantasmée, mais aussi filmée et photographiée par Denis Rouvre (20 ans de travail), dont chaque instrumentiste assume une partie des vignettes sonores dans une succession bien rythmée, qui évoque des routes, des parcours, des destins, des espaces « made in America ». Il est piquant de voir comment les deux guitaristes jouent tour à tour le rôle d’accompagnateur de l’un et de l’autre, l’ensemble est encore frais, il faudra lui donner plus de liant encore, malgré la prestation du vidéaste qui a choisi de suivre au plus près les rythmes et les contenus de la musique.

 

« Ich bin ein Berliner » avait déclaré Kennedy le 26 juin 1963, commettant paraît-il une faute grammaticale qui lui aurait fait dire en fait « je suis un Berliner », c’est à dire une gourmandise à l’abricot, spécialité de la capitale allemande. On peut lui retourner la formule aujourd’hui, et lui dire que nous sommes tous devenus américains, ce qui au fond n’a rien de vraiment exaltant, à quelques rares irruptions artistiques près, dont le jazz probablement.


Philippe Méziat

 

Discographie récente de Nils Wogram :

  • « Root 70 », « Listen To Your Woman » (NWOG RECORDS 001)
  • Nils Wogram & Simon Nabatov (NWOG RECORDS 002)
  • Nils Wogram & Nostalgia, « Sturm and drang » (NWOG RECORDS 003)
  • Nils Wogram Septet, « Complete Soul », (NWOG RECORDS 004)

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Grande soirée hier, sans doute la plus complète, la plus intense, la plus excitante depuis le début du festival. Et je commencerai par un nouvel aveu : je ne connaissais pas très bien Nils Wogram (tb), et je vais tenter très rapidement de combler cette faille. Car ce tromboniste – qui propose aussi un duo avec Simon Nabatov (p) – est manifestement un très grand talent de la scène actuelle. C’est du moins ce qui apparut très vite au détour de son dialogue inédit avec Bojan Z : une seule répétition ensemble, des unissons parfaits, des « chases » au quart de poil, une aisance stupéfiante et un son superbe. Bien partagé entre les deux compositeurs, le répertoire a associé les thèmes voyageurs de « notre » pianiste (dont le très beau Multi Don Kulti dédié à Don Cherry, ressorti des cartons), et les compositions du tromboniste, dont en rappel une petite et délicieuse chose très ellingtonnienne dont je n’ai pas saisi le titre. Les duos trombone/piano ne sont pas légion dans l’histoire du jazz : j’ai trouvé des occurrences de rencontres entre Albert Mangelsdorff et Wolfgand Dauner à deux reprises (1969 et 1982), un duo enregistré entre Roswell Rudd et Giorgio Gaslini en 1979, et pas grand chose d’autre. Beaucoup de monde en ce début de soirée, et un accueil enthousiaste.


Le sommet fut atteint très vite, et d’évidence, avec le trio suivant, constitué de Christophe Monniot (as, ss), Bruno Chevillon (b), et Franck Vaillant (dm). Près d’une heure de musique totalement improvisée dont la trame thématique est dictée mélodiquement par le saxophoniste, qui entraîne et embarque ses deux acolytes et nous mêmes dans un hommage assez stupéfiant à Albert Ayler & Art Pepper (Summertime), avant de proposer une somptueuse lecture à trois de Speak Low de Kurt Weill, puis de conclure avec une sorte de gospel tiré du fond de sa mémoire. Des thèmes qui fonctionnent comme des fantômes (encore un clin d’œil au grand Albert) plus que comme des références textuelles, mais surtout une variété de climats sonores et affectifs impressionnante. Bruno Chevillon déboule (pizzicati ou arco), commente, ou se tait, use de ses artefacts sonores avec justesse, cependant que Franck Vaillant fait valoir une belle palette de sons et de rythmes, qui privilégie les caisses et les toms, et use avec retenue de sa frappe sur les cymbales. Nous sommes restés suspendus de tant d’intensité musicale, et de tant de liberté associée à un travail de mémoire tout à fait assumé. Un exemple, peut-être un modèle.

 

Restait au quartet « We Are All Americans » (Hasse Poulsen, Adrien Denefeld (g), Benjamin Flament (vib), Julien Chamla (dm) & Denis Rouvre (images) la tâche malaisée de succéder à cette déferlante, et en même temps de nous ramener sur terre en douceur. Ils ont su le faire, à leur manière et avec la manière. Le « spectacle » est une sorte de « road movie » musical et en images à travers une Amérique (du Nord…) fantasmée, mais aussi filmée et photographiée par Denis Rouvre (20 ans de travail), dont chaque instrumentiste assume une partie des vignettes sonores dans une succession bien rythmée, qui évoque des routes, des parcours, des destins, des espaces « made in America ». Il est piquant de voir comment les deux guitaristes jouent tour à tour le rôle d’accompagnateur de l’un et de l’autre, l’ensemble est encore frais, il faudra lui donner plus de liant encore, malgré la prestation du vidéaste qui a choisi de suivre au plus près les rythmes et les contenus de la musique.

 

« Ich bin ein Berliner » avait déclaré Kennedy le 26 juin 1963, commettant paraît-il une faute grammaticale qui lui aurait fait dire en fait « je suis un Berliner », c’est à dire une gourmandise à l’abricot, spécialité de la capitale allemande. On peut lui retourner la formule aujourd’hui, et lui dire que nous sommes tous devenus américains, ce qui au fond n’a rien de vraiment exaltant, à quelques rares irruptions artistiques près, dont le jazz probablement.


Philippe Méziat

 

Discographie récente de Nils Wogram :

  • « Root 70 », « Listen To Your Woman » (NWOG RECORDS 001)
  • Nils Wogram & Simon Nabatov (NWOG RECORDS 002)
  • Nils Wogram & Nostalgia, « Sturm and drang » (NWOG RECORDS 003)
  • Nils Wogram Septet, « Complete Soul », (NWOG RECORDS 004)