Jazz live
Publié le 25 Oct 2019

Jeudi Jazzmag au Blomet so Miles !

Hier 24 octobre, 53ème anniversaire de l’enregistrement de “Miles Smiles”, Jazz Magazine accueillait au Bal Blomet le programme “So Miles” du trompettiste Nicolas Fomer, avec deux invités très spéciaux, ancien compagnon du dit Miles, René Urtreger et Rick Margitza.

Ci-dessus de gauche à droite: Laurent Coulondre, Nicolas Folmer, Julien Herné, Rick Margitza, Olivier Louver et Stéphane Huchard. Absent de la photo: René Urtreger.

Intro de guitare, une kalimba (piano à pouce d’Afrique de l’Ouest) jouée directement sur les cordes en guise de bottleneck, atmosphères bleutées soulignées par une batterie frémissante de lourdes menaces, et s’élève le chant légendaire de So What joué par la front line, non pas le thème, mais le fameux solo du trompettiste d’East St. Louis ralenti comme s’il nous arrivait réverbéré par la traversée de profondes cavernes. Rêverie sur ce qui reste “La Joconde” du jazz et pertinent prélude à ce programme imaginé par le leader comme à travers une mémoire, brouillée par le temps, des différentes époques de Miles. C’est ainsi que l’on verra les notes du Pinocchio de Wayne Shorter s’égarer sur les lignes de la portée, comme dans un jeu de miroir nous précisera l’auteur de cette fantaisie rebaptisée Around Pinocchio, ou Footprints du même Shorter entrainé par la guitare décidément très africaine d’Olivier Louvel vers une Afrique dont Miles avait rêvé pour son All Blues sans bien savoir comment s’y prendre avant d’en confier la réalisation à Bill Evans qui, en quelque sorte, l’européanisa. Duo du chat et de la souris trompette – guitare a capella, exposé dédoublé sur le thème de Shorter flottant en 4/4 sur les ambiguités d’une rythmique – Julien Herné (elb) et Stéphane Huchard (dm) – réinventant les divagations du second quintette comme passées au filtre du “chromatic funk” des années “Star People – Decoy”.

Celles-ci et la thématique alors empruntée aux improvisations de John Scofield seront plus précisément évoquées sur What’s Happen (visiblement inspiré de What Is It mais titré d’un jeu de mot sur That’s What Happened autre contribution de Sco à “Decoy”) avec un Olivier Louvel échappant au piège scofieldien pour nous emmener plus vers l’onirisme d’un John Abercrombie période “Gateway”, une rythmique formidablement soudée dans une évocation non imitative de celles animées par Al Foster, et un Rick Margitza, ici présenté en guest star, qui, ayant joué quelques semaines en 1989 chez Miles, aurait pu déballer tout ce qu’il sait, mais qui s’est défié de l’évidence et de l’efficacité pour privilégier la surprise et l’espace, hommage peut-être à sa façon à Wayne Shorter.

Et si l’on doit encore rapporter qu’il y eut un morceau de Daft Punk joué à la “So Miles”, il y eut aussi un Blue In Green / Nefertiti illuminé par Laurent Coulondre aussi musical et généreux ici sur le piano, qu’il le fut ailleurs sur les claviers, la barre étant placée très haut, avec la présence d’une autre guest star, René Urtreger, presque monkien (mais sans obséquiosité, “à la René”) dans son introduction de ‘Round Midnight , invitant son hôte au duo, le tandem basse électrique & batterie invité à les rejoindre étant moins adapté à la situation. Puis Urtreger nous offrira sa version lumineuse du blues sur sa composition Saint-Eustache et conviera Laurent Coulondre à le rejoindre pour un échange sur Dig où l’on aurait cru entendre se réaliser la rencontre improbable entre Bud Powell et Herbie Hancock.

Joyeux anniversaire de fin de concert pour Nicolas Folmer et Rick Margitza sous l’œil de Julien Herné.

Tout ça raconté dans une ordre non chronologique, comme l’était cette évocation de l’œuvre de Miles, mais où le temps des horloges reprit ses droits lors du rappel, puisque le 24 octobre était tout à la fois le 58ème anniversaire de Rick Margitza, le 43ème anniversaire (à deux jours près) de Nicolas Folmer, le 53ème anniversaire de l’enregistrement de l’album “Miles Smiles” et le 90ème anniversaire de l’enregistrement de Yo-Yo Blues par l’Eddie & Sugar Lou’s Hotel Tyler Orchestra. Vous connaissez ? Franck Bergerot (photos © X. Deher)