Jeux de dames à Saint-Gaudens
La seconde soirée de Jazz en Comminges a attiré, dans la grande salle du Parc des Expositions de Saint-Gaudens, une foule aussi dense que la veille. Preuve, s’il en était besoin, que le festival a trouvé sa vitesse de croisière et séduit au-delà même de la population locale et régionale. Au programme, deux musiciennes pour qui c’est la première prestation en ces lieux, l’Américaine Dena DeRose et la japonaise Hiromi. Difficile d’imaginer un concert aux deux parties aussi contrastées. Ces dames jouent, certes, du même instrument. Pourtant, un monde les sépare.
Dena DeRose and The Great Danes. Dena DeRose (p, voc), Benjamin Koppel (as), Jespeer Lundgaard (b), Alex Riel (dm).
Hiromi. The Trio Project. Hiromi (p), Anthony Jackson (elb), Steve Smith (dm). Saint-Gaudens, Palais des Expositions, 10 mai.
Lorsque Dena DeRose attaque en trio I Fall In Love Too Easily, le ton est donné. Feutré, quasiment aseptisé. Du jazz de chambre, agréable et sans grand relief. La pianiste-chanteuse est pourtant accompagnée par la fine fleur des musiciens danois, Jesper Lundgaard, vieux briscard qui appartint, à la fin des années 70, au big band de Thad Jones-Mel Lewis et fut l’un des piliers du label Steeple Chase, et le batteur Alex Riel, fringant septuagénaire au palmarès tout aussi prestigieux, tant dans le jazz que dans le rock. Quant à Benjamin Koppel, qui rejoint ensuite le groupe, c’est, de loin, le plus jeune, mais il a si souvent joué et enregistré avec ses deux aînés que leur entente est immédiate. C’est un héritier de Bird, tendance Phil Woods, avec ce que cela sous-entend de vigueur, de musicalité et de lyrisme.
Pour ce qui est de Dena, indéniables sont ses qualités vocales – clarté du timbre, sens des nuances -, même si on reste plus sensible aux arguments de la pianiste, à sa maîtrise des dynamiques, à son utilisation des clusters et des block chords. Elle excelle toutefois dans les ballades, détaille avec une suavité dépourvue de mièvrerie les lyrics que Meredith d’Ambrosio déposa sur le Blue In Green de Miles (de Miles ? De Bill Evans ? La question reste entière, mais tel n’est pas le sujet…), fredonne à l’unisson de ses improvisations pianistiques. Elle explore, au-delà des standards éprouvés, le répertoire de la pop (Imagine de John Lennon), privilégie les tempos lent et medium.
On est prêt à se laisser engluer dans cette atmosphère un tantinet déliquescente lorsque soudain le climat change. Comme si la tension contenue se libérait enfin, révélant toutes les ressources d’un quartette capable de swinguer avec allégresse. Tour à tour Riel et Lundgaard (à l’archet) se mettent en évidence, l’alto de Koppel se fait plus véhément, Dena elle-même rugit derrière son clavier. Final avec une marche signée Al Cohn, dans une ambiance hard bop. Crescendo parfaitement réussi.
Pas d’atermoiement de ce genre avec Hiromi qui abat d’entrée son atout majeur : l’énergie. Impressionnante. Dévastatrice. Quand on a découvert, naguère, cette protégée d’Ahmad Jamal, elle balançait entre le jazz et le rock. Avec son Trio Project, elle a choisi le versant rock et des partenaires propres à servir au mieux ses desseins. Anthony Jackson, virtuose de la basse à six cordes, peut rivaliser de virtuosité avec la pianiste. Steve Smith, derrière sa floraison de cymbales et son armada de toms, déploie une technique rodée au sein de groupes de rock et de fusion.
L’intensité – une intensité dont on se demande comment elle peut émaner avec une telle puissance d’une si frêle jeune fille – ne faiblira par tout du long. Hiromi, par ailleurs enjouée, souriante, à la limite du cabotinage, faisant l’effort de présenter ses morceaux en français, est une véritable pile électrique. Bien au-delà des cent mille volts attribués jadis à Gilbert Bécaud. Sa virtuosité est proprement hallucinante.
Au menu, des extraits de « Move », le dernier en date de ses albums où elle interprète ses propres compositions. En particulier, la Suite Escapism en trois mouvements, Reality, Fantasy et In Between, caractéristique de son orientation actuelle. Non qu’elle ait tout à fait perdu le sens des nuances qui faisait partie de son charme. Elle le prouvera en solo dans un morceau plein de délicatesse et de retenue, ou affleurent des réminiscences d’Erik Satie. Moment de respiration dans un concert à couper le souffle.
Ce soir, place aux cordes avec The Guitar Conference Band suivi d’Avishai Cohen.
Jacques Aboucaya
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La seconde soirée de Jazz en Comminges a attiré, dans la grande salle du Parc des Expositions de Saint-Gaudens, une foule aussi dense que la veille. Preuve, s’il en était besoin, que le festival a trouvé sa vitesse de croisière et séduit au-delà même de la population locale et régionale. Au programme, deux musiciennes pour qui c’est la première prestation en ces lieux, l’Américaine Dena DeRose et la japonaise Hiromi. Difficile d’imaginer un concert aux deux parties aussi contrastées. Ces dames jouent, certes, du même instrument. Pourtant, un monde les sépare.
Dena DeRose and The Great Danes. Dena DeRose (p, voc), Benjamin Koppel (as), Jespeer Lundgaard (b), Alex Riel (dm).
Hiromi. The Trio Project. Hiromi (p), Anthony Jackson (elb), Steve Smith (dm). Saint-Gaudens, Palais des Expositions, 10 mai.
Lorsque Dena DeRose attaque en trio I Fall In Love Too Easily, le ton est donné. Feutré, quasiment aseptisé. Du jazz de chambre, agréable et sans grand relief. La pianiste-chanteuse est pourtant accompagnée par la fine fleur des musiciens danois, Jesper Lundgaard, vieux briscard qui appartint, à la fin des années 70, au big band de Thad Jones-Mel Lewis et fut l’un des piliers du label Steeple Chase, et le batteur Alex Riel, fringant septuagénaire au palmarès tout aussi prestigieux, tant dans le jazz que dans le rock. Quant à Benjamin Koppel, qui rejoint ensuite le groupe, c’est, de loin, le plus jeune, mais il a si souvent joué et enregistré avec ses deux aînés que leur entente est immédiate. C’est un héritier de Bird, tendance Phil Woods, avec ce que cela sous-entend de vigueur, de musicalité et de lyrisme.
Pour ce qui est de Dena, indéniables sont ses qualités vocales – clarté du timbre, sens des nuances -, même si on reste plus sensible aux arguments de la pianiste, à sa maîtrise des dynamiques, à son utilisation des clusters et des block chords. Elle excelle toutefois dans les ballades, détaille avec une suavité dépourvue de mièvrerie les lyrics que Meredith d’Ambrosio déposa sur le Blue In Green de Miles (de Miles ? De Bill Evans ? La question reste entière, mais tel n’est pas le sujet…), fredonne à l’unisson de ses improvisations pianistiques. Elle explore, au-delà des standards éprouvés, le répertoire de la pop (Imagine de John Lennon), privilégie les tempos lent et medium.
On est prêt à se laisser engluer dans cette atmosphère un tantinet déliquescente lorsque soudain le climat change. Comme si la tension contenue se libérait enfin, révélant toutes les ressources d’un quartette capable de swinguer avec allégresse. Tour à tour Riel et Lundgaard (à l’archet) se mettent en évidence, l’alto de Koppel se fait plus véhément, Dena elle-même rugit derrière son clavier. Final avec une marche signée Al Cohn, dans une ambiance hard bop. Crescendo parfaitement réussi.
Pas d’atermoiement de ce genre avec Hiromi qui abat d’entrée son atout majeur : l’énergie. Impressionnante. Dévastatrice. Quand on a découvert, naguère, cette protégée d’Ahmad Jamal, elle balançait entre le jazz et le rock. Avec son Trio Project, elle a choisi le versant rock et des partenaires propres à servir au mieux ses desseins. Anthony Jackson, virtuose de la basse à six cordes, peut rivaliser de virtuosité avec la pianiste. Steve Smith, derrière sa floraison de cymbales et son armada de toms, déploie une technique rodée au sein de groupes de rock et de fusion.
L’intensité – une intensité dont on se demande comment elle peut émaner avec une telle puissance d’une si frêle jeune fille – ne faiblira par tout du long. Hiromi, par ailleurs enjouée, souriante, à la limite du cabotinage, faisant l’effort de présenter ses morceaux en français, est une véritable pile électrique. Bien au-delà des cent mille volts attribués jadis à Gilbert Bécaud. Sa virtuosité est proprement hallucinante.
Au menu, des extraits de « Move », le dernier en date de ses albums où elle interprète ses propres compositions. En particulier, la Suite Escapism en trois mouvements, Reality, Fantasy et In Between, caractéristique de son orientation actuelle. Non qu’elle ait tout à fait perdu le sens des nuances qui faisait partie de son charme. Elle le prouvera en solo dans un morceau plein de délicatesse et de retenue, ou affleurent des réminiscences d’Erik Satie. Moment de respiration dans un concert à couper le souffle.
Ce soir, place aux cordes avec The Guitar Conference Band suivi d’Avishai Cohen.
Jacques Aboucaya
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La seconde soirée de Jazz en Comminges a attiré, dans la grande salle du Parc des Expositions de Saint-Gaudens, une foule aussi dense que la veille. Preuve, s’il en était besoin, que le festival a trouvé sa vitesse de croisière et séduit au-delà même de la population locale et régionale. Au programme, deux musiciennes pour qui c’est la première prestation en ces lieux, l’Américaine Dena DeRose et la japonaise Hiromi. Difficile d’imaginer un concert aux deux parties aussi contrastées. Ces dames jouent, certes, du même instrument. Pourtant, un monde les sépare.
Dena DeRose and The Great Danes. Dena DeRose (p, voc), Benjamin Koppel (as), Jespeer Lundgaard (b), Alex Riel (dm).
Hiromi. The Trio Project. Hiromi (p), Anthony Jackson (elb), Steve Smith (dm). Saint-Gaudens, Palais des Expositions, 10 mai.
Lorsque Dena DeRose attaque en trio I Fall In Love Too Easily, le ton est donné. Feutré, quasiment aseptisé. Du jazz de chambre, agréable et sans grand relief. La pianiste-chanteuse est pourtant accompagnée par la fine fleur des musiciens danois, Jesper Lundgaard, vieux briscard qui appartint, à la fin des années 70, au big band de Thad Jones-Mel Lewis et fut l’un des piliers du label Steeple Chase, et le batteur Alex Riel, fringant septuagénaire au palmarès tout aussi prestigieux, tant dans le jazz que dans le rock. Quant à Benjamin Koppel, qui rejoint ensuite le groupe, c’est, de loin, le plus jeune, mais il a si souvent joué et enregistré avec ses deux aînés que leur entente est immédiate. C’est un héritier de Bird, tendance Phil Woods, avec ce que cela sous-entend de vigueur, de musicalité et de lyrisme.
Pour ce qui est de Dena, indéniables sont ses qualités vocales – clarté du timbre, sens des nuances -, même si on reste plus sensible aux arguments de la pianiste, à sa maîtrise des dynamiques, à son utilisation des clusters et des block chords. Elle excelle toutefois dans les ballades, détaille avec une suavité dépourvue de mièvrerie les lyrics que Meredith d’Ambrosio déposa sur le Blue In Green de Miles (de Miles ? De Bill Evans ? La question reste entière, mais tel n’est pas le sujet…), fredonne à l’unisson de ses improvisations pianistiques. Elle explore, au-delà des standards éprouvés, le répertoire de la pop (Imagine de John Lennon), privilégie les tempos lent et medium.
On est prêt à se laisser engluer dans cette atmosphère un tantinet déliquescente lorsque soudain le climat change. Comme si la tension contenue se libérait enfin, révélant toutes les ressources d’un quartette capable de swinguer avec allégresse. Tour à tour Riel et Lundgaard (à l’archet) se mettent en évidence, l’alto de Koppel se fait plus véhément, Dena elle-même rugit derrière son clavier. Final avec une marche signée Al Cohn, dans une ambiance hard bop. Crescendo parfaitement réussi.
Pas d’atermoiement de ce genre avec Hiromi qui abat d’entrée son atout majeur : l’énergie. Impressionnante. Dévastatrice. Quand on a découvert, naguère, cette protégée d’Ahmad Jamal, elle balançait entre le jazz et le rock. Avec son Trio Project, elle a choisi le versant rock et des partenaires propres à servir au mieux ses desseins. Anthony Jackson, virtuose de la basse à six cordes, peut rivaliser de virtuosité avec la pianiste. Steve Smith, derrière sa floraison de cymbales et son armada de toms, déploie une technique rodée au sein de groupes de rock et de fusion.
L’intensité – une intensité dont on se demande comment elle peut émaner avec une telle puissance d’une si frêle jeune fille – ne faiblira par tout du long. Hiromi, par ailleurs enjouée, souriante, à la limite du cabotinage, faisant l’effort de présenter ses morceaux en français, est une véritable pile électrique. Bien au-delà des cent mille volts attribués jadis à Gilbert Bécaud. Sa virtuosité est proprement hallucinante.
Au menu, des extraits de « Move », le dernier en date de ses albums où elle interprète ses propres compositions. En particulier, la Suite Escapism en trois mouvements, Reality, Fantasy et In Between, caractéristique de son orientation actuelle. Non qu’elle ait tout à fait perdu le sens des nuances qui faisait partie de son charme. Elle le prouvera en solo dans un morceau plein de délicatesse et de retenue, ou affleurent des réminiscences d’Erik Satie. Moment de respiration dans un concert à couper le souffle.
Ce soir, place aux cordes avec The Guitar Conference Band suivi d’Avishai Cohen.
Jacques Aboucaya
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La seconde soirée de Jazz en Comminges a attiré, dans la grande salle du Parc des Expositions de Saint-Gaudens, une foule aussi dense que la veille. Preuve, s’il en était besoin, que le festival a trouvé sa vitesse de croisière et séduit au-delà même de la population locale et régionale. Au programme, deux musiciennes pour qui c’est la première prestation en ces lieux, l’Américaine Dena DeRose et la japonaise Hiromi. Difficile d’imaginer un concert aux deux parties aussi contrastées. Ces dames jouent, certes, du même instrument. Pourtant, un monde les sépare.
Dena DeRose and The Great Danes. Dena DeRose (p, voc), Benjamin Koppel (as), Jespeer Lundgaard (b), Alex Riel (dm).
Hiromi. The Trio Project. Hiromi (p), Anthony Jackson (elb), Steve Smith (dm). Saint-Gaudens, Palais des Expositions, 10 mai.
Lorsque Dena DeRose attaque en trio I Fall In Love Too Easily, le ton est donné. Feutré, quasiment aseptisé. Du jazz de chambre, agréable et sans grand relief. La pianiste-chanteuse est pourtant accompagnée par la fine fleur des musiciens danois, Jesper Lundgaard, vieux briscard qui appartint, à la fin des années 70, au big band de Thad Jones-Mel Lewis et fut l’un des piliers du label Steeple Chase, et le batteur Alex Riel, fringant septuagénaire au palmarès tout aussi prestigieux, tant dans le jazz que dans le rock. Quant à Benjamin Koppel, qui rejoint ensuite le groupe, c’est, de loin, le plus jeune, mais il a si souvent joué et enregistré avec ses deux aînés que leur entente est immédiate. C’est un héritier de Bird, tendance Phil Woods, avec ce que cela sous-entend de vigueur, de musicalité et de lyrisme.
Pour ce qui est de Dena, indéniables sont ses qualités vocales – clarté du timbre, sens des nuances -, même si on reste plus sensible aux arguments de la pianiste, à sa maîtrise des dynamiques, à son utilisation des clusters et des block chords. Elle excelle toutefois dans les ballades, détaille avec une suavité dépourvue de mièvrerie les lyrics que Meredith d’Ambrosio déposa sur le Blue In Green de Miles (de Miles ? De Bill Evans ? La question reste entière, mais tel n’est pas le sujet…), fredonne à l’unisson de ses improvisations pianistiques. Elle explore, au-delà des standards éprouvés, le répertoire de la pop (Imagine de John Lennon), privilégie les tempos lent et medium.
On est prêt à se laisser engluer dans cette atmosphère un tantinet déliquescente lorsque soudain le climat change. Comme si la tension contenue se libérait enfin, révélant toutes les ressources d’un quartette capable de swinguer avec allégresse. Tour à tour Riel et Lundgaard (à l’archet) se mettent en évidence, l’alto de Koppel se fait plus véhément, Dena elle-même rugit derrière son clavier. Final avec une marche signée Al Cohn, dans une ambiance hard bop. Crescendo parfaitement réussi.
Pas d’atermoiement de ce genre avec Hiromi qui abat d’entrée son atout majeur : l’énergie. Impressionnante. Dévastatrice. Quand on a découvert, naguère, cette protégée d’Ahmad Jamal, elle balançait entre le jazz et le rock. Avec son Trio Project, elle a choisi le versant rock et des partenaires propres à servir au mieux ses desseins. Anthony Jackson, virtuose de la basse à six cordes, peut rivaliser de virtuosité avec la pianiste. Steve Smith, derrière sa floraison de cymbales et son armada de toms, déploie une technique rodée au sein de groupes de rock et de fusion.
L’intensité – une intensité dont on se demande comment elle peut émaner avec une telle puissance d’une si frêle jeune fille – ne faiblira par tout du long. Hiromi, par ailleurs enjouée, souriante, à la limite du cabotinage, faisant l’effort de présenter ses morceaux en français, est une véritable pile électrique. Bien au-delà des cent mille volts attribués jadis à Gilbert Bécaud. Sa virtuosité est proprement hallucinante.
Au menu, des extraits de « Move », le dernier en date de ses albums où elle interprète ses propres compositions. En particulier, la Suite Escapism en trois mouvements, Reality, Fantasy et In Between, caractéristique de son orientation actuelle. Non qu’elle ait tout à fait perdu le sens des nuances qui faisait partie de son charme. Elle le prouvera en solo dans un morceau plein de délicatesse et de retenue, ou affleurent des réminiscences d’Erik Satie. Moment de respiration dans un concert à couper le souffle.
Ce soir, place aux cordes avec The Guitar Conference Band suivi d’Avishai Cohen.
Jacques Aboucaya