Jazz live
Publié le 25 Mai 2024 • Par Xavier Prévost

Le MegaOctet au Comptoir de Fontenay

Un événement : le fameux ‘petit-grand orchestre’ (de cette taille que les anglo-saxons appellent medium band : un mot nous manque….) joue ce soir dans le club de la Halle Roublot à Fontenay-sous-Bois. Un événement parce que la petite scène accueille rarement des groupes de cet effectif, et aussi parce que la plupart des membres de l’orchestre sont venus ici à d’autres moments pour rôder leurs projets personnels, ou avec des groupes auxquels ils participent, dans le cadre des nombreuses résidences accueillies par Sophie Gastine et son équipe. Un contexte chaleureux et amical qui va rayonner tout au long de la soirée

ANDY EMLER MegaOctet

Andy Emler (piano, compositions, direction), Laurent Blondiau (trompette), Laurent Dehors (saxophone ténor, cornemuse), Guillaume Orti & Philippe Sellam (saxophone alto), François Thuillier (tuba), Claude Tchamitchian (contrebasse), Éric Échampard (batterie), François Verly (marimba, percussions)

Fontenay-sous-Bois, Musiques au Comptoir, 24 mai 2024, 21h

Le concert va mêler des compositions de différentes époques (et différents CD) du groupe. Le premier titre, E Total, est tiré du disque éponyme enregistré en 2011. Ça commence fort, les rythmes marqués sont émaillés d’interventions des souffleurs dans des tensions et des frottements harmoniques inouïs. Un explosif solo de Philippe Sellam couronne le tout. Puis c’est No Rush (2021), avec un intense dialogue entre François Thuillier et Claude Tchamitchian, et Think or sink, du même disque, avec cette fois de formidables échanges entre le marimba de François Verly et le piano, puis la basse à nouveau, en conversation mouvementée avec la batterie d’Éric Échampard. Je ne vais pas vous raconter par le menu le détail des titres et des interventions solistes (Laurent Blondiau y eut aussi sa part, conjuguant nuances et étincelles), mais ce qui frappe c’est l’espace donné à chacun de s’exprimer pleinement. Le MegaOctet, c’est un projet totalement collectif dans lequel les singularités peuvent s’épanouir : une ‘démocratie réalisée ’selon l’expression prêtée à Max Roach, pour qui c’était une sorte de définition du jazz. Ainsi Guillaume Orti va prouver qu’avec des modes de jeux hétérodoxes on peut raconter une histoire. Dans une intro de piano j’entends tout à la fois les cloches de Moussorgski et les accords mystiques de Scriabine. J’ai cru un instant que c’était l’adjonction d’un effet sur le piano. Après le concert j’interrogeai Vincent Mahey, le sonorisateur historique du groupe, qui exceptionnellement intervenait au Comptoir : pas d’effet, rien que la magie du piano, et du pianiste…. Ce qui fut confirmé par Andy Emler, lequel au fil d’une impro avait taquiné Beethoven allusivement, comme le fit d’ailleurs ensuite Laurent Dehors dans un solo de cornemuse. Le premier rappel était une évocation musicale du récent projet ‘Make ‘em Move’, avec la compagnie de danse Lady Rocks, puis ce fut un ultime retour des artistes sur scène pour une sorte de funk avec interlude choral d’une partie des instrumentistes. Public enthousiaste, où l’on comptait, outre les habitué.e.s du lieu, le fan club informel du MegaOctet, dont les ami.e.s de longue date qui, comme votre serviteur, assistaient aux concerts du groupe dès sa création en 1990 (avec prélude fin 1989 : j’y étais, je devrais revendiquer la présidence du fan club….). Grand moment de musique, d’amitié, de complicité : une soirée dont je vais me souvenir longtemps (et je ne serai pas le seul ! ).

Xavier Prévost