Jazz live
Publié le 10 Août 2014

Le trio Fichten remporte le Tremplin Jazz d'Avignon

Les 4 et 5 août, le Tremplin Jazz d’Avignon se déroulait au cloître des Carmes. Jazz Magazine y était.

 

Prolégomènes

 

Je me répète toujours un peu chaque année, mais, moi qui n’aime pas beaucoup la musique en plein air (sauf à écouter des “musiques de plein air” : fanfares, couple de sonneurs, brioleurs, concerts de klaxons, ramage, brâme…), le cloître des Carmes est un lieu d’écoute qui me comble chaque année, d’autant plus qu’on le retrouve chaque année entre les mains de Gaëtan Ortega presque depuis la création du tremplin en 1992. Et si c’est devenu presque une convention pour moi, voire un jeu, que de le citer au retour d’Avignon, lui dont le nom disparaîtra de ces pages le reste de l’année, c’est par contraste avec certaines “stars” du métier dont le nom et le travail n’en mérite pas tant. Le “son des Carmes” n’est d’ailleurs pas le seule chose qui m’attire à Avignon, mais aussi, formule classique des comptes rendus des festivals d’été, une équipe de bénévoles entièrement dévouée à la cause de ce Tremplin devenu festival, sous la houlette de ses présidents Robert Quaglierini et Jean-Michel Ambrosino et de son attaché de production Jeff Gaffet, etc… On regrettait cette année la disparition de l’un de ses co-fondateurs, René Sachelli dont la maîtrise des partenariats locaux fut l’un des secrets de la réussite de l’entreprise (accueillir, loger, nourrir, déplacer musiciens à l’affiche, concurrents et membres du jury) et dont la générosité exigeante s’ajoutait à l’empreinte laissée en héritage lorsqu’il prit ses distances. Cette générosité exigeants, il la partageait avec Michel Eymenier, absent cette année d’Avignon, âme véritable de ce Tremplin qu’il imagina voici 22 ans et qui manqua cruellement aux débats de notre jury, cette année un peu ronchon.


Un jury un peu ronchon


Peut-être la qualité technique (et musicale) croissante des jeunes (et parfois très jeunes) musiciens qui nous sont envoyés nous rend-elle très difficiles, à ce qu’était le niveau des tremplins au début du tremplin, nous fait peut-être oublier qu’ils sont encore très jeunes et font souvent à Avignon leur première sortie dans des conditions qui ne sont pas toujours idéales pour s’exposer (passage court, pression du jury dont ils savent la présence régnante au-dessus du public, sur le mur d’enceinte faisant face à la scène à côté de la cabine de régie…). On me rappellera que Charlie Parker avait 25 ans lorsqu’il enregistra Koko, que Miles Davis en avait alors 19 à ses côtés (tellement jeune qu’il céda sa place sur Koko, mais enregistra un solo sur Now’s the Time qui, après avoir été éreinté par la critique deviendra un classique), que Tony Williams en avait 17 lorsqu’il révolutionna la batterie moderne auprès de Miles en 1963. Voilà qui mériterait commentaires… Mais le retard que j’ai pris à rédiger ce compte rendu m’incite à les garder pour plus tard.


Pour l’émergence

 

Il n’en reste pas moins qu’avec 40 ans de métier cet été (mon premier compte rendu de festival – festival de musique folk il est vrai, à Kertalg en 1974 publié dans la revue Chanson) et une expérience annuelle des jurys qui remonte au 3ème Concours national de la Défense voici 35 ans, je reste friand de jeunes talents, non pas animé par un quelconque jeunisme, ou pédophilie musicale, mais parce que j’aime voir la musique se faire apprivoiser, émerger, grandir. Et si la période du début août, donc de la préparation de notre numéro de septembre, m’interdit d’assister à la totalité de ce qui, en Avignon, est devenu à présent un festival, je ne manque jamais les deux journées de ce Tremplin auquel j’assiste depuis 20 ans.


L’affiche d’Avignon

Qu’ai-je manqué cette année, à l’affiche des concerts ? Le pianiste Nahin Novrasli qui a laissé forte impression le 1er août. Christian Scott hélas empêché de jouer par une pluie diluvienne le 2 août. En première partie, le quartette Orioxy  (autour de la voix de Yael Miller et de la harpe de Julie Campiche) sortait de ses séances d’enregistrement au studio La Buissonne, des séances offertes par Gérard de Haro en récompense du grand prix remporté l’an passé au cloître de Carmes. Le 3 août, la chanteuse Mélanie de Biasio leur succédait sur une scène à nouveau sèche. Le 6 août, Jazz Magazine m’attendait et j’ai quitté Avignon sans pouvoir entendre, en première partie de Manu Katché, le saxophoniste Alexi Avakian  qui nous promet l’une des belles surprises phonographiques de la rentrée.

 

Le Tremplin

 

Cloître des Carmes, Avignon (84), le 4 août

 

Les Rugissants : Corentin Giniaux (clarinette basse), Rémi Scribe, Thibaud Merle (sax ténor), Grégoire Letouvet (piano, composition et arrangements), Alexandre Perrot (contrebasse), Jean-Batiste Paliès (batterie)

 

Le Tricycle : Jean-René Mourot (piano), Adam Lanfrey (contrebasse), Arthur Von Felt (batterie)

 

Schmid’s Huhn Quartet : Leonhard Huhn (sax alto), Stefan Karl Schmid (sax ténor), Stefan Schönegg (contrebasse), Fabian Arends (batterie)

 

Cloître des Carmes, Avignon (84), le 5 août

 

Leonhard Huhn (sax alto), Stefan Schönegg (contrebasse), Dominik Mahnig (batterie)

 

Cadillac Palace : Jean-Batiste Berger (sax ténor), Sébastien Leibundguth
(guitare électrique), Jérôme Klein (batterie)

 

Blowing Thrill : Ellie Dalibert, Hervé Gweltaz (sax alto), Emeric Chevalier (basse électrique), Fabrice L’Houtellier (batterie)

 

Saluons d’abord le prix de composition décerné au pianiste Grégoire Letouvet  pour ses partitions confiées au sextette qu’il dirige, Les Rugisants, véritable délégation d’anciens élèves des conservatoires de la Ville de Paris, les CRR (conservatoire à rayonnement régional), comme il y en eut souvent du CNSM de paris (conservatoire national supérieur de musique). Une écriture très active dont les vifs contrepoints et voicings mirent les qualités solistes de Corentin Giniaux, Rémi Scribe et Thibaud Merle, tous remarqués par le jury. Cohésion rythmique encore un peu verte, en dépit d’un contrebassiste remplaçant, Alexandre Perrot, qui fit également causer les jurés.

 

Le prix d’instrumentiste lui échappa de peu au profit du saxophoniste ténor Stefan Karl Schmid du Schmid’s Huhn Quartet  venu de Cologne. Un ténor “warnemarshien” à la tête d’une formation qui évoqua tout d’abord les conceptions tristaniennes du tandem Konitz-Marsh qui s’avérèrent très vite se combiner avec les héritages du trio Jimmy Giuffre-Shorty Rogers-Shelly Manne pour le sens de la forme et de Steve Coleman pour la capacité à gérer des glissements de couches rythmiques.

 

C’est cependant l’altiste de ce quartette, Leonardt Huhn, qui remporta le Grand Prix du Tremplin (et la possibilité d’enregistrer l’an prochain au Studio La Buissonne à l’occasion d’une première partie lors des concerts du Tremplin) à la tête du trio Die Fichten  avec le même contrebasiste Stefan Schönegg. Ce dernier s’y entendait comme larron en foire avec le batteur Dominik Mahnig qui ajoutait à la référence konitzienne défendue par le leader ce sens du zapping qu’apporta John Zorn dans l’improvisation, le tout avec une cohésion de jeu et une dynamique de nuances sur des structures exraordinairement complexes.

 

Le Prix du public fut décerné au trio Cadillac Palace  du saxophoniste Jean-Baptiste Berger pour un trio sax-guitare-batterie, plus marqué par la famille Marc Ribot-Jim Black-Chris Speed que par le trio de Paul Motian. Ces compositions aux architectures ambitieuses qui m’ont parues un peu décousues sur un rapport au temps qui ne m’a pas enchanté. Qu’il me soit permis de faire mention à titre personnel du Blowing Thrill, quartette à deux saxophones alto, parmi lesquels j’ai particulièrement remarqué l’émouvant Elie Dalibert cité à plusieurs reprises par le jury en ses débats, sur une musique certes éprouvante qui, en dépit d’une énergie débridée revendiquée, mériterait à se discipliner d’une manière ou d’une autre, au risque de perdre la fraîcheur première qui fait son charme violent, et vite éprouvant. Franck Bergerot

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Les 4 et 5 août, le Tremplin Jazz d’Avignon se déroulait au cloître des Carmes. Jazz Magazine y était.

 

Prolégomènes

 

Je me répète toujours un peu chaque année, mais, moi qui n’aime pas beaucoup la musique en plein air (sauf à écouter des “musiques de plein air” : fanfares, couple de sonneurs, brioleurs, concerts de klaxons, ramage, brâme…), le cloître des Carmes est un lieu d’écoute qui me comble chaque année, d’autant plus qu’on le retrouve chaque année entre les mains de Gaëtan Ortega presque depuis la création du tremplin en 1992. Et si c’est devenu presque une convention pour moi, voire un jeu, que de le citer au retour d’Avignon, lui dont le nom disparaîtra de ces pages le reste de l’année, c’est par contraste avec certaines “stars” du métier dont le nom et le travail n’en mérite pas tant. Le “son des Carmes” n’est d’ailleurs pas le seule chose qui m’attire à Avignon, mais aussi, formule classique des comptes rendus des festivals d’été, une équipe de bénévoles entièrement dévouée à la cause de ce Tremplin devenu festival, sous la houlette de ses présidents Robert Quaglierini et Jean-Michel Ambrosino et de son attaché de production Jeff Gaffet, etc… On regrettait cette année la disparition de l’un de ses co-fondateurs, René Sachelli dont la maîtrise des partenariats locaux fut l’un des secrets de la réussite de l’entreprise (accueillir, loger, nourrir, déplacer musiciens à l’affiche, concurrents et membres du jury) et dont la générosité exigeante s’ajoutait à l’empreinte laissée en héritage lorsqu’il prit ses distances. Cette générosité exigeants, il la partageait avec Michel Eymenier, absent cette année d’Avignon, âme véritable de ce Tremplin qu’il imagina voici 22 ans et qui manqua cruellement aux débats de notre jury, cette année un peu ronchon.


Un jury un peu ronchon


Peut-être la qualité technique (et musicale) croissante des jeunes (et parfois très jeunes) musiciens qui nous sont envoyés nous rend-elle très difficiles, à ce qu’était le niveau des tremplins au début du tremplin, nous fait peut-être oublier qu’ils sont encore très jeunes et font souvent à Avignon leur première sortie dans des conditions qui ne sont pas toujours idéales pour s’exposer (passage court, pression du jury dont ils savent la présence régnante au-dessus du public, sur le mur d’enceinte faisant face à la scène à côté de la cabine de régie…). On me rappellera que Charlie Parker avait 25 ans lorsqu’il enregistra Koko, que Miles Davis en avait alors 19 à ses côtés (tellement jeune qu’il céda sa place sur Koko, mais enregistra un solo sur Now’s the Time qui, après avoir été éreinté par la critique deviendra un classique), que Tony Williams en avait 17 lorsqu’il révolutionna la batterie moderne auprès de Miles en 1963. Voilà qui mériterait commentaires… Mais le retard que j’ai pris à rédiger ce compte rendu m’incite à les garder pour plus tard.


Pour l’émergence

 

Il n’en reste pas moins qu’avec 40 ans de métier cet été (mon premier compte rendu de festival – festival de musique folk il est vrai, à Kertalg en 1974 publié dans la revue Chanson) et une expérience annuelle des jurys qui remonte au 3ème Concours national de la Défense voici 35 ans, je reste friand de jeunes talents, non pas animé par un quelconque jeunisme, ou pédophilie musicale, mais parce que j’aime voir la musique se faire apprivoiser, émerger, grandir. Et si la période du début août, donc de la préparation de notre numéro de septembre, m’interdit d’assister à la totalité de ce qui, en Avignon, est devenu à présent un festival, je ne manque jamais les deux journées de ce Tremplin auquel j’assiste depuis 20 ans.


L’affiche d’Avignon

Qu’ai-je manqué cette année, à l’affiche des concerts ? Le pianiste Nahin Novrasli qui a laissé forte impression le 1er août. Christian Scott hélas empêché de jouer par une pluie diluvienne le 2 août. En première partie, le quartette Orioxy  (autour de la voix de Yael Miller et de la harpe de Julie Campiche) sortait de ses séances d’enregistrement au studio La Buissonne, des séances offertes par Gérard de Haro en récompense du grand prix remporté l’an passé au cloître de Carmes. Le 3 août, la chanteuse Mélanie de Biasio leur succédait sur une scène à nouveau sèche. Le 6 août, Jazz Magazine m’attendait et j’ai quitté Avignon sans pouvoir entendre, en première partie de Manu Katché, le saxophoniste Alexi Avakian  qui nous promet l’une des belles surprises phonographiques de la rentrée.

 

Le Tremplin

 

Cloître des Carmes, Avignon (84), le 4 août

 

Les Rugissants : Corentin Giniaux (clarinette basse), Rémi Scribe, Thibaud Merle (sax ténor), Grégoire Letouvet (piano, composition et arrangements), Alexandre Perrot (contrebasse), Jean-Batiste Paliès (batterie)

 

Le Tricycle : Jean-René Mourot (piano), Adam Lanfrey (contrebasse), Arthur Von Felt (batterie)

 

Schmid’s Huhn Quartet : Leonhard Huhn (sax alto), Stefan Karl Schmid (sax ténor), Stefan Schönegg (contrebasse), Fabian Arends (batterie)

 

Cloître des Carmes, Avignon (84), le 5 août

 

Leonhard Huhn (sax alto), Stefan Schönegg (contrebasse), Dominik Mahnig (batterie)

 

Cadillac Palace : Jean-Batiste Berger (sax ténor), Sébastien Leibundguth
(guitare électrique), Jérôme Klein (batterie)

 

Blowing Thrill : Ellie Dalibert, Hervé Gweltaz (sax alto), Emeric Chevalier (basse électrique), Fabrice L’Houtellier (batterie)

 

Saluons d’abord le prix de composition décerné au pianiste Grégoire Letouvet  pour ses partitions confiées au sextette qu’il dirige, Les Rugisants, véritable délégation d’anciens élèves des conservatoires de la Ville de Paris, les CRR (conservatoire à rayonnement régional), comme il y en eut souvent du CNSM de paris (conservatoire national supérieur de musique). Une écriture très active dont les vifs contrepoints et voicings mirent les qualités solistes de Corentin Giniaux, Rémi Scribe et Thibaud Merle, tous remarqués par le jury. Cohésion rythmique encore un peu verte, en dépit d’un contrebassiste remplaçant, Alexandre Perrot, qui fit également causer les jurés.

 

Le prix d’instrumentiste lui échappa de peu au profit du saxophoniste ténor Stefan Karl Schmid du Schmid’s Huhn Quartet  venu de Cologne. Un ténor “warnemarshien” à la tête d’une formation qui évoqua tout d’abord les conceptions tristaniennes du tandem Konitz-Marsh qui s’avérèrent très vite se combiner avec les héritages du trio Jimmy Giuffre-Shorty Rogers-Shelly Manne pour le sens de la forme et de Steve Coleman pour la capacité à gérer des glissements de couches rythmiques.

 

C’est cependant l’altiste de ce quartette, Leonardt Huhn, qui remporta le Grand Prix du Tremplin (et la possibilité d’enregistrer l’an prochain au Studio La Buissonne à l’occasion d’une première partie lors des concerts du Tremplin) à la tête du trio Die Fichten  avec le même contrebasiste Stefan Schönegg. Ce dernier s’y entendait comme larron en foire avec le batteur Dominik Mahnig qui ajoutait à la référence konitzienne défendue par le leader ce sens du zapping qu’apporta John Zorn dans l’improvisation, le tout avec une cohésion de jeu et une dynamique de nuances sur des structures exraordinairement complexes.

 

Le Prix du public fut décerné au trio Cadillac Palace  du saxophoniste Jean-Baptiste Berger pour un trio sax-guitare-batterie, plus marqué par la famille Marc Ribot-Jim Black-Chris Speed que par le trio de Paul Motian. Ces compositions aux architectures ambitieuses qui m’ont parues un peu décousues sur un rapport au temps qui ne m’a pas enchanté. Qu’il me soit permis de faire mention à titre personnel du Blowing Thrill, quartette à deux saxophones alto, parmi lesquels j’ai particulièrement remarqué l’émouvant Elie Dalibert cité à plusieurs reprises par le jury en ses débats, sur une musique certes éprouvante qui, en dépit d’une énergie débridée revendiquée, mériterait à se discipliner d’une manière ou d’une autre, au risque de perdre la fraîcheur première qui fait son charme violent, et vite éprouvant. Franck Bergerot

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Les 4 et 5 août, le Tremplin Jazz d’Avignon se déroulait au cloître des Carmes. Jazz Magazine y était.

 

Prolégomènes

 

Je me répète toujours un peu chaque année, mais, moi qui n’aime pas beaucoup la musique en plein air (sauf à écouter des “musiques de plein air” : fanfares, couple de sonneurs, brioleurs, concerts de klaxons, ramage, brâme…), le cloître des Carmes est un lieu d’écoute qui me comble chaque année, d’autant plus qu’on le retrouve chaque année entre les mains de Gaëtan Ortega presque depuis la création du tremplin en 1992. Et si c’est devenu presque une convention pour moi, voire un jeu, que de le citer au retour d’Avignon, lui dont le nom disparaîtra de ces pages le reste de l’année, c’est par contraste avec certaines “stars” du métier dont le nom et le travail n’en mérite pas tant. Le “son des Carmes” n’est d’ailleurs pas le seule chose qui m’attire à Avignon, mais aussi, formule classique des comptes rendus des festivals d’été, une équipe de bénévoles entièrement dévouée à la cause de ce Tremplin devenu festival, sous la houlette de ses présidents Robert Quaglierini et Jean-Michel Ambrosino et de son attaché de production Jeff Gaffet, etc… On regrettait cette année la disparition de l’un de ses co-fondateurs, René Sachelli dont la maîtrise des partenariats locaux fut l’un des secrets de la réussite de l’entreprise (accueillir, loger, nourrir, déplacer musiciens à l’affiche, concurrents et membres du jury) et dont la générosité exigeante s’ajoutait à l’empreinte laissée en héritage lorsqu’il prit ses distances. Cette générosité exigeants, il la partageait avec Michel Eymenier, absent cette année d’Avignon, âme véritable de ce Tremplin qu’il imagina voici 22 ans et qui manqua cruellement aux débats de notre jury, cette année un peu ronchon.


Un jury un peu ronchon


Peut-être la qualité technique (et musicale) croissante des jeunes (et parfois très jeunes) musiciens qui nous sont envoyés nous rend-elle très difficiles, à ce qu’était le niveau des tremplins au début du tremplin, nous fait peut-être oublier qu’ils sont encore très jeunes et font souvent à Avignon leur première sortie dans des conditions qui ne sont pas toujours idéales pour s’exposer (passage court, pression du jury dont ils savent la présence régnante au-dessus du public, sur le mur d’enceinte faisant face à la scène à côté de la cabine de régie…). On me rappellera que Charlie Parker avait 25 ans lorsqu’il enregistra Koko, que Miles Davis en avait alors 19 à ses côtés (tellement jeune qu’il céda sa place sur Koko, mais enregistra un solo sur Now’s the Time qui, après avoir été éreinté par la critique deviendra un classique), que Tony Williams en avait 17 lorsqu’il révolutionna la batterie moderne auprès de Miles en 1963. Voilà qui mériterait commentaires… Mais le retard que j’ai pris à rédiger ce compte rendu m’incite à les garder pour plus tard.


Pour l’émergence

 

Il n’en reste pas moins qu’avec 40 ans de métier cet été (mon premier compte rendu de festival – festival de musique folk il est vrai, à Kertalg en 1974 publié dans la revue Chanson) et une expérience annuelle des jurys qui remonte au 3ème Concours national de la Défense voici 35 ans, je reste friand de jeunes talents, non pas animé par un quelconque jeunisme, ou pédophilie musicale, mais parce que j’aime voir la musique se faire apprivoiser, émerger, grandir. Et si la période du début août, donc de la préparation de notre numéro de septembre, m’interdit d’assister à la totalité de ce qui, en Avignon, est devenu à présent un festival, je ne manque jamais les deux journées de ce Tremplin auquel j’assiste depuis 20 ans.


L’affiche d’Avignon

Qu’ai-je manqué cette année, à l’affiche des concerts ? Le pianiste Nahin Novrasli qui a laissé forte impression le 1er août. Christian Scott hélas empêché de jouer par une pluie diluvienne le 2 août. En première partie, le quartette Orioxy  (autour de la voix de Yael Miller et de la harpe de Julie Campiche) sortait de ses séances d’enregistrement au studio La Buissonne, des séances offertes par Gérard de Haro en récompense du grand prix remporté l’an passé au cloître de Carmes. Le 3 août, la chanteuse Mélanie de Biasio leur succédait sur une scène à nouveau sèche. Le 6 août, Jazz Magazine m’attendait et j’ai quitté Avignon sans pouvoir entendre, en première partie de Manu Katché, le saxophoniste Alexi Avakian  qui nous promet l’une des belles surprises phonographiques de la rentrée.

 

Le Tremplin

 

Cloître des Carmes, Avignon (84), le 4 août

 

Les Rugissants : Corentin Giniaux (clarinette basse), Rémi Scribe, Thibaud Merle (sax ténor), Grégoire Letouvet (piano, composition et arrangements), Alexandre Perrot (contrebasse), Jean-Batiste Paliès (batterie)

 

Le Tricycle : Jean-René Mourot (piano), Adam Lanfrey (contrebasse), Arthur Von Felt (batterie)

 

Schmid’s Huhn Quartet : Leonhard Huhn (sax alto), Stefan Karl Schmid (sax ténor), Stefan Schönegg (contrebasse), Fabian Arends (batterie)

 

Cloître des Carmes, Avignon (84), le 5 août

 

Leonhard Huhn (sax alto), Stefan Schönegg (contrebasse), Dominik Mahnig (batterie)

 

Cadillac Palace : Jean-Batiste Berger (sax ténor), Sébastien Leibundguth
(guitare électrique), Jérôme Klein (batterie)

 

Blowing Thrill : Ellie Dalibert, Hervé Gweltaz (sax alto), Emeric Chevalier (basse électrique), Fabrice L’Houtellier (batterie)

 

Saluons d’abord le prix de composition décerné au pianiste Grégoire Letouvet  pour ses partitions confiées au sextette qu’il dirige, Les Rugisants, véritable délégation d’anciens élèves des conservatoires de la Ville de Paris, les CRR (conservatoire à rayonnement régional), comme il y en eut souvent du CNSM de paris (conservatoire national supérieur de musique). Une écriture très active dont les vifs contrepoints et voicings mirent les qualités solistes de Corentin Giniaux, Rémi Scribe et Thibaud Merle, tous remarqués par le jury. Cohésion rythmique encore un peu verte, en dépit d’un contrebassiste remplaçant, Alexandre Perrot, qui fit également causer les jurés.

 

Le prix d’instrumentiste lui échappa de peu au profit du saxophoniste ténor Stefan Karl Schmid du Schmid’s Huhn Quartet  venu de Cologne. Un ténor “warnemarshien” à la tête d’une formation qui évoqua tout d’abord les conceptions tristaniennes du tandem Konitz-Marsh qui s’avérèrent très vite se combiner avec les héritages du trio Jimmy Giuffre-Shorty Rogers-Shelly Manne pour le sens de la forme et de Steve Coleman pour la capacité à gérer des glissements de couches rythmiques.

 

C’est cependant l’altiste de ce quartette, Leonardt Huhn, qui remporta le Grand Prix du Tremplin (et la possibilité d’enregistrer l’an prochain au Studio La Buissonne à l’occasion d’une première partie lors des concerts du Tremplin) à la tête du trio Die Fichten  avec le même contrebasiste Stefan Schönegg. Ce dernier s’y entendait comme larron en foire avec le batteur Dominik Mahnig qui ajoutait à la référence konitzienne défendue par le leader ce sens du zapping qu’apporta John Zorn dans l’improvisation, le tout avec une cohésion de jeu et une dynamique de nuances sur des structures exraordinairement complexes.

 

Le Prix du public fut décerné au trio Cadillac Palace  du saxophoniste Jean-Baptiste Berger pour un trio sax-guitare-batterie, plus marqué par la famille Marc Ribot-Jim Black-Chris Speed que par le trio de Paul Motian. Ces compositions aux architectures ambitieuses qui m’ont parues un peu décousues sur un rapport au temps qui ne m’a pas enchanté. Qu’il me soit permis de faire mention à titre personnel du Blowing Thrill, quartette à deux saxophones alto, parmi lesquels j’ai particulièrement remarqué l’émouvant Elie Dalibert cité à plusieurs reprises par le jury en ses débats, sur une musique certes éprouvante qui, en dépit d’une énergie débridée revendiquée, mériterait à se discipliner d’une manière ou d’une autre, au risque de perdre la fraîcheur première qui fait son charme violent, et vite éprouvant. Franck Bergerot

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Les 4 et 5 août, le Tremplin Jazz d’Avignon se déroulait au cloître des Carmes. Jazz Magazine y était.

 

Prolégomènes

 

Je me répète toujours un peu chaque année, mais, moi qui n’aime pas beaucoup la musique en plein air (sauf à écouter des “musiques de plein air” : fanfares, couple de sonneurs, brioleurs, concerts de klaxons, ramage, brâme…), le cloître des Carmes est un lieu d’écoute qui me comble chaque année, d’autant plus qu’on le retrouve chaque année entre les mains de Gaëtan Ortega presque depuis la création du tremplin en 1992. Et si c’est devenu presque une convention pour moi, voire un jeu, que de le citer au retour d’Avignon, lui dont le nom disparaîtra de ces pages le reste de l’année, c’est par contraste avec certaines “stars” du métier dont le nom et le travail n’en mérite pas tant. Le “son des Carmes” n’est d’ailleurs pas le seule chose qui m’attire à Avignon, mais aussi, formule classique des comptes rendus des festivals d’été, une équipe de bénévoles entièrement dévouée à la cause de ce Tremplin devenu festival, sous la houlette de ses présidents Robert Quaglierini et Jean-Michel Ambrosino et de son attaché de production Jeff Gaffet, etc… On regrettait cette année la disparition de l’un de ses co-fondateurs, René Sachelli dont la maîtrise des partenariats locaux fut l’un des secrets de la réussite de l’entreprise (accueillir, loger, nourrir, déplacer musiciens à l’affiche, concurrents et membres du jury) et dont la générosité exigeante s’ajoutait à l’empreinte laissée en héritage lorsqu’il prit ses distances. Cette générosité exigeants, il la partageait avec Michel Eymenier, absent cette année d’Avignon, âme véritable de ce Tremplin qu’il imagina voici 22 ans et qui manqua cruellement aux débats de notre jury, cette année un peu ronchon.


Un jury un peu ronchon


Peut-être la qualité technique (et musicale) croissante des jeunes (et parfois très jeunes) musiciens qui nous sont envoyés nous rend-elle très difficiles, à ce qu’était le niveau des tremplins au début du tremplin, nous fait peut-être oublier qu’ils sont encore très jeunes et font souvent à Avignon leur première sortie dans des conditions qui ne sont pas toujours idéales pour s’exposer (passage court, pression du jury dont ils savent la présence régnante au-dessus du public, sur le mur d’enceinte faisant face à la scène à côté de la cabine de régie…). On me rappellera que Charlie Parker avait 25 ans lorsqu’il enregistra Koko, que Miles Davis en avait alors 19 à ses côtés (tellement jeune qu’il céda sa place sur Koko, mais enregistra un solo sur Now’s the Time qui, après avoir été éreinté par la critique deviendra un classique), que Tony Williams en avait 17 lorsqu’il révolutionna la batterie moderne auprès de Miles en 1963. Voilà qui mériterait commentaires… Mais le retard que j’ai pris à rédiger ce compte rendu m’incite à les garder pour plus tard.


Pour l’émergence

 

Il n’en reste pas moins qu’avec 40 ans de métier cet été (mon premier compte rendu de festival – festival de musique folk il est vrai, à Kertalg en 1974 publié dans la revue Chanson) et une expérience annuelle des jurys qui remonte au 3ème Concours national de la Défense voici 35 ans, je reste friand de jeunes talents, non pas animé par un quelconque jeunisme, ou pédophilie musicale, mais parce que j’aime voir la musique se faire apprivoiser, émerger, grandir. Et si la période du début août, donc de la préparation de notre numéro de septembre, m’interdit d’assister à la totalité de ce qui, en Avignon, est devenu à présent un festival, je ne manque jamais les deux journées de ce Tremplin auquel j’assiste depuis 20 ans.


L’affiche d’Avignon

Qu’ai-je manqué cette année, à l’affiche des concerts ? Le pianiste Nahin Novrasli qui a laissé forte impression le 1er août. Christian Scott hélas empêché de jouer par une pluie diluvienne le 2 août. En première partie, le quartette Orioxy  (autour de la voix de Yael Miller et de la harpe de Julie Campiche) sortait de ses séances d’enregistrement au studio La Buissonne, des séances offertes par Gérard de Haro en récompense du grand prix remporté l’an passé au cloître de Carmes. Le 3 août, la chanteuse Mélanie de Biasio leur succédait sur une scène à nouveau sèche. Le 6 août, Jazz Magazine m’attendait et j’ai quitté Avignon sans pouvoir entendre, en première partie de Manu Katché, le saxophoniste Alexi Avakian  qui nous promet l’une des belles surprises phonographiques de la rentrée.

 

Le Tremplin

 

Cloître des Carmes, Avignon (84), le 4 août

 

Les Rugissants : Corentin Giniaux (clarinette basse), Rémi Scribe, Thibaud Merle (sax ténor), Grégoire Letouvet (piano, composition et arrangements), Alexandre Perrot (contrebasse), Jean-Batiste Paliès (batterie)

 

Le Tricycle : Jean-René Mourot (piano), Adam Lanfrey (contrebasse), Arthur Von Felt (batterie)

 

Schmid’s Huhn Quartet : Leonhard Huhn (sax alto), Stefan Karl Schmid (sax ténor), Stefan Schönegg (contrebasse), Fabian Arends (batterie)

 

Cloître des Carmes, Avignon (84), le 5 août

 

Leonhard Huhn (sax alto), Stefan Schönegg (contrebasse), Dominik Mahnig (batterie)

 

Cadillac Palace : Jean-Batiste Berger (sax ténor), Sébastien Leibundguth
(guitare électrique), Jérôme Klein (batterie)

 

Blowing Thrill : Ellie Dalibert, Hervé Gweltaz (sax alto), Emeric Chevalier (basse électrique), Fabrice L’Houtellier (batterie)

 

Saluons d’abord le prix de composition décerné au pianiste Grégoire Letouvet  pour ses partitions confiées au sextette qu’il dirige, Les Rugisants, véritable délégation d’anciens élèves des conservatoires de la Ville de Paris, les CRR (conservatoire à rayonnement régional), comme il y en eut souvent du CNSM de paris (conservatoire national supérieur de musique). Une écriture très active dont les vifs contrepoints et voicings mirent les qualités solistes de Corentin Giniaux, Rémi Scribe et Thibaud Merle, tous remarqués par le jury. Cohésion rythmique encore un peu verte, en dépit d’un contrebassiste remplaçant, Alexandre Perrot, qui fit également causer les jurés.

 

Le prix d’instrumentiste lui échappa de peu au profit du saxophoniste ténor Stefan Karl Schmid du Schmid’s Huhn Quartet  venu de Cologne. Un ténor “warnemarshien” à la tête d’une formation qui évoqua tout d’abord les conceptions tristaniennes du tandem Konitz-Marsh qui s’avérèrent très vite se combiner avec les héritages du trio Jimmy Giuffre-Shorty Rogers-Shelly Manne pour le sens de la forme et de Steve Coleman pour la capacité à gérer des glissements de couches rythmiques.

 

C’est cependant l’altiste de ce quartette, Leonardt Huhn, qui remporta le Grand Prix du Tremplin (et la possibilité d’enregistrer l’an prochain au Studio La Buissonne à l’occasion d’une première partie lors des concerts du Tremplin) à la tête du trio Die Fichten  avec le même contrebasiste Stefan Schönegg. Ce dernier s’y entendait comme larron en foire avec le batteur Dominik Mahnig qui ajoutait à la référence konitzienne défendue par le leader ce sens du zapping qu’apporta John Zorn dans l’improvisation, le tout avec une cohésion de jeu et une dynamique de nuances sur des structures exraordinairement complexes.

 

Le Prix du public fut décerné au trio Cadillac Palace  du saxophoniste Jean-Baptiste Berger pour un trio sax-guitare-batterie, plus marqué par la famille Marc Ribot-Jim Black-Chris Speed que par le trio de Paul Motian. Ces compositions aux architectures ambitieuses qui m’ont parues un peu décousues sur un rapport au temps qui ne m’a pas enchanté. Qu’il me soit permis de faire mention à titre personnel du Blowing Thrill, quartette à deux saxophones alto, parmi lesquels j’ai particulièrement remarqué l’émouvant Elie Dalibert cité à plusieurs reprises par le jury en ses débats, sur une musique certes éprouvante qui, en dépit d’une énergie débridée revendiquée, mériterait à se discipliner d’une manière ou d’une autre, au risque de perdre la fraîcheur première qui fait son charme violent, et vite éprouvant. Franck Bergerot