Jazz live
Publié le 23 Oct 2022

Le zouk de Julien Coriatt

Julien Coriatt puise dans ses souvenirs d’enfance pour proposer une musique fraîche, dansante, irrésistible.

 

 

Julien Coriatt (piano et compositions), Amina Mezaache (flûtes), Damian Nueva (b), Sonny Troupé (tambour ka), Stefano Luchini (batterie), Duc des Lombards, 10 octobre 2022

 

On connaissait Julien Coriatt pour sa manière toujours très personnelle de s’emparer des standards de jazz, par exemple dans un beau disque en grand orchestre Blue Lake avec la chanteuse Viktorija Gecyte. Ici il s’éloigne des standards et du jazz mainstream pour offrir une musique imprégnée du zouk et des rythmes antillais qui ont bercé son enfance à la Guadeloupe.  Sur sa musique plane, entre autres influences, l’ombre de Kassav : « Je les ai beaucoup écoutés quand j’étais enfant et même plus tard. J’aime leurs riffs de cuivres, leurs mélodies immédiatement chantables, mais qui reposent sur un canevas rythmique parfois très complexe. C’est un contraste, aujourd’hui comme hier, qui me procure spontanément une joie immédiate… ». On retrouve cela dans quelques morceaux de ce nouveau répertoire par exemple don’t ride the sphynx. La musique est vive, allègre, festive. Elle repose sur deux solides piliers, Sonny Troupé au tambour ka et Stefano Lucchini à la batterie. Ces deux-là se complètent sans jamais se marcher sur les pieds, alliance idéale entre l’aspect ternaire du jazz et les rythmes caraïbes. Sur ce grondement tellurique créé par le percussionniste et le batteur vient s’élever la flûte d’Amina Mezaache, comme un oiseau porté par les courants ascendants. Elle est chez elle sur ces rythmes latins et caraïbes dont elle fait son miel dans son propre groupe Maracuja. Son pur, arpèges fleuris, vocalisations, doubles sons, elle maîtrise toute la palette de son instrument avec un groove qui n’a rien à envier aux deux batteurs. A la flûte peule, sur un hommage à Alton Sterling, cet homme noir de 37 ans tué par des policiers américains (blancs) en 2016, elle trouve des couleurs plus graves, plus solennelles. Quant au leader, son jeu emporte sans jamais tomber dans les clichés latins. Il réconcilie une rigueur apprise dans l’interprétation des standards (clarté de l’articulation et du phrasé) avec un swing chaloupé qui a toujours été sa marque y compris lorsqu’il était le pianiste régulier des jams du 38 Riv, il y a quelques années en compagnie d’Adam Over et de David Paycha. On sent le pianiste épanoui comme jamais. La chemise à fleurs qu’il portait ce soir-là ne relevait pas de la publicité mensongère…

 

JF Mondot