Jazz live
Publié le 26 Juil 2023

Émile Parisien Sextet et Das Kapital à Radio France Occitanie Montpellier

EMILE PARISIEN SEXTET «Louise»

Émile Parisien (saxophone soprano), Yoann Loustalot (trompette, bugle), Manu Codjia (guitare), Roberto Negro (piano), Florent Nisse (contrebasse), Gautier Garrigue (batterie)

Amphithéâtre d’O, 25 juillet 20233, 20h

Après écoute du disque éponyme paru chez ACT fin janvier 2022, j’avais découvert sur scène le premier concert du groupe, avec les partenaires américains du CD. Retrouver le sextette ‘Louise’ avec sa distribution d’ici fut un enchantement. Non que je sois chauvin, mais l’émergence d’une communauté musicale pérenne, dans un climat d’implication amicale et artistique, est toujours un bonheur. Le concert commence par le titre Louise, qui célèbre la plasticienne Louise Bourgeois. Introduction en solo du sax soprano, avec un timbre troublant, grave, qui évoque à la fois le taragot hongrois et le doudouk arménien. Lyrisme mélancolique, entrée progressive des autres instruments : Yoann Loustalot est à la trompette, mais il timbre aussi un peu grave et rond, à la manière du bugle dont il jouera tout à l’heure. D’entrée de jeu c’est absolument collectif, implication totale de tous, sur le plan de la musique, de l’expression, de l’émotion. Le thème suivant, Jojo, en référence au pianiste Joachim Kühn, va quitter le territoire un peu nostalgique pour des brisures à la Ornette Coleman (dont Kühn fut partenaire). Puis c’est la suite Memento, centre du disque et du concert, une forme à épisodes multiples, avec de l’espace pour chacun en soliste : montée en puissance de Roberto Negro, de l’abstraction minimaliste jusqu’aux éclats de liberté à coups de clusters mêlés d’accords lisibles ; envolées magiques de Yoann Loustalot et Manu Codjia, polyrythmie vertigineuse de Gautier Garrigue. Le thème suivant commence par un solo de Florent Nisse, rejoint ensuite par la guitare dans des sons et des phrasés qui évoquent la voix humaine. Yoann Loustalot est au bugle, le thème est signé Roberto Negro et dans le ravissement, l’amateur chenu pense à Charlie Haden, Bill frisell, Paul Motian, Kenny Wheeler, bref une famille de ‘pères fondateurs’ d’un lyrisme sans fracas. Puis ce sera Madagascar, signé Joe Zawinul, et en rappel Prayer For Peace de Theo Croker, l’un des partenaires américains du disque et du premier concert. Très très beau groupe, et très très beau concert 

Le concert du sextette sera diffusé sur France Musique le vendredi 11 août à 21h

DAS KAPITAL

Daniel Erdmann (saxophones ténor & soprano), Hasse Poulsen (guitares), Edward Perraud (batterie, petites percussions)

Agora de la danse, 25 juillet 2023, 22h

Bonheur pour moi de retrouver ce lieu, qui s’appelait alors la Cour des Ursulines, où j’ai durant une quinzaine d’année produit et présenté sur France Musique une centaine de concerts. Et bonheur de retrouver Das Kapital, que j’ai écouté sur disque et sur scène depuis une vingtaine d’année. C’est précisément leurs 20 ans d’existence qu’ils fêtent avec un florilège de leur(s) répertoire(s). Un univers où se mêlent politique, pataphysique, métaphysique et très physique : pour le batteur surtout, c’est une musique physique, où il engage tout son corps, et quand il prend le micro entre deux morceaux, on sent l’essoufflement provoqué par l’effort. On est à la fois dans et hors du jazz, mais comme dans le jazz la musique prend son bien à toutes les sources : la musique ancienne, Hans Heisler, Brecht, Patrick Hernandez (Born To Be Alive….), Brassens, Brel, mais aussi un mélange de calypso et de biguine, tout passe avec pertinence musicale et bonheur dans leur moulinette. La musique, la surprise, l’insolence et l’émoi ont parcouru tout le concert, qui fut un pur régal. Et quand vient l’instant des adieux, c’est Ne me quitte pas en version plus que lente où, pour exposer le thème et répondre au sax ténor, le guitariste se saisit d’une toute petit guitare qu’il caresse d’un archet à vous tirer de sanglots : inimitable Das Kapital ! Inimitable et irremplaçable.