Jazz live
Publié le 11 Mar 2023

RÉGIS HUBY SEXTET, création au Comptoir de Fontenay-sous-Bois

À l’issue d’une résidence de cinq jours dans ce lieu très accueillant, le groupe rassemblé par Régis Huby donne en public le fruit de cette création, inspirée par Tolstoï, autour de la quête de la joie, de la béatitude. Beau projet qui, sur l’écriture du violoniste, développe une entreprise très collective.

Comme toujours dans ce type d’aventure, le choix des partenaires est essentiel, et l’indiscutable réussite de ce que j’ai pu écouter et découvrir au cours de ce concert tient manifestement à la qualité musicale, autant qu’humaine, des relations entre les membres du sextette.

RÉGIS HUBY SEXTET «Bliss»

Régis Huby (violon ténor électro-acoustique, effets, compositions), Samuel Blaser (trombone), Séverine Morfin (violon alto), Clément Petit (violoncelle), Claude Tchamitchian (contrebasse), Michele Rabbia (percussions, scie musicale, électronique)

Fontenay-sous-Bois, Le Comptoir, 10 mars 2023, 20h45

On entre dans la musique sur la pointe des pieds, avec le violon ténor, presque baryton, sur un bruissement de percussions et d’électronique. Puis le collectif s’annonce, mené par la contrebasse, dans une atmosphère que n’aurait pas reniée Carla Bley. Si je me fais cette réflexion, c’est parce qu’arrive le trombone, qui parle, dans une forte expressivité, sur des pizzicati de toutes les cordes. En lieu et place du quatuor canonique (2 violons, un alto, un violoncelle), le choix s’est porté sur cette formule singulière : un seul violon (ténor), un alto, un violoncelle et une contrebasse, avec des instrumentistes aussi à l’aise à l’archet qu’en pizzicato. Et là le voyage commence con arco, en dialogue interactif, puis vers un échange entre la basse solo et la scie musicale ; entrent ensuite les cordes pincées et le trombone avec sourdine, relayé par le violoncelle en pizz’. La musique est intensément vivante. Un tutti pour une tournerie obsédante, et aussi ailleurs un espace mélancolique : la quête de la béatitude ne neutralise pas forcément la nostalgie…. La présence du sonorisateur pendant la résidence a permis ce soir une très belle restitution de cet instrumentarium inusité, exercice qui aurait pu être périlleux, mais ici totalement maîtrisé. Au fil du concert en forme de suite aux enchaînements très fluides, c’est comme une histoire captivante, dont nous devinons les ressorts sans vraiment les identifier : magie de la musique. Le déroulement laisse place à l’expression de chaque soliste, dans une sorte de récit naturel. Et l’effervescence finale nous laisse déjà orphelins de ce beau moment de beauté partagée.

Xavier Prévost