Jazz live
Publié le 17 Jan 2016

Jeanne Added, Vincent Lê Quang, Bruno Ruder : a pleasant country

Point final de la résidence du pianiste Bruno Ruder à Lyon, le trio Yes Is a Pleasant Country a transporté le public de l’Amphi de l’Opéra. Demain 17 janvier, les Mâconnais retrouveront Billy Hart et le quintette de Bruno Ruder et Rémi Dumoulin au Crescent dans le programme créé voici deux jours à l’Amphi.

Amphi de l’Opéra, Lyon (69), le 16 janvier 2016

Yes, Is a Pleasant Country : Jeanne Added (chant), Vincent Lê Quang (saxes ténor et soprano), Bruno Ruder (piano).

Coïncidence : j’écris ces lignes, pressé de me replonger pour quelques pages dans La Promenade au phare de Virginia Woolf, en ce moment mon livre de chevet. Et je sais qu’avant de m’endormir je passerai de ce concert à ce texte sans heurt, tant l’un et l’autre partagent une même fluidité des sentiments et des identités. Avec le trio, ce sont les chansons de Gordon Jenkins, Fats Waller et Andy Razaf, Serge Gainsbourg, les Beatles ou  E.E. Cummings mis en musique par Vincent Lê Quang, qui glissent l’une vers l’autre, se fondent l’une dans l’autre, s’attirent, s’engendrent l’une l’autre et se repoussent, par la grâce du jeu à trois. Jeu au sens ludique, ce qu’ils revendiquent tous trois, et jeu au sens très savant de la pratique musicale, cet art de faire advenir l’abstraction sonore et la faire sienne, qui permet ici par le jeu des équivalences harmoniques ou diverses associations d’idées de déborder non seulement le format de la chanson, mais de le soumettre à sa volonté de le contracter ou de l’étirer. Et c’est ainsi qu’elle conclue son rappel emprunté aux Beatles (et dont ma mémoire, trompée notamment par la moulin à chansons du trio ne parvient pas extraire le titre du fameux “album blanc »), elle prend congé sur les premiers mots du concert « But kiss me as you go, goodbye », en fait les derniers de la chanson Goodbye que l’arrangeur et chef d’orchestre Gordon Jenkins écrivit après la mort, en couches, de sa première femme. Tout  ça dans un son collectif irréductible. Au point que lorsque Jeanne Added et Vincent Lê Quang se lancent à l’unisson dans les slaloms de Reincarnation of a Lovebird de Charles Mingus, soprano et voix ne font qu’un.

Ce qui n’interdit pas d’apprécier leurs individualités. Lê Quang, la netteté du trait au soprano soudain brouillée dans un grand dripping expressionniste, la sinuosité swing ou les effets de souffle et de bourdons du ténor. De la ligne claire au bruitisme, tout relève chez lui d’une lucidité d’homme de théâtre. Ruder, dont je me souviens comme il savait faire sonner le désespérant piano des Sept Lézards, club regretté du Marais à Paris. Alors, imaginez sur un Steinway, comme il sait le faire tonner, rugir, ronronner, frémir, attentif aux derniers soupirs qui s’éteignent entre ses cordes ! Soudain, le voilà qui stride à l’envers, à l’endroit, ou fait crier l’extrême aigu avec des accents de tragédienne racinienne tandis que Jeanne Added bataille dans l’aigu, ces aigus qu’elle a un peu perdus depuis la naissance du groupe en 2002, gagnant une autorité magistrale dans le grave, mais ces aigus rebelles, elle y monte comme une guerrière, retournant chaque chanson comme un gant et l’essorant jusqu’à n’en rien  perdre.

yes is a pleasant country lyon jan 2016 02

Bruno Ruder, Vincent Lê Quang, Jeanne Added © Christophe Charpenel

Car au bout du compte, ces chansons dont le trio nous fait parfois perdre un peu le fil par ses improvisations, ses va-et-vient et ses détournements, elles sont magnifiées, extraites de la gangue des conventions qui en ont fait des “standards” (le vilain mot), en ont fait des chansonnettes à la demande. Et lorsque Jeanne soudain gémit ou crie à l’arrière plan d’un phrasé de saxophone ou d’un accord de piano, je retrouve un peu de ces cris muets de douleur ou de révolte que l’on perçoit derrière certaines des phrases les plus tranquilles de Virginia Woolf. Ces chansons, Jeanne Added et ses amis nous en réactualisent la dimension tragique, les ramènent de ce lointain passé qui en émoussait les contours, pour nous rendre infiniment présente, incarnée, la douloureuse tendresse de ces âmes blessées, laissant nos nerfs et notre sensibilité à vif. Franck Bergerot

 |Point final de la résidence du pianiste Bruno Ruder à Lyon, le trio Yes Is a Pleasant Country a transporté le public de l’Amphi de l’Opéra. Demain 17 janvier, les Mâconnais retrouveront Billy Hart et le quintette de Bruno Ruder et Rémi Dumoulin au Crescent dans le programme créé voici deux jours à l’Amphi.

Amphi de l’Opéra, Lyon (69), le 16 janvier 2016

Yes, Is a Pleasant Country : Jeanne Added (chant), Vincent Lê Quang (saxes ténor et soprano), Bruno Ruder (piano).

Coïncidence : j’écris ces lignes, pressé de me replonger pour quelques pages dans La Promenade au phare de Virginia Woolf, en ce moment mon livre de chevet. Et je sais qu’avant de m’endormir je passerai de ce concert à ce texte sans heurt, tant l’un et l’autre partagent une même fluidité des sentiments et des identités. Avec le trio, ce sont les chansons de Gordon Jenkins, Fats Waller et Andy Razaf, Serge Gainsbourg, les Beatles ou  E.E. Cummings mis en musique par Vincent Lê Quang, qui glissent l’une vers l’autre, se fondent l’une dans l’autre, s’attirent, s’engendrent l’une l’autre et se repoussent, par la grâce du jeu à trois. Jeu au sens ludique, ce qu’ils revendiquent tous trois, et jeu au sens très savant de la pratique musicale, cet art de faire advenir l’abstraction sonore et la faire sienne, qui permet ici par le jeu des équivalences harmoniques ou diverses associations d’idées de déborder non seulement le format de la chanson, mais de le soumettre à sa volonté de le contracter ou de l’étirer. Et c’est ainsi qu’elle conclue son rappel emprunté aux Beatles (et dont ma mémoire, trompée notamment par la moulin à chansons du trio ne parvient pas extraire le titre du fameux “album blanc »), elle prend congé sur les premiers mots du concert « But kiss me as you go, goodbye », en fait les derniers de la chanson Goodbye que l’arrangeur et chef d’orchestre Gordon Jenkins écrivit après la mort, en couches, de sa première femme. Tout  ça dans un son collectif irréductible. Au point que lorsque Jeanne Added et Vincent Lê Quang se lancent à l’unisson dans les slaloms de Reincarnation of a Lovebird de Charles Mingus, soprano et voix ne font qu’un.

Ce qui n’interdit pas d’apprécier leurs individualités. Lê Quang, la netteté du trait au soprano soudain brouillée dans un grand dripping expressionniste, la sinuosité swing ou les effets de souffle et de bourdons du ténor. De la ligne claire au bruitisme, tout relève chez lui d’une lucidité d’homme de théâtre. Ruder, dont je me souviens comme il savait faire sonner le désespérant piano des Sept Lézards, club regretté du Marais à Paris. Alors, imaginez sur un Steinway, comme il sait le faire tonner, rugir, ronronner, frémir, attentif aux derniers soupirs qui s’éteignent entre ses cordes ! Soudain, le voilà qui stride à l’envers, à l’endroit, ou fait crier l’extrême aigu avec des accents de tragédienne racinienne tandis que Jeanne Added bataille dans l’aigu, ces aigus qu’elle a un peu perdus depuis la naissance du groupe en 2002, gagnant une autorité magistrale dans le grave, mais ces aigus rebelles, elle y monte comme une guerrière, retournant chaque chanson comme un gant et l’essorant jusqu’à n’en rien  perdre.

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Bruno Ruder, Vincent Lê Quang, Jeanne Added © Christophe Charpenel

Car au bout du compte, ces chansons dont le trio nous fait parfois perdre un peu le fil par ses improvisations, ses va-et-vient et ses détournements, elles sont magnifiées, extraites de la gangue des conventions qui en ont fait des “standards” (le vilain mot), en ont fait des chansonnettes à la demande. Et lorsque Jeanne soudain gémit ou crie à l’arrière plan d’un phrasé de saxophone ou d’un accord de piano, je retrouve un peu de ces cris muets de douleur ou de révolte que l’on perçoit derrière certaines des phrases les plus tranquilles de Virginia Woolf. Ces chansons, Jeanne Added et ses amis nous en réactualisent la dimension tragique, les ramènent de ce lointain passé qui en émoussait les contours, pour nous rendre infiniment présente, incarnée, la douloureuse tendresse de ces âmes blessées, laissant nos nerfs et notre sensibilité à vif. Franck Bergerot

 |Point final de la résidence du pianiste Bruno Ruder à Lyon, le trio Yes Is a Pleasant Country a transporté le public de l’Amphi de l’Opéra. Demain 17 janvier, les Mâconnais retrouveront Billy Hart et le quintette de Bruno Ruder et Rémi Dumoulin au Crescent dans le programme créé voici deux jours à l’Amphi.

Amphi de l’Opéra, Lyon (69), le 16 janvier 2016

Yes, Is a Pleasant Country : Jeanne Added (chant), Vincent Lê Quang (saxes ténor et soprano), Bruno Ruder (piano).

Coïncidence : j’écris ces lignes, pressé de me replonger pour quelques pages dans La Promenade au phare de Virginia Woolf, en ce moment mon livre de chevet. Et je sais qu’avant de m’endormir je passerai de ce concert à ce texte sans heurt, tant l’un et l’autre partagent une même fluidité des sentiments et des identités. Avec le trio, ce sont les chansons de Gordon Jenkins, Fats Waller et Andy Razaf, Serge Gainsbourg, les Beatles ou  E.E. Cummings mis en musique par Vincent Lê Quang, qui glissent l’une vers l’autre, se fondent l’une dans l’autre, s’attirent, s’engendrent l’une l’autre et se repoussent, par la grâce du jeu à trois. Jeu au sens ludique, ce qu’ils revendiquent tous trois, et jeu au sens très savant de la pratique musicale, cet art de faire advenir l’abstraction sonore et la faire sienne, qui permet ici par le jeu des équivalences harmoniques ou diverses associations d’idées de déborder non seulement le format de la chanson, mais de le soumettre à sa volonté de le contracter ou de l’étirer. Et c’est ainsi qu’elle conclue son rappel emprunté aux Beatles (et dont ma mémoire, trompée notamment par la moulin à chansons du trio ne parvient pas extraire le titre du fameux “album blanc »), elle prend congé sur les premiers mots du concert « But kiss me as you go, goodbye », en fait les derniers de la chanson Goodbye que l’arrangeur et chef d’orchestre Gordon Jenkins écrivit après la mort, en couches, de sa première femme. Tout  ça dans un son collectif irréductible. Au point que lorsque Jeanne Added et Vincent Lê Quang se lancent à l’unisson dans les slaloms de Reincarnation of a Lovebird de Charles Mingus, soprano et voix ne font qu’un.

Ce qui n’interdit pas d’apprécier leurs individualités. Lê Quang, la netteté du trait au soprano soudain brouillée dans un grand dripping expressionniste, la sinuosité swing ou les effets de souffle et de bourdons du ténor. De la ligne claire au bruitisme, tout relève chez lui d’une lucidité d’homme de théâtre. Ruder, dont je me souviens comme il savait faire sonner le désespérant piano des Sept Lézards, club regretté du Marais à Paris. Alors, imaginez sur un Steinway, comme il sait le faire tonner, rugir, ronronner, frémir, attentif aux derniers soupirs qui s’éteignent entre ses cordes ! Soudain, le voilà qui stride à l’envers, à l’endroit, ou fait crier l’extrême aigu avec des accents de tragédienne racinienne tandis que Jeanne Added bataille dans l’aigu, ces aigus qu’elle a un peu perdus depuis la naissance du groupe en 2002, gagnant une autorité magistrale dans le grave, mais ces aigus rebelles, elle y monte comme une guerrière, retournant chaque chanson comme un gant et l’essorant jusqu’à n’en rien  perdre.

yes is a pleasant country lyon jan 2016 02

Bruno Ruder, Vincent Lê Quang, Jeanne Added © Christophe Charpenel

Car au bout du compte, ces chansons dont le trio nous fait parfois perdre un peu le fil par ses improvisations, ses va-et-vient et ses détournements, elles sont magnifiées, extraites de la gangue des conventions qui en ont fait des “standards” (le vilain mot), en ont fait des chansonnettes à la demande. Et lorsque Jeanne soudain gémit ou crie à l’arrière plan d’un phrasé de saxophone ou d’un accord de piano, je retrouve un peu de ces cris muets de douleur ou de révolte que l’on perçoit derrière certaines des phrases les plus tranquilles de Virginia Woolf. Ces chansons, Jeanne Added et ses amis nous en réactualisent la dimension tragique, les ramènent de ce lointain passé qui en émoussait les contours, pour nous rendre infiniment présente, incarnée, la douloureuse tendresse de ces âmes blessées, laissant nos nerfs et notre sensibilité à vif. Franck Bergerot

 |Point final de la résidence du pianiste Bruno Ruder à Lyon, le trio Yes Is a Pleasant Country a transporté le public de l’Amphi de l’Opéra. Demain 17 janvier, les Mâconnais retrouveront Billy Hart et le quintette de Bruno Ruder et Rémi Dumoulin au Crescent dans le programme créé voici deux jours à l’Amphi.

Amphi de l’Opéra, Lyon (69), le 16 janvier 2016

Yes, Is a Pleasant Country : Jeanne Added (chant), Vincent Lê Quang (saxes ténor et soprano), Bruno Ruder (piano).

Coïncidence : j’écris ces lignes, pressé de me replonger pour quelques pages dans La Promenade au phare de Virginia Woolf, en ce moment mon livre de chevet. Et je sais qu’avant de m’endormir je passerai de ce concert à ce texte sans heurt, tant l’un et l’autre partagent une même fluidité des sentiments et des identités. Avec le trio, ce sont les chansons de Gordon Jenkins, Fats Waller et Andy Razaf, Serge Gainsbourg, les Beatles ou  E.E. Cummings mis en musique par Vincent Lê Quang, qui glissent l’une vers l’autre, se fondent l’une dans l’autre, s’attirent, s’engendrent l’une l’autre et se repoussent, par la grâce du jeu à trois. Jeu au sens ludique, ce qu’ils revendiquent tous trois, et jeu au sens très savant de la pratique musicale, cet art de faire advenir l’abstraction sonore et la faire sienne, qui permet ici par le jeu des équivalences harmoniques ou diverses associations d’idées de déborder non seulement le format de la chanson, mais de le soumettre à sa volonté de le contracter ou de l’étirer. Et c’est ainsi qu’elle conclue son rappel emprunté aux Beatles (et dont ma mémoire, trompée notamment par la moulin à chansons du trio ne parvient pas extraire le titre du fameux “album blanc »), elle prend congé sur les premiers mots du concert « But kiss me as you go, goodbye », en fait les derniers de la chanson Goodbye que l’arrangeur et chef d’orchestre Gordon Jenkins écrivit après la mort, en couches, de sa première femme. Tout  ça dans un son collectif irréductible. Au point que lorsque Jeanne Added et Vincent Lê Quang se lancent à l’unisson dans les slaloms de Reincarnation of a Lovebird de Charles Mingus, soprano et voix ne font qu’un.

Ce qui n’interdit pas d’apprécier leurs individualités. Lê Quang, la netteté du trait au soprano soudain brouillée dans un grand dripping expressionniste, la sinuosité swing ou les effets de souffle et de bourdons du ténor. De la ligne claire au bruitisme, tout relève chez lui d’une lucidité d’homme de théâtre. Ruder, dont je me souviens comme il savait faire sonner le désespérant piano des Sept Lézards, club regretté du Marais à Paris. Alors, imaginez sur un Steinway, comme il sait le faire tonner, rugir, ronronner, frémir, attentif aux derniers soupirs qui s’éteignent entre ses cordes ! Soudain, le voilà qui stride à l’envers, à l’endroit, ou fait crier l’extrême aigu avec des accents de tragédienne racinienne tandis que Jeanne Added bataille dans l’aigu, ces aigus qu’elle a un peu perdus depuis la naissance du groupe en 2002, gagnant une autorité magistrale dans le grave, mais ces aigus rebelles, elle y monte comme une guerrière, retournant chaque chanson comme un gant et l’essorant jusqu’à n’en rien  perdre.

yes is a pleasant country lyon jan 2016 02

Bruno Ruder, Vincent Lê Quang, Jeanne Added © Christophe Charpenel

Car au bout du compte, ces chansons dont le trio nous fait parfois perdre un peu le fil par ses improvisations, ses va-et-vient et ses détournements, elles sont magnifiées, extraites de la gangue des conventions qui en ont fait des “standards” (le vilain mot), en ont fait des chansonnettes à la demande. Et lorsque Jeanne soudain gémit ou crie à l’arrière plan d’un phrasé de saxophone ou d’un accord de piano, je retrouve un peu de ces cris muets de douleur ou de révolte que l’on perçoit derrière certaines des phrases les plus tranquilles de Virginia Woolf. Ces chansons, Jeanne Added et ses amis nous en réactualisent la dimension tragique, les ramènent de ce lointain passé qui en émoussait les contours, pour nous rendre infiniment présente, incarnée, la douloureuse tendresse de ces âmes blessées, laissant nos nerfs et notre sensibilité à vif. Franck Bergerot