Jazz live
Publié le 25 Mar 2018

Le souffle poétique d’Yves Rousseau

 

 

Dans son dernier et audacieux projet, Murmures, le contrebassiste Yves Rousseau tente d’amalgamer la poésie (celle de François Cheng) à la musique.

Yves Rousseau (contrebasse et composition), Anne Le Goff (chant et récitation), Keyvan Chemirani (zarb), Pierrick hardy (guitare), Thomas savy (clarinette basse), le Triton, 5 mars 2018

C’est toujours une entreprise difficile et délicate, que de vouloir apparier la poésie et la musique. Elles ont des points communs mais pas la même logique. Le risque est que ce mélange se fasse au détriment de l’un ou de l’autre, que la poésie se réduise à un saupoudrage de mots, ou que la musique se résume à un rôle d’ornementation.    

Ici le pari est gagné car il n’y a aucune subordination de l’une ou de l’autre. Le passage des mots à la musique s’opère avec une belle fluidité. Les poèmes de François Cheng s’apparentent à des sortes de haïkus, ils sont brefs mais intenses, porteurs de mille virtualités que les musiciens vont pouvoir investir. Ces phrases ouvertes, énigmatiques, mystiques stimulent la musique sans la plomber.  Citons-en quelques bribes griffonnées dans mon carnet: « Le centre est là d’où viennent les murmures », « Du pied à la pierre il n’y a qu’un pas vers la prescience » ou encore « En nous l’arbre a parlé ». Soit une poésie à hauteur d’homme, et même à hauteur d’arbres ou de caillou. La voix d’Anne le Goff se révèle un vecteur idéal pour les mots simples et profonds de François Cheng, elle semble venir du fond des âge,  évoquant le pouvoir d’envoûtement de certaines complaintes médiévales.

Thomas Savy amène à la clarinette basse son lyrisme frémissant , parfois rageur. Il est essentiel dans l’économie du groupe par l’énergie qu’il amène. Il a de beaux moments de duo avec Keyvan Chemirani, toujours aussi subtil au zarb, capable de mille nuances, du bruissement d’ailes à l’orage qui éclate. A la guitare Pierrick Hardy touche par la subtilité de ses introductions, et sa manière de traiter le son, en le laissant parfois flotter comme un nuage, ou au contraire en le condensant en billes d’acier.

Quant à Yves Rousseau, sans jamais tirer la couverture à soi, il fait entendre dans ses interventions ce son de basse incroyable, au delà du grave, vibrant, tellurique, qui va très bien à la poésie de François Cheng car elle contribue à lui donner une sorte d’ampleur et de dimension, allez n’ayons pas peur des gros mots, cosmogonique. Beau groupe, beau projet, belle complémentarité entre tous ces musiciens.

Texte: JF Mondot

Dessins: AC Alvoët (autres dessins, mais aussi peintrues, et gravures à découvrir sur son site : www.annie-claire.com )

Il est possible de faire l’acquisition de certains dessins figurant sur ce blog en s’adressant à l’artiste: annie_claire@hotmail.com