Jazz live
Publié le 24 Oct 2018

Pascal Mabit Trio à la Petite Halle

Très belle prestation du  Möbius Ring de Pascal Mabit à la Petite Halle de la Villette  dans le cadre du festival organisé par le label Onze heures Onze.

Pascal Mabit (sax alto) , Emmanuel Foster (basse), Kevin Luchetti (batterie), Vendedi 12 octobre 2018, La Petite Halle, avenue Jean Jaurès 75019

On ne saurait trop faire l’éloge du label et collectif Onze heures Onze pour sa contribution à l’émergence de certains des groupes les plus inventifs et les plus originaux de la scène actuelle (Abhra, Aum, Oxyd, le duo Herer-Pontvianne…) et l’on se félicite que ce label et collectif se soit rapproché de Magic Malik, qui était une sorte de parrain de cette soirée (Lui, aussi, mine de rien, s’est transformé par curiosité et générosité naturelle en pépinière de talents).

C’est donc le groupe de Pascal Mabit, Möbius Ring, qui ouvrait la soirée. Pascal Mabit est un jeune musicien que j’avais découvert il y a trois ou quatre ans, à l’époque  où jazz Magazine m’avait commandé un reportage sur le CNSM (Conservatoire national de musique et de danse de Paris) que je m’employais à faire durer le plus possible, en trouvant chaque semaine des prétextes que Franck Bergerot et Fred Goaty faisaient semblant de ne pas trouver trop filandreux. Mais ça valait la peine: j’ai ainsi passé quatre ou cinq mois enchanteurs, avec le privilège d’assister aux cours de Dré Pallemaerts, Vincent le Quang, ou encore de Patrick Moutal, et ce sont des souvenirs pour la vie…

Et donc, c’est là que j’avais rencontré Pascal Mabit, que j’avais suivi de loin en loin. Il m’avait impressionné alors par sa virtuosité sur l’instrument mais surtout par ses curiosités multiples, et son intuition, déjà, qu’entre Aka Moon et Lennie Tristano, pas  plus qu’entre Steve Coleman et lee Konitz on n’était pas obligé de choisir.

Je le retrouve donc avec son trio, deux ans après sa sortie du CNSM.  Je trouve qu’il a encore fait des progrès, il joue avec encore plus de nuances et de registres différents. Mais il a  toujours cette sonorité acide,  ce jus de citron glacé à la Lee Konitz (pour reprendre une métaphore bergerotienne). Cette sonorité acide est capable de virer virer au suave, un peu à la Johnny Hodges avec parfois l’instillation d’une imperceptible menace, ou d’un sourire en coin , qui l’empêche de tomber dans la mièvrerie. Dans ses improvisations, il joue beaucoup sur la perception du temps, en l’étirant comme un chewing-gum ou en le concassant comme du macadam. Et puis, ce que j’aime beaucoup, c’est qu’ il cherche…

 

 

Il cherche inlassablement, avec sa posture caractéristique, ce petit déhanchement, ces yeux aimantés vers le plafond, comme si l’inspiration se cachait derrière une toile d’araignée. Mais non, je me trompe, il ne cherche pas des idées, c’est plutôt qu’il les trie. Les idées, il en a trop. J’admire ses phrases variées, qui passent de l’éthéré au cinglant.

Ce soir-là, il est parfaitement connecté à ses partenaires, Kevin Luchetti et Emmanuel Foster. Emmanuel Foster a des lignes de basse souples et équilibrées, propres, sans bavures, avec cette capacité de passer du filigrane au rentre-dedans. Kevin Luchetti lui-aussi sait exactement quand il doit jouer fort ou se contenter de ponctuations délicates. La rythmique est à l’unisson du saxophoniste, on sent beaucoup d’énergie, de fraîcheur, d’envie de jouer et de refuser les idées reçues,  dans une formule  trio sax-basse-batterie si rhédibitoire pour toute forme de médiocrité.

Texte: Jean-François Mondot

Dessins : Annie-Claire Alvoët : Autres textes, dessins, gravures à découvrir sur son site  www.annie-claire.com  (pour commander des dessins qui figurent sur ce blog, s’adresser à l’artiste, annie_claire@hotmail.com)