Jazz live
Publié le 24 Juil 2020

Océanique Mirabassi au Sunset

 

 

 

Dans le cadre du festival Pianissimo, le trio Giovanni Mirabassi a donné un magnifique concert au Sunside.

Giovanni Mirabassi (piano), François Moutin (basse), Lukmil Perez (batterie), vendredi 17 juillet 2020

 

Instants fragiles et suspendus que ces concerts du mois de juillet (avec un public désormais masqué) dont on profite avec avidité tant les lendemains s’annoncent incertains : et l’on sent cela aussi chez les musiciens, une joie de jouer particulière, une générosité perceptible en termes de durée (le trio donne sans s’économiser deux concerts intenses d’une heure et demi). Bref les spectateurs ont soif d’entendre, les musiciens ont soif de jouer, tout cela crée les conditions d’une communion particulière.

Ce qui saute d’abord aux oreilles, quand on écoute Mirabassi (installé en France depuis une vingtaine d’années) c’est le caractère vocal de sa musique. Il aime le chant, c’est entendu, c’est un accompagnateur d’une infinie délicatesse très prisé des vocalistes (récemment Sarah Lancman, dans un très bel album, Intermezzo, ou encore, pour sortir du jazz, Cyril Mokaiesch dans  Naufragés). Mais il n’a besoin de personne pour faire chanter son piano, et caresser les harmonies pourpres et dorées qui illuminent ses ballades, comme par exemple dans What Was that dream about. L’ombre de Bill Evans plane au-dessus de son clavier, père spirituel assumé dont il écoute (disait-il dans une interview récente) tous les jours l’album You must believe in Spring. Au milieu du concert, il donnera d’ailleurs une poignante version de Seascape, pour rendre hommage au pianiste mais aussi au compositeur Johnny Mandel qui vient de nous quitter. Il commente, avec cet humour sarcastique qui lui est propre  : « D’habitude je ne reprends jamais du Bill Evans. Car c’est très dangereux de se confronter à un tel monument. Mais bon, je viens d’avoir cinquante ans, alors…maintenant je joue ce que je veux ! ».

Le chant, le caractère vocal de son jeu n’est pas incompatible avec l’intensité. Pianiste en recherche d’ivresse, il fait naître sous ses doigts une houle puissante, qui l’emporte, le chavire, et les spectateurs avec lui. On a le sentiment de quelque chose d’océanique dans la musique produite, et bien sûr ses partenaires contribuent puissamment à ces vagues de musique qui submergent les spectateurs masqués du Sunside.

 

François Moutin, qui n’est pas son bassiste habituel (c’est Gianluca Renzi) se révèle incroyablement inspiré. Quels magnifiques solos ! Echevelés, enflammés, rebondissants, pleins de surprises et de contrastes, et utilisant tout le spectre de la contrebasse y compris les notes les plus aigües.

Chacune de ses interventions fut un grand moment de musique. A ses côtés l’impeccable Lukmil Perez, dont l’écoute et la justesse sont impressionnantes.

 

Quand les trois musiciens mettent leur fougue et leur énergie à l’unisson, comme dans le très bel Hommage à Ennio Morricone, (une composition de Mirabassi ) à la fin du concert, la musique décolle de manière impressionnante. C’est un  moment d’ivresse à trois. En rappel Giovanni Mirabassi joue Body and Soul qu’il arpente par mille chemins différents. Musique inspirée, foisonnante, généreuse. On ressort du concert dégoulinants de musique…

 

Texte : JF Mondot

Dessins : AC Alvoët