Jazz live
Publié le 16 Juil 2021

RADIO FRANCE OCCITANIE MONTPELLIER : NAÏSSAM JALAL

En arrivant vers 19h, un petit tour sur le plateau de l’Amphi d’O pour assister à la balance du concert du soir.

Mais la soirée commence, comme ce sera le cas chaque soir à 20h, sauf le dimanche, avec un groupe de la région. Le concert se tient dans l’Amphithéâtre des micocouliers, enceinte boisée qui se trouve à deux pas du Château d’O, belle bâtisse et folie bourgeoise du dix-huitième siècle, en contrebas de l’Amphi d’O, à l’intérieur de ce parc départemental.

Ce soir c’est la pianiste-vocaliste Sandra Cipolat qui officie, en trio avec Léo Chazallet à la guitare basse et Julien Grégoire à la batterie. Le piano numérique d’une très honorable qualité fait oublier que, même pour un groupe régional, on aurait aimé un ‘vrai’ piano. C’est un peu une musique à programme, inspirée par des films venus de l’enfance ou d’ailleurs. Le style est un peu celui des années 70, sur le versant sophistiqué du jazz-fusion en petit comité : des unissons main gauche du clavier-ligne de basse, des arpèges…. Mais aussi chez la pianiste le goût d’aller chercher par les nuances une expressivité, un lyrisme. Un guitariste basse qui sait faire chanter l’instrument de façon assez virtuose, et un batteur qui s’insère, souvent avec finesse, parfois avec raideur. Mais au final une impression très positive, avec pour point culminant une composition annoncée comme inspirée par La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock, en fait un copieux emprunt à l’un des thèmes de Bernard Hermann, pour ensuite déboucher sur une forme et un développement qui ravit l’auditeur que j’étais.

Pour le premier direct sur France Musique (le concert d’hier sera diffusé le 28 août), l’Amphithéâtre d’O accueille la flûtiste-vocaliste Naïssam Jalal, avec ce groupe multiculturel qui fait écho à la révolution syrienne.

NAÏSSAM JALAL RHYTHMS of RESISTANCE

Naïssam Jalal (flûte, ney, voix), Mehdi Chaïb (saxophones ténor & soprano, percussions), Karsten Hochapfel (guitare, violoncelle), Damien Varaillon (contrebasse), Arnaud Dolmen (batterie)

Montpellier, Amphithéâtre du Domaine d’O, 15 juillet 2021, 22h

Le concert commence en douceur et nuances, comme un sortilège. Mais bientôt la flûte s’évade et s’envole, dans une musique qui est assurément très collective. Ce premier morceau s’intitule Un monde neuf : vaste programme, pour qui choisit de ne pas subir. Le thème suivant, qui mêle voix et flûte, avance comme une marche déterminée. Il s’intitule avec humour Hymne à la noix. Mais la joie de jouer est bien là, dans une forme où alterneraient un ostinato rythmique façon Sacre du printemps et un intermède en forme de valse qui me fait penser, allez savoir pourquoi, à Berlioz ou Ravel. Cela débouche sur une improvisation en quartette (sax ténor, guitare, basse & batterie) d’une belle vigueur dont la flûtiste est l’auditrice attentive et impliquée. Le titre suivant, lent et obsédant, respire le Moyen-Orient : mélisme de la flûte, puis de la voix, qui va vers un dialogue guitare-contrebasse. On est dans le mélange des cultures, mais dans le meilleur sens du terme, à cent lieues de ces ‘Musiques du Monde’ opportunistes que nous vend l’industrie musicale. C’est comme dans la cuisine, le choix des ingrédients, le talent et la magie de l’assemblage font la différence.

C’est maintenant une composition de près de dix ans d’âge, La mort plutôt que l’humiliation. Un hommage aux innombrables victimes de la révolution syrienne de 2011. La flûtiste, originaire de ce pays, nous parle avec émotion de ce désastre humain et politique. La musique nous en parlera éloquemment. Le violoncelle introduit la flûte et la voix, mêlées, entre déploration et révolte, sur un ostinato à l’archet du bassiste et du violoncelliste. Cela devient une mélodie aux intervalles tendus : c’est fascinant d’intensité, de violence et de beauté. Puis cela tourne à la marche de combat pour exploser dans une improvisation collective libératrice. Plus loin la flûte m’a transporté d’un orient à l’autre, vers la shakuhachi japonais, par le timbre, les inflexions, l’expressivité…. Je ne vais pas vous narrer en détail la suite de ce magnifique concert. Vous pouvez le réécouter sur le site de France Musique en suivant ce lien. Rappel enthousiaste par un public manifestement touché à l’extrême, et à l’issue d’un ultime cadeau musical, explosif, une ovation verticale qui réchauffe tous les cœurs.

Comme l’explique Naïssam Jalal sur scène, puis en fin de retransmission au micro de France Musique «Nous sommes ensemble». Plus qu’un message, un projet d’avenir !

Xavier Prévost