Jazz live
Publié le 26 Fév 2020

Trombonissimo!

 

 

C’était la fête au trombone, mercredi dernier au New Morning, pour célébrer la sortie de Frame of Mind, le premier disque de Robinson Khoury.

 

Robinson Khoury (trombone), Mark Priore (piano), Etienne Renard (basse), Elie Martin-Charrière (batterie), Manu Codjia (guitare) plus invités (Jules Boittin, trombone, et l’ensemble Octotrip), New Morning, 19 mars 2020

 

Ayant entendu le jeune tromboniste Robinson Khoury dans l’orchestre d’Ellinoa, où j’avais apprécié sa puissance et son expressivité, je m’attendais à un début de concert fracassant. J’avais tout faux. Le groupe commence par un arrangement suave de April in Paris. Robinson Khoury fait patte de velours, expose le thème avec sensibilité, mais avec quand même ici et là de délicieux petits dérapages dans les aigus qui montrent que le groupe se retient de lâcher les chevaux. Le feu, l’orage et le fracas arrivent dans les morceaux qui suivent. Cela coïncide avec l’arrivée de Manu Codjia dans le groupe. De manière évidente, beaucoup plus qu’un invité de luxe, il est un des maillons essentiels de la musique jouée ce soir. La relation entre sa guitare électrique et le trombone de Robinson Khoury se révèle incroyablement complémentaire, non seulement en termes de couleurs et de timbres, mais d’intensité.

 

 

Le jeu de Robinson Khoury se caractérise par des flambées expressionnistes soudaines, comme des sautes d’humeur imprévisibles, où il se sert de son instrument pour exprimer la rage et le bouillonnement (y compris avec des passages en double sons, en chantant dans l’instrument). Chez Manu Codjia, l’intensité prend des chemins tout différents : on discerne chez lui une manière mathématique et athlétique de faire monter la tension, avant de libérer un lyrisme planant, musclé, irrésistible. Les autres membres du groupe sont au diapason de toute cette énergie. Le pianiste Mark Priore, passionnant à chacune de ses interventions, affiche une manière originale  de tendre brutalement son discours, par des dissonances soudaines, ou des notes frappées avec une dureté inattendues, toujours en quête d’intensité.

Quant au contrebassiste Etienne Renard, il joue le blues (qui fournit la matière première de plusieurs compositions du groupe, toutes de la plume de Robinson Khoury) avec une rare profondeur, par exemple dans ce bien nommé Blues des familles où son introduction,  alternant notes fermement dessinées, et notes jouant sur les harmoniques, crée une  superbe atmosphère.

A la fin du premier set, Robinson Khoury déclare que « les trombonistes sont comme les loups, ils se déplacent en meute ». Cela nous vaut un très beau duo avec son frère d’armes Jules Boittin, sur Velouté d’asperges truffé.

 

Mais le plus beau et le plus inattendu restait à venir, avec l’irruption à la fin du concert du groupe Octotrip (six trombones, deux tubas), dont fait partie Robinson Khoury. Voici un an le groupe avait sorti un disque magnifique avec des arrangements de Patrice Caratini et d’Andy Emler, Bastien Ballaz.

 

Ce soir, le groupe joue deux morceaux (Bourbon Barathon, et Alizée) et c’est très beau de voir comment cette extraordinaire armada de vents et de cuivres est utilisée toute en finesse, pour de subtils effets de miroitements et d’échos, avant de donner enfin toute sa puissance et de télétransporter tout le New Morning du côté de la Nouvelle Orléans. Longue vie à tous ces trombones !

 

Texte : JF Mondot

Dessins : AC Alvoët (autres dessins, peintures, gravures, visibles sur son site www.annie-claire.com)