Jazz live
Publié le 26 Mai 2016

DA Festival (1)

Le DA Festival, initié par Elise Dabrowski et Sylvain Darrifourcq, avait lieu cette année à l’Atelier du Plateau. Son principe repose sur l’affirmation que jazz, musique improvisée et musique contemporaine ne sont pas des musiques de nature différente, toutes tendant vers un même horizon.

Mardi 24 mai 2016, Paris, L’Atelier du plateau (75019)

1e partie : Richard Comte solo

Richard Comte (elg)

2e partie : Tendimite(s)

Soa Ratsifandrihana, Lucie Collardeau (danse), Ronan Courty (cb), Sylvain Darrifourcq (dm)

Symboliquement, le festival ouvrit ses portes avec Trash TV Trance, une pièce de Fausto Romitelli (1963-2004), un compositeur « savant » très inspiré par les musiques dites « actuelles ». Connaissant bien la pièce grâce à l’enregistrement, je me faisais une joie de la découvrir pour la première fois en concert. Je dois avouer que j’ai d’abord été frustré, la faute à une dynamique trop faible à mon goût et à de l’imprécision dans l’exécution. Cependant, il s’avéra en réalité que la gestion des nuances avait été très précisément pensée pour ne pas agresser l’oreille au moment des nuances très fortes, raison pour laquelle le début me parut, rétrospectivement à tort, insatisfaisant. Richard Comte enchaîna sans interruption avec une improvisation libre en partant de la dernière fondamentale de la pièce de Romitelli. Il l’entretint à la manière d’un drone pour en dévoiler les infinitésimales variations (mise en évidence de telle ou telle harmonique, variation légère de hauteur, etc.), interrogeant ses anfractuosités. Un peu avant la fin de son improvisation, le guitariste prit un virage plus trash en hypersaturation. Le ton du festival était donné.

Richard Comte

Richard Comte

La voie prise par Sylvain Darrifourcq avec ses formations récentes ne peut surprendre ceux qui connaissent quelque peu sa trajectoire musicale. Artiste sensible et ô combien réfléchi, il capte et transpose dans sa pratique musicale ce qui fait en partie l’esprit de notre condition contemporaine. Comme avec ses autres formations, les prestations de Tendimite(s) sont activées par un mécanisme à double détente. En premier lieu, des intérêts purement musicaux sont bien sûr à la base de leur démarche, notamment pour ce que l’on pourrait nommer d’une formule « le timbre et son double », les instrumentistes cherchant en effet à reproduire certains des sons générés par l’autre. Il y a ensuite l’idée de « l’imprévisible prévisibilité » qui consiste à entretenir un flux tendu de gestes sonores, comme nerveusement jetés à la volée, revenant sans cesse dans un ordre improvisé, donc sans anticipation possible, et toujours avec de légères variantes. Dans une esthétique fort différente, le procédé inscrit nécessairement l’auditeur dans un présent continu, ce qui me rappelle par exemple le Stravinsky des Symphonies d’instruments à vent. L’esthétique est cependant toute différente, d’abord par la vitesse effrénée des événements enchaînés, ensuite par le fait que les accents populaires de l’œuvre du Russe cèdent ici la place à des sons tirés des bruits urbains du XXIe siècle : crissements, raclements, frottements, sonneries, sons diffus dans les infra basses, métaux percutés, et bien d’autres encore composent ici la matière sonore. Les deux danseuses sont tout à fait en phase avec les musiciens : mouvements convulsifs des corps ou au contraire immobilité désolante ; marches autour des musiciens de ces deux corps qui cherchent, trouvent, contrarient leur trajectoire respective ; enfin mouvements chorégraphiés mais peu à peu dansés en décalage, désynchronisés, parasités.

Tendimite(s)

Evoquée plus haut, la seconde détente qui innerve la prestation de Tendimite(s) et de leurs invitées se révèle comme un miroir posé à la face des auditeurs. Le choix du débit, rapide et saccadé, les sons inexpressifs (au sens traditionnel du terme), le jusqu’au-boutisme physique des artistes m’apparaissent comme autant de manifestations d’un changement de paradigme sociétal propre à la période actuelle. Les mouvements programmés des musiciens et des danseuses paraissent « virusés » ou manipulés par une entité extérieure (sur le principe du montage vidéo « lecture » – « stop » – « arrière ») ; la montée finale qui violente les corps en poussant les interprètes dans leurs derniers retranchements m’évoque l’ouvrage d’Hartmut Rosa Aliénation et accélération, au point qu’il n’est pas inenvisageable de désigner la démarche artistique de Tendimite(s) comme arrimée à une « esthétique du burn-out ». « Ô les beaux jours » écrivait déjà Beckett il y a 55 ans…

Tendimites2

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Le DA Festival, initié par Elise Dabrowski et Sylvain Darrifourcq, avait lieu cette année à l’Atelier du Plateau. Son principe repose sur l’affirmation que jazz, musique improvisée et musique contemporaine ne sont pas des musiques de nature différente, toutes tendant vers un même horizon.

Mardi 24 mai 2016, Paris, L’Atelier du plateau (75019)

1e partie : Richard Comte solo

Richard Comte (elg)

2e partie : Tendimite(s)

Soa Ratsifandrihana, Lucie Collardeau (danse), Ronan Courty (cb), Sylvain Darrifourcq (dm)

Symboliquement, le festival ouvrit ses portes avec Trash TV Trance, une pièce de Fausto Romitelli (1963-2004), un compositeur « savant » très inspiré par les musiques dites « actuelles ». Connaissant bien la pièce grâce à l’enregistrement, je me faisais une joie de la découvrir pour la première fois en concert. Je dois avouer que j’ai d’abord été frustré, la faute à une dynamique trop faible à mon goût et à de l’imprécision dans l’exécution. Cependant, il s’avéra en réalité que la gestion des nuances avait été très précisément pensée pour ne pas agresser l’oreille au moment des nuances très fortes, raison pour laquelle le début me parut, rétrospectivement à tort, insatisfaisant. Richard Comte enchaîna sans interruption avec une improvisation libre en partant de la dernière fondamentale de la pièce de Romitelli. Il l’entretint à la manière d’un drone pour en dévoiler les infinitésimales variations (mise en évidence de telle ou telle harmonique, variation légère de hauteur, etc.), interrogeant ses anfractuosités. Un peu avant la fin de son improvisation, le guitariste prit un virage plus trash en hypersaturation. Le ton du festival était donné.

Richard Comte

Richard Comte

La voie prise par Sylvain Darrifourcq avec ses formations récentes ne peut surprendre ceux qui connaissent quelque peu sa trajectoire musicale. Artiste sensible et ô combien réfléchi, il capte et transpose dans sa pratique musicale ce qui fait en partie l’esprit de notre condition contemporaine. Comme avec ses autres formations, les prestations de Tendimite(s) sont activées par un mécanisme à double détente. En premier lieu, des intérêts purement musicaux sont bien sûr à la base de leur démarche, notamment pour ce que l’on pourrait nommer d’une formule « le timbre et son double », les instrumentistes cherchant en effet à reproduire certains des sons générés par l’autre. Il y a ensuite l’idée de « l’imprévisible prévisibilité » qui consiste à entretenir un flux tendu de gestes sonores, comme nerveusement jetés à la volée, revenant sans cesse dans un ordre improvisé, donc sans anticipation possible, et toujours avec de légères variantes. Dans une esthétique fort différente, le procédé inscrit nécessairement l’auditeur dans un présent continu, ce qui me rappelle par exemple le Stravinsky des Symphonies d’instruments à vent. L’esthétique est cependant toute différente, d’abord par la vitesse effrénée des événements enchaînés, ensuite par le fait que les accents populaires de l’œuvre du Russe cèdent ici la place à des sons tirés des bruits urbains du XXIe siècle : crissements, raclements, frottements, sonneries, sons diffus dans les infra basses, métaux percutés, et bien d’autres encore composent ici la matière sonore. Les deux danseuses sont tout à fait en phase avec les musiciens : mouvements convulsifs des corps ou au contraire immobilité désolante ; marches autour des musiciens de ces deux corps qui cherchent, trouvent, contrarient leur trajectoire respective ; enfin mouvements chorégraphiés mais peu à peu dansés en décalage, désynchronisés, parasités.

Tendimite(s)

Evoquée plus haut, la seconde détente qui innerve la prestation de Tendimite(s) et de leurs invitées se révèle comme un miroir posé à la face des auditeurs. Le choix du débit, rapide et saccadé, les sons inexpressifs (au sens traditionnel du terme), le jusqu’au-boutisme physique des artistes m’apparaissent comme autant de manifestations d’un changement de paradigme sociétal propre à la période actuelle. Les mouvements programmés des musiciens et des danseuses paraissent « virusés » ou manipulés par une entité extérieure (sur le principe du montage vidéo « lecture » – « stop » – « arrière ») ; la montée finale qui violente les corps en poussant les interprètes dans leurs derniers retranchements m’évoque l’ouvrage d’Hartmut Rosa Aliénation et accélération, au point qu’il n’est pas inenvisageable de désigner la démarche artistique de Tendimite(s) comme arrimée à une « esthétique du burn-out ». « Ô les beaux jours » écrivait déjà Beckett il y a 55 ans…

Tendimites2

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Le DA Festival, initié par Elise Dabrowski et Sylvain Darrifourcq, avait lieu cette année à l’Atelier du Plateau. Son principe repose sur l’affirmation que jazz, musique improvisée et musique contemporaine ne sont pas des musiques de nature différente, toutes tendant vers un même horizon.

Mardi 24 mai 2016, Paris, L’Atelier du plateau (75019)

1e partie : Richard Comte solo

Richard Comte (elg)

2e partie : Tendimite(s)

Soa Ratsifandrihana, Lucie Collardeau (danse), Ronan Courty (cb), Sylvain Darrifourcq (dm)

Symboliquement, le festival ouvrit ses portes avec Trash TV Trance, une pièce de Fausto Romitelli (1963-2004), un compositeur « savant » très inspiré par les musiques dites « actuelles ». Connaissant bien la pièce grâce à l’enregistrement, je me faisais une joie de la découvrir pour la première fois en concert. Je dois avouer que j’ai d’abord été frustré, la faute à une dynamique trop faible à mon goût et à de l’imprécision dans l’exécution. Cependant, il s’avéra en réalité que la gestion des nuances avait été très précisément pensée pour ne pas agresser l’oreille au moment des nuances très fortes, raison pour laquelle le début me parut, rétrospectivement à tort, insatisfaisant. Richard Comte enchaîna sans interruption avec une improvisation libre en partant de la dernière fondamentale de la pièce de Romitelli. Il l’entretint à la manière d’un drone pour en dévoiler les infinitésimales variations (mise en évidence de telle ou telle harmonique, variation légère de hauteur, etc.), interrogeant ses anfractuosités. Un peu avant la fin de son improvisation, le guitariste prit un virage plus trash en hypersaturation. Le ton du festival était donné.

Richard Comte

Richard Comte

La voie prise par Sylvain Darrifourcq avec ses formations récentes ne peut surprendre ceux qui connaissent quelque peu sa trajectoire musicale. Artiste sensible et ô combien réfléchi, il capte et transpose dans sa pratique musicale ce qui fait en partie l’esprit de notre condition contemporaine. Comme avec ses autres formations, les prestations de Tendimite(s) sont activées par un mécanisme à double détente. En premier lieu, des intérêts purement musicaux sont bien sûr à la base de leur démarche, notamment pour ce que l’on pourrait nommer d’une formule « le timbre et son double », les instrumentistes cherchant en effet à reproduire certains des sons générés par l’autre. Il y a ensuite l’idée de « l’imprévisible prévisibilité » qui consiste à entretenir un flux tendu de gestes sonores, comme nerveusement jetés à la volée, revenant sans cesse dans un ordre improvisé, donc sans anticipation possible, et toujours avec de légères variantes. Dans une esthétique fort différente, le procédé inscrit nécessairement l’auditeur dans un présent continu, ce qui me rappelle par exemple le Stravinsky des Symphonies d’instruments à vent. L’esthétique est cependant toute différente, d’abord par la vitesse effrénée des événements enchaînés, ensuite par le fait que les accents populaires de l’œuvre du Russe cèdent ici la place à des sons tirés des bruits urbains du XXIe siècle : crissements, raclements, frottements, sonneries, sons diffus dans les infra basses, métaux percutés, et bien d’autres encore composent ici la matière sonore. Les deux danseuses sont tout à fait en phase avec les musiciens : mouvements convulsifs des corps ou au contraire immobilité désolante ; marches autour des musiciens de ces deux corps qui cherchent, trouvent, contrarient leur trajectoire respective ; enfin mouvements chorégraphiés mais peu à peu dansés en décalage, désynchronisés, parasités.

Tendimite(s)

Evoquée plus haut, la seconde détente qui innerve la prestation de Tendimite(s) et de leurs invitées se révèle comme un miroir posé à la face des auditeurs. Le choix du débit, rapide et saccadé, les sons inexpressifs (au sens traditionnel du terme), le jusqu’au-boutisme physique des artistes m’apparaissent comme autant de manifestations d’un changement de paradigme sociétal propre à la période actuelle. Les mouvements programmés des musiciens et des danseuses paraissent « virusés » ou manipulés par une entité extérieure (sur le principe du montage vidéo « lecture » – « stop » – « arrière ») ; la montée finale qui violente les corps en poussant les interprètes dans leurs derniers retranchements m’évoque l’ouvrage d’Hartmut Rosa Aliénation et accélération, au point qu’il n’est pas inenvisageable de désigner la démarche artistique de Tendimite(s) comme arrimée à une « esthétique du burn-out ». « Ô les beaux jours » écrivait déjà Beckett il y a 55 ans…

Tendimites2

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Le DA Festival, initié par Elise Dabrowski et Sylvain Darrifourcq, avait lieu cette année à l’Atelier du Plateau. Son principe repose sur l’affirmation que jazz, musique improvisée et musique contemporaine ne sont pas des musiques de nature différente, toutes tendant vers un même horizon.

Mardi 24 mai 2016, Paris, L’Atelier du plateau (75019)

1e partie : Richard Comte solo

Richard Comte (elg)

2e partie : Tendimite(s)

Soa Ratsifandrihana, Lucie Collardeau (danse), Ronan Courty (cb), Sylvain Darrifourcq (dm)

Symboliquement, le festival ouvrit ses portes avec Trash TV Trance, une pièce de Fausto Romitelli (1963-2004), un compositeur « savant » très inspiré par les musiques dites « actuelles ». Connaissant bien la pièce grâce à l’enregistrement, je me faisais une joie de la découvrir pour la première fois en concert. Je dois avouer que j’ai d’abord été frustré, la faute à une dynamique trop faible à mon goût et à de l’imprécision dans l’exécution. Cependant, il s’avéra en réalité que la gestion des nuances avait été très précisément pensée pour ne pas agresser l’oreille au moment des nuances très fortes, raison pour laquelle le début me parut, rétrospectivement à tort, insatisfaisant. Richard Comte enchaîna sans interruption avec une improvisation libre en partant de la dernière fondamentale de la pièce de Romitelli. Il l’entretint à la manière d’un drone pour en dévoiler les infinitésimales variations (mise en évidence de telle ou telle harmonique, variation légère de hauteur, etc.), interrogeant ses anfractuosités. Un peu avant la fin de son improvisation, le guitariste prit un virage plus trash en hypersaturation. Le ton du festival était donné.

Richard Comte

Richard Comte

La voie prise par Sylvain Darrifourcq avec ses formations récentes ne peut surprendre ceux qui connaissent quelque peu sa trajectoire musicale. Artiste sensible et ô combien réfléchi, il capte et transpose dans sa pratique musicale ce qui fait en partie l’esprit de notre condition contemporaine. Comme avec ses autres formations, les prestations de Tendimite(s) sont activées par un mécanisme à double détente. En premier lieu, des intérêts purement musicaux sont bien sûr à la base de leur démarche, notamment pour ce que l’on pourrait nommer d’une formule « le timbre et son double », les instrumentistes cherchant en effet à reproduire certains des sons générés par l’autre. Il y a ensuite l’idée de « l’imprévisible prévisibilité » qui consiste à entretenir un flux tendu de gestes sonores, comme nerveusement jetés à la volée, revenant sans cesse dans un ordre improvisé, donc sans anticipation possible, et toujours avec de légères variantes. Dans une esthétique fort différente, le procédé inscrit nécessairement l’auditeur dans un présent continu, ce qui me rappelle par exemple le Stravinsky des Symphonies d’instruments à vent. L’esthétique est cependant toute différente, d’abord par la vitesse effrénée des événements enchaînés, ensuite par le fait que les accents populaires de l’œuvre du Russe cèdent ici la place à des sons tirés des bruits urbains du XXIe siècle : crissements, raclements, frottements, sonneries, sons diffus dans les infra basses, métaux percutés, et bien d’autres encore composent ici la matière sonore. Les deux danseuses sont tout à fait en phase avec les musiciens : mouvements convulsifs des corps ou au contraire immobilité désolante ; marches autour des musiciens de ces deux corps qui cherchent, trouvent, contrarient leur trajectoire respective ; enfin mouvements chorégraphiés mais peu à peu dansés en décalage, désynchronisés, parasités.

Tendimite(s)

Evoquée plus haut, la seconde détente qui innerve la prestation de Tendimite(s) et de leurs invitées se révèle comme un miroir posé à la face des auditeurs. Le choix du débit, rapide et saccadé, les sons inexpressifs (au sens traditionnel du terme), le jusqu’au-boutisme physique des artistes m’apparaissent comme autant de manifestations d’un changement de paradigme sociétal propre à la période actuelle. Les mouvements programmés des musiciens et des danseuses paraissent « virusés » ou manipulés par une entité extérieure (sur le principe du montage vidéo « lecture » – « stop » – « arrière ») ; la montée finale qui violente les corps en poussant les interprètes dans leurs derniers retranchements m’évoque l’ouvrage d’Hartmut Rosa Aliénation et accélération, au point qu’il n’est pas inenvisageable de désigner la démarche artistique de Tendimite(s) comme arrimée à une « esthétique du burn-out ». « Ô les beaux jours » écrivait déjà Beckett il y a 55 ans…

Tendimites2