Jazz live
Publié le 20 Juil 2014

Jazz à Juan. Stevie Wonder… full !

Durant la journée et la nuit du jeudi 17, Juan a repris son souffle. Juste le temps d’un intermède, histoire de mettre à l’honneur les groupes qui, depuis le début, animent le festival Off. Ils ont parcouru les rues d’Antibes et de Juan, comme au bon vieux temps, portant la bonne parole sur la petite pinède et aux carrefours d’Antibes et de Juan.

Gregory Porter

Gregory Porter (voc), Yosuke Sato (as), Chip Crawford (p), Aaron James (b), Emanuel Harrold (dm).

Aaron James (b),

 

Stevie Wonder

Stevie Wonder (voc, p, elp, etc.) + tp, ts, g, b, dm, perc, chœur inconnus.

 

Juan-les-Pins, Pinède Gould, 18 juillet

 

Une initiative sympathique que ce Best of du Off. D’abord parce que les amateurs, semi-amateurs ou professionnels qui œuvrent durant le festival dans une relative obscurité méritent d’être, pour une fois, placés en pleine lumière. Ensuite parce que c’est l’occasion de constater, une fois de plus, que le talent n’est pas toujours proportionnel à la notoriété. Et aussi que, dans la douzaine de formations entendues, il est rare que n’émergent de façon nette un ou plusieurs éléments. Pas question de les citer tous, mais deux groupes, au moins, méritent mention : les Jazzticots, qui comptent dans leurs rangs, outre Stan Laferrière, les sœurs Tropez, Aurélie et Déborah, et le Tuxedo Jazz Band que dirige un étonnant cornettiste, Carl Thompson. Il chante aussi en s’aidant d’un mégaphone. Daniel Chauvet lui fournit au tuba une assise aussi légère qu’inébranlable.

 

Après cette aimable récréation, retour, le lendemain, à la grande pinède où se presse la foule des grands soirs. En première partie, Gregory Porter. Son essor a été fulgurant et chaque nouvelle prestation confirme que sa réputation n’a rien d’usurpé. Voix profonde de baryton, répertoire qui emprunte à la soul mais aussi au jazz (le Work Song de Nat Adderley, repris lors de tous ses concerts). Charme d’un crooner dont la présence scénique, fruit de l’expérience acquise dans les comédies musicales de ses débuts, a encore gagné en maîtrise. Il navigue avec aisance quelque part entre Nat King Cole et Marvin Gaye, avec des accents de gospel, celui que Paul Robeson a porté à son point de perfection, balisant les frontières d’un territoire qui lui est propre. Il est accompagné par un groupe d’où émerge le sax alto Yosuke Sato, auteur de grandes envolées débouchant souvent sur des paroxysmes dignes d’un Eric Dolphy. Mais le pianiste Chip Crawford n’est pas en reste et dispose d’un espace suffisant pour se mettre en valeur.

 

A une prestation trop brève (une petite heure, un seul rappel, les consignes sont strictes) succède une interminable attente. Ambiance électrique, sono assourdissante – celle que connaissent bien les habitués des discothèques et des concerts de rock. La tension monte au sein d’une foule compacte qui, en dépit de quelques signes d’impatience, est manifestement prête à tout endurer pour entendre, voir ou entrevoir son idole. Le concert affiche complet depuis des semaines. Il se murmure que des billets d’entrée ont été revendus à des prix que la décence m’interdit de citer. On achetait jadis des indulgences pour s’assurer d’une place en paradis. Sans doute la démarche est-elle du même ordre.

 

Du reste, comment ne pas remarquer le caractère religieux de la dramaturgie qui se joue ici ? L’arrivée sur scène de Stevie Wonder, car c’est lui le dieu qu’on attend, qu’on vénère avant même qu’il daigne paraître, qu’on réclame, qu’on exige, suscite une longue clameur. Une ferveur quasiment palpable qui va se muer en transe. En frénésie qu’entretient et renouvelle chaque nouveau morceau, de How Sweet It Is à Maybe Your Baby, de I Just Called To Say I Love You à Don’t You Worry, de Will You Still Love Me à Sunshine Of My Life. Autant de pièces d’un répertoire familier aux participants de cette étrange cérémonie cultuelle (j’ai failli écrire « culturelle », la force de l’habitude, mais non, décidément, ma plume renâcle !).

 

Qu’on m’entende bien. Ce compte rendu, sans doute partial, j’en conviens volontiers, ne se veut nullement une remise en cause du talent de Stevie Wonder, lequel n’en est certes pas dépourvu. Ne serait-ce que parce qu’il connaît l’art de composer des mélodies attachantes, qu’il se révèle multi-instrumentiste talentueux et que nul secteur de ce qu’il est convenu d’appeler Great Black Music ne lui est étranger. Qu’il sait, de surcroît choisir ses accompagnateurs, dont l’identité doit relever du secret confidentiel-défense, puisqu’il nous a été, une fois de plus, impossible de la connaître…

 

Toutefois, le culte qui lui est voué, les forces dionysiaques qu’il s’entend à déchaîner, celles qui étaient sans doute à l’œuvre dans les orgies antiques comme le suggère un chœur de trois bacchantes, lesquelles rappellent aussi les Raelets d’illustre mémoire, tout cela relève plus de la sociologie que de l’analyse musicologique au sens strict. C’est du moins mon opinion. Et je la partage, comme disait Joseph Prudhomme.

 

Jacques Aboucaya

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Durant la journée et la nuit du jeudi 17, Juan a repris son souffle. Juste le temps d’un intermède, histoire de mettre à l’honneur les groupes qui, depuis le début, animent le festival Off. Ils ont parcouru les rues d’Antibes et de Juan, comme au bon vieux temps, portant la bonne parole sur la petite pinède et aux carrefours d’Antibes et de Juan.

Gregory Porter

Gregory Porter (voc), Yosuke Sato (as), Chip Crawford (p), Aaron James (b), Emanuel Harrold (dm).

Aaron James (b),

 

Stevie Wonder

Stevie Wonder (voc, p, elp, etc.) + tp, ts, g, b, dm, perc, chœur inconnus.

 

Juan-les-Pins, Pinède Gould, 18 juillet

 

Une initiative sympathique que ce Best of du Off. D’abord parce que les amateurs, semi-amateurs ou professionnels qui œuvrent durant le festival dans une relative obscurité méritent d’être, pour une fois, placés en pleine lumière. Ensuite parce que c’est l’occasion de constater, une fois de plus, que le talent n’est pas toujours proportionnel à la notoriété. Et aussi que, dans la douzaine de formations entendues, il est rare que n’émergent de façon nette un ou plusieurs éléments. Pas question de les citer tous, mais deux groupes, au moins, méritent mention : les Jazzticots, qui comptent dans leurs rangs, outre Stan Laferrière, les sœurs Tropez, Aurélie et Déborah, et le Tuxedo Jazz Band que dirige un étonnant cornettiste, Carl Thompson. Il chante aussi en s’aidant d’un mégaphone. Daniel Chauvet lui fournit au tuba une assise aussi légère qu’inébranlable.

 

Après cette aimable récréation, retour, le lendemain, à la grande pinède où se presse la foule des grands soirs. En première partie, Gregory Porter. Son essor a été fulgurant et chaque nouvelle prestation confirme que sa réputation n’a rien d’usurpé. Voix profonde de baryton, répertoire qui emprunte à la soul mais aussi au jazz (le Work Song de Nat Adderley, repris lors de tous ses concerts). Charme d’un crooner dont la présence scénique, fruit de l’expérience acquise dans les comédies musicales de ses débuts, a encore gagné en maîtrise. Il navigue avec aisance quelque part entre Nat King Cole et Marvin Gaye, avec des accents de gospel, celui que Paul Robeson a porté à son point de perfection, balisant les frontières d’un territoire qui lui est propre. Il est accompagné par un groupe d’où émerge le sax alto Yosuke Sato, auteur de grandes envolées débouchant souvent sur des paroxysmes dignes d’un Eric Dolphy. Mais le pianiste Chip Crawford n’est pas en reste et dispose d’un espace suffisant pour se mettre en valeur.

 

A une prestation trop brève (une petite heure, un seul rappel, les consignes sont strictes) succède une interminable attente. Ambiance électrique, sono assourdissante – celle que connaissent bien les habitués des discothèques et des concerts de rock. La tension monte au sein d’une foule compacte qui, en dépit de quelques signes d’impatience, est manifestement prête à tout endurer pour entendre, voir ou entrevoir son idole. Le concert affiche complet depuis des semaines. Il se murmure que des billets d’entrée ont été revendus à des prix que la décence m’interdit de citer. On achetait jadis des indulgences pour s’assurer d’une place en paradis. Sans doute la démarche est-elle du même ordre.

 

Du reste, comment ne pas remarquer le caractère religieux de la dramaturgie qui se joue ici ? L’arrivée sur scène de Stevie Wonder, car c’est lui le dieu qu’on attend, qu’on vénère avant même qu’il daigne paraître, qu’on réclame, qu’on exige, suscite une longue clameur. Une ferveur quasiment palpable qui va se muer en transe. En frénésie qu’entretient et renouvelle chaque nouveau morceau, de How Sweet It Is à Maybe Your Baby, de I Just Called To Say I Love You à Don’t You Worry, de Will You Still Love Me à Sunshine Of My Life. Autant de pièces d’un répertoire familier aux participants de cette étrange cérémonie cultuelle (j’ai failli écrire « culturelle », la force de l’habitude, mais non, décidément, ma plume renâcle !).

 

Qu’on m’entende bien. Ce compte rendu, sans doute partial, j’en conviens volontiers, ne se veut nullement une remise en cause du talent de Stevie Wonder, lequel n’en est certes pas dépourvu. Ne serait-ce que parce qu’il connaît l’art de composer des mélodies attachantes, qu’il se révèle multi-instrumentiste talentueux et que nul secteur de ce qu’il est convenu d’appeler Great Black Music ne lui est étranger. Qu’il sait, de surcroît choisir ses accompagnateurs, dont l’identité doit relever du secret confidentiel-défense, puisqu’il nous a été, une fois de plus, impossible de la connaître…

 

Toutefois, le culte qui lui est voué, les forces dionysiaques qu’il s’entend à déchaîner, celles qui étaient sans doute à l’œuvre dans les orgies antiques comme le suggère un chœur de trois bacchantes, lesquelles rappellent aussi les Raelets d’illustre mémoire, tout cela relève plus de la sociologie que de l’analyse musicologique au sens strict. C’est du moins mon opinion. Et je la partage, comme disait Joseph Prudhomme.

 

Jacques Aboucaya

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Durant la journée et la nuit du jeudi 17, Juan a repris son souffle. Juste le temps d’un intermède, histoire de mettre à l’honneur les groupes qui, depuis le début, animent le festival Off. Ils ont parcouru les rues d’Antibes et de Juan, comme au bon vieux temps, portant la bonne parole sur la petite pinède et aux carrefours d’Antibes et de Juan.

Gregory Porter

Gregory Porter (voc), Yosuke Sato (as), Chip Crawford (p), Aaron James (b), Emanuel Harrold (dm).

Aaron James (b),

 

Stevie Wonder

Stevie Wonder (voc, p, elp, etc.) + tp, ts, g, b, dm, perc, chœur inconnus.

 

Juan-les-Pins, Pinède Gould, 18 juillet

 

Une initiative sympathique que ce Best of du Off. D’abord parce que les amateurs, semi-amateurs ou professionnels qui œuvrent durant le festival dans une relative obscurité méritent d’être, pour une fois, placés en pleine lumière. Ensuite parce que c’est l’occasion de constater, une fois de plus, que le talent n’est pas toujours proportionnel à la notoriété. Et aussi que, dans la douzaine de formations entendues, il est rare que n’émergent de façon nette un ou plusieurs éléments. Pas question de les citer tous, mais deux groupes, au moins, méritent mention : les Jazzticots, qui comptent dans leurs rangs, outre Stan Laferrière, les sœurs Tropez, Aurélie et Déborah, et le Tuxedo Jazz Band que dirige un étonnant cornettiste, Carl Thompson. Il chante aussi en s’aidant d’un mégaphone. Daniel Chauvet lui fournit au tuba une assise aussi légère qu’inébranlable.

 

Après cette aimable récréation, retour, le lendemain, à la grande pinède où se presse la foule des grands soirs. En première partie, Gregory Porter. Son essor a été fulgurant et chaque nouvelle prestation confirme que sa réputation n’a rien d’usurpé. Voix profonde de baryton, répertoire qui emprunte à la soul mais aussi au jazz (le Work Song de Nat Adderley, repris lors de tous ses concerts). Charme d’un crooner dont la présence scénique, fruit de l’expérience acquise dans les comédies musicales de ses débuts, a encore gagné en maîtrise. Il navigue avec aisance quelque part entre Nat King Cole et Marvin Gaye, avec des accents de gospel, celui que Paul Robeson a porté à son point de perfection, balisant les frontières d’un territoire qui lui est propre. Il est accompagné par un groupe d’où émerge le sax alto Yosuke Sato, auteur de grandes envolées débouchant souvent sur des paroxysmes dignes d’un Eric Dolphy. Mais le pianiste Chip Crawford n’est pas en reste et dispose d’un espace suffisant pour se mettre en valeur.

 

A une prestation trop brève (une petite heure, un seul rappel, les consignes sont strictes) succède une interminable attente. Ambiance électrique, sono assourdissante – celle que connaissent bien les habitués des discothèques et des concerts de rock. La tension monte au sein d’une foule compacte qui, en dépit de quelques signes d’impatience, est manifestement prête à tout endurer pour entendre, voir ou entrevoir son idole. Le concert affiche complet depuis des semaines. Il se murmure que des billets d’entrée ont été revendus à des prix que la décence m’interdit de citer. On achetait jadis des indulgences pour s’assurer d’une place en paradis. Sans doute la démarche est-elle du même ordre.

 

Du reste, comment ne pas remarquer le caractère religieux de la dramaturgie qui se joue ici ? L’arrivée sur scène de Stevie Wonder, car c’est lui le dieu qu’on attend, qu’on vénère avant même qu’il daigne paraître, qu’on réclame, qu’on exige, suscite une longue clameur. Une ferveur quasiment palpable qui va se muer en transe. En frénésie qu’entretient et renouvelle chaque nouveau morceau, de How Sweet It Is à Maybe Your Baby, de I Just Called To Say I Love You à Don’t You Worry, de Will You Still Love Me à Sunshine Of My Life. Autant de pièces d’un répertoire familier aux participants de cette étrange cérémonie cultuelle (j’ai failli écrire « culturelle », la force de l’habitude, mais non, décidément, ma plume renâcle !).

 

Qu’on m’entende bien. Ce compte rendu, sans doute partial, j’en conviens volontiers, ne se veut nullement une remise en cause du talent de Stevie Wonder, lequel n’en est certes pas dépourvu. Ne serait-ce que parce qu’il connaît l’art de composer des mélodies attachantes, qu’il se révèle multi-instrumentiste talentueux et que nul secteur de ce qu’il est convenu d’appeler Great Black Music ne lui est étranger. Qu’il sait, de surcroît choisir ses accompagnateurs, dont l’identité doit relever du secret confidentiel-défense, puisqu’il nous a été, une fois de plus, impossible de la connaître…

 

Toutefois, le culte qui lui est voué, les forces dionysiaques qu’il s’entend à déchaîner, celles qui étaient sans doute à l’œuvre dans les orgies antiques comme le suggère un chœur de trois bacchantes, lesquelles rappellent aussi les Raelets d’illustre mémoire, tout cela relève plus de la sociologie que de l’analyse musicologique au sens strict. C’est du moins mon opinion. Et je la partage, comme disait Joseph Prudhomme.

 

Jacques Aboucaya

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Durant la journée et la nuit du jeudi 17, Juan a repris son souffle. Juste le temps d’un intermède, histoire de mettre à l’honneur les groupes qui, depuis le début, animent le festival Off. Ils ont parcouru les rues d’Antibes et de Juan, comme au bon vieux temps, portant la bonne parole sur la petite pinède et aux carrefours d’Antibes et de Juan.

Gregory Porter

Gregory Porter (voc), Yosuke Sato (as), Chip Crawford (p), Aaron James (b), Emanuel Harrold (dm).

Aaron James (b),

 

Stevie Wonder

Stevie Wonder (voc, p, elp, etc.) + tp, ts, g, b, dm, perc, chœur inconnus.

 

Juan-les-Pins, Pinède Gould, 18 juillet

 

Une initiative sympathique que ce Best of du Off. D’abord parce que les amateurs, semi-amateurs ou professionnels qui œuvrent durant le festival dans une relative obscurité méritent d’être, pour une fois, placés en pleine lumière. Ensuite parce que c’est l’occasion de constater, une fois de plus, que le talent n’est pas toujours proportionnel à la notoriété. Et aussi que, dans la douzaine de formations entendues, il est rare que n’émergent de façon nette un ou plusieurs éléments. Pas question de les citer tous, mais deux groupes, au moins, méritent mention : les Jazzticots, qui comptent dans leurs rangs, outre Stan Laferrière, les sœurs Tropez, Aurélie et Déborah, et le Tuxedo Jazz Band que dirige un étonnant cornettiste, Carl Thompson. Il chante aussi en s’aidant d’un mégaphone. Daniel Chauvet lui fournit au tuba une assise aussi légère qu’inébranlable.

 

Après cette aimable récréation, retour, le lendemain, à la grande pinède où se presse la foule des grands soirs. En première partie, Gregory Porter. Son essor a été fulgurant et chaque nouvelle prestation confirme que sa réputation n’a rien d’usurpé. Voix profonde de baryton, répertoire qui emprunte à la soul mais aussi au jazz (le Work Song de Nat Adderley, repris lors de tous ses concerts). Charme d’un crooner dont la présence scénique, fruit de l’expérience acquise dans les comédies musicales de ses débuts, a encore gagné en maîtrise. Il navigue avec aisance quelque part entre Nat King Cole et Marvin Gaye, avec des accents de gospel, celui que Paul Robeson a porté à son point de perfection, balisant les frontières d’un territoire qui lui est propre. Il est accompagné par un groupe d’où émerge le sax alto Yosuke Sato, auteur de grandes envolées débouchant souvent sur des paroxysmes dignes d’un Eric Dolphy. Mais le pianiste Chip Crawford n’est pas en reste et dispose d’un espace suffisant pour se mettre en valeur.

 

A une prestation trop brève (une petite heure, un seul rappel, les consignes sont strictes) succède une interminable attente. Ambiance électrique, sono assourdissante – celle que connaissent bien les habitués des discothèques et des concerts de rock. La tension monte au sein d’une foule compacte qui, en dépit de quelques signes d’impatience, est manifestement prête à tout endurer pour entendre, voir ou entrevoir son idole. Le concert affiche complet depuis des semaines. Il se murmure que des billets d’entrée ont été revendus à des prix que la décence m’interdit de citer. On achetait jadis des indulgences pour s’assurer d’une place en paradis. Sans doute la démarche est-elle du même ordre.

 

Du reste, comment ne pas remarquer le caractère religieux de la dramaturgie qui se joue ici ? L’arrivée sur scène de Stevie Wonder, car c’est lui le dieu qu’on attend, qu’on vénère avant même qu’il daigne paraître, qu’on réclame, qu’on exige, suscite une longue clameur. Une ferveur quasiment palpable qui va se muer en transe. En frénésie qu’entretient et renouvelle chaque nouveau morceau, de How Sweet It Is à Maybe Your Baby, de I Just Called To Say I Love You à Don’t You Worry, de Will You Still Love Me à Sunshine Of My Life. Autant de pièces d’un répertoire familier aux participants de cette étrange cérémonie cultuelle (j’ai failli écrire « culturelle », la force de l’habitude, mais non, décidément, ma plume renâcle !).

 

Qu’on m’entende bien. Ce compte rendu, sans doute partial, j’en conviens volontiers, ne se veut nullement une remise en cause du talent de Stevie Wonder, lequel n’en est certes pas dépourvu. Ne serait-ce que parce qu’il connaît l’art de composer des mélodies attachantes, qu’il se révèle multi-instrumentiste talentueux et que nul secteur de ce qu’il est convenu d’appeler Great Black Music ne lui est étranger. Qu’il sait, de surcroît choisir ses accompagnateurs, dont l’identité doit relever du secret confidentiel-défense, puisqu’il nous a été, une fois de plus, impossible de la connaître…

 

Toutefois, le culte qui lui est voué, les forces dionysiaques qu’il s’entend à déchaîner, celles qui étaient sans doute à l’œuvre dans les orgies antiques comme le suggère un chœur de trois bacchantes, lesquelles rappellent aussi les Raelets d’illustre mémoire, tout cela relève plus de la sociologie que de l’analyse musicologique au sens strict. C’est du moins mon opinion. Et je la partage, comme disait Joseph Prudhomme.

 

Jacques Aboucaya