Jazz live
Publié le 22 Août 2021

Malguénac 3 : final éthiopique

Éthiopiques de Salamnesh Zéméné avec le Badume’s Band, éthio-rock avec Théo Ceccaldi avec “Kutu” et ses chanteuses (Hewan et Haleluya), îles et tropiques de Galawe, le Bal Floch de Jean Le Floc’h et ses balochards latins… C’est pas du jazz, mais c’est Malguénac !

« Tiens, tu es là ? D’habitude, tu ne viens jamais le samedi. » À Malguénac, je crois bien que je n’étais jusque-là jamais venu le samedi, soirée de clôture (quoiqu’il y ait encore une sorte de lendemain de noces le dimanche, avec session irlandaise, concours de palets sur planche, confiture de musiciens et, cette année à midi, un duo du percussionniste Jean-Yves Prothais et du clarinettiste Erwzn Lhermenier (spécialiste de la feuille de lierre chantante). « C’est pas du jazz ! » Non, généralement, on s’en éloigne un peu ou beaucoup le samedi à Malguénac, au profit de musiques qui s’écoutent debout, en dansant plus ou moins. Vieille histoire que celle du jazz et son public qu’il fit danser du Funky Butt Hall de New Orleans au Savoy Ballroom de New York et fit s’asseoir du Carnegie Hall aux clubs de la 52ème rue (au Royal Roost, on créa même en 1948 une section pour la jeunesse où l’on servait du lait en guise de bière whisky).

« C’est pas du jazz ! » Je dirais plutôt que je me rends à Malguénac avec ma casquette de jazz critic, que les musiques du samedi échappent le plus souvent à mes compétences (et souvent à mes goûts) et que le jazz me donne suffisamment d’occasions de passer mes soirées hors de chez moi pour ne pas en rajouter si ce n’est poussé par une démangeaison extrême. Et puis, j’ai toujours été dépassé par la pratique des sonorisations surpuissantes qui vont avec ces concerts debout, qui m’obligent à mettre des protections. Or écouter de la musique en se bouchant les oreilles, ça dépasse mon entendement.

Reste qu’une soirée de musique éthiopienne, ça ne se refuse pas, même si je serai bref sur ces musiques hors de mes compétences.

Galawe : Marco Lacaille (basse électrique, chant), Franck Le Masle (claviers, chant), Jérôme Soulas (accordéon chromatique et accordéon farfisa), Antonin Volson (batterie), Julien Legallet (percussions).

La soirée commença d’ailleurs par autre chose, un séduisant mélange de musiques de musiques chaudes des îles et du continent africain (maloya, calypso, séga, afrobeat) cautionnées par Marco Lacaille (fils de René) et une pointe de chanson française chantée par Franck Le Masle… plus un batteur (et compositeur-arrangeur) que l’on avait entendu à la basse électrique la veille au sein du groupe Faustine.

Badume’s Band & Selamnesh Zéméné : Salamnesh Zéméné (chant), Rudy Blas (guitare), Olivier Guénégo (claviers, orgue), Stéphane Rama (basse), Antonin Volson (batterie) + invités : les musiciens de Galawé et, en fin de concert, Stéphane Le Dro (sax ténor).

Théo Ceccaldi “Kutu” : Hewan Gebrewold, Haleluya Tekletsadik (chant), Théo Céccaldi (violon), Akemi Fujimori (claviers, programmation), Valentin Ceccaldi (basse électrique), Cyril Atef (batterie).  

Drôle de challenge pour Théo Ceccalci que de donner le premier concert de son projet éthiopien après le Badume’s Band créé en 2005 aux Rencontres internationales de clarinette populaire de Glomel où le groupe breton fut adoubé par Mahmoud Ahmed qui l’entraina avec lui sur plusieurs tournées de 2007 (Festival des musiques éthiopiques d’Addis Abeba) à 2010, année de sa rencontre avec la chanteuse Salamnesh Zéméné. Depuis, celle-ci lui est restée attachée sur les arrangements d’Antonin Volson, la souplesse de son drumming au service d’une musique qu’il a parfaitement assimilée en partenariat avec ses complices, notamment les solos de guitare incandescents de Rudy Blas. Chanteuse et groupe sont évidemment l’un chez l’autre, et le public breton leur est acquis jusqu’au délire.

Avec Théo Ceccaldi, la comparaison pourrait être malvenue. C’est une musique plus “jeune”, “post-éthiopiques”… si l’on peut dire (car si l’on considère la fameuse collection de disques publiés par Francis Falseto, on y découvre moins un style définitif qu’une histoire au regard de laquelle Kutu pourrait être le plus récent avatar). Avec Salamnesh Zéméné, on est plus dans quelque chose de tribal, rituel, tripal, hypnotique, les deux chanteuses de Kutu, plus “sophistiquées” évoquant plus le monde de l’entertainment. Ce qui n’enlève rien au naturel de leur complicité entre elles, avec le public et avec le reste du groupe. Un groupe plus « 2.0 », avec les ahurissants claviers et leurs programmes lancés par Akemi Fujimori, le drumming très afro-informé mais plus “techno”, plus calé sur le temps marqué à la grosse caisse (sono désormais surdimensionnée, la lisibilité des voix rongée par le reste), et évidemment les visions de “chef d’orchestre” de Théo Ceccaldi, le charisme de son violon et sa phénoménale présence scénique (contrastant toujours avec le look ce soir très boy-scout de son frère Valentin jouant de la basse électrique en short, la raie bien sur le côté). Le public de Malguénac ne boude pas son plaisir. Moi non plus, mais je finis par lâcher prise avant la fin…

Le Bal Floch : Hélène Jacquelot (chant), Erwan Lhermenier (clarinettes), Jean le Floc’h (accordéon chromatique, chant), Yves-Marie Berthou (batterie, percussions), Ronan Le Fur (maître de cérémonie).

…regrettant que le Bal Floch programmé pour assurer les entractes ne soient plus sur la scène du Bal monté où j’avais aimé entre les deux “éthiopiques” leurs musiques à dominante sud-américaine pour une vraie musique de bal à taille humaine et néanmoins inventive.

Voilà, c’était Malguénac #24. Rendez-vous dans un an, on y pense déjà. Franck Bergerot (photos © X. Deher)