Jazz live
Publié le 30 Mar 2018

FRANÇOIS MOUTIN et KAVITA SHAH au SUNSIDE

Pour fêter la sortie du disque ''Interplay'', le duo a donné au club parisien la primeur française d'un programme déjà bien rôdé à New York.

François Moutin (contrebasse), Kavita Shah (voix)

Paris, Sunside, 29 mars 2018, 19h30

Le disque vient de paraître ( »Interplay », Dot Time Records/Socadisc), et le duo new-yorkais visite le Sunside deux soirs de suite (29 & 30 mars), à un horaire inhabituel (19h30, pour un set unique d’un peu plus d’une heure). On est jeudi, c’est un public d’amateurs motivés, où l’on croise quelques grands passionnés de la jazzosphère et des orfèvres de la vocalité (Daniel Richard, Patrick Schuster, Alex Dutilh, Lionel Eskenazi, Xavier Feylgerolles, Thierry Peala….). L’atmosphère est intime, l’écoute maximale. Le duo nous donnera une bonne partie des thèmes qui figurent sur le disque, mais dans un ordre différent, et dans des versions renouvelées par la magie de l’instant et le miracle permanent de l’improvisation. Le concert commence avec Bliss, une composition du contrebassiste, conçue sur mesure pour le bonheur de l’interaction improvisée. Puis un standard, Falling In Love With Love, où la chanteuse révèle une incroyable faculté d’exposer le thème tout en improvisant l’interprétation, stimulée par la richesse du dialogue avec la contrebasse : François Moutin ne pose pas lourdement la trame harmonique, il improvise en permanence, et la chanteuse, en grande musicienne, n’est nullement gênée par les turbulences du dialogue ; au contraire, on sens que cet exercice périlleux la stimule en permanence. Suivra You Go To My Head, qui faisait l’ouverture du CD : ici encore, c’est une improvisation sans répit, avec un événement musical à chaque seconde. Pour La Vie en Rose, la chanteuse nous fait partager sa parfaite compréhension du français, après un échange rythmique entre la contrebasse, envisagée sous l’angle de la percussion, et la voix syncopée. Puis retour à l’échange improvisé avant un solo de basse vertigineux qui se conclut, pile sur le temps, par la reprise du thème, toujours avec une exceptionnelle liberté de phrasé. Avec Utopian Vision, co-signé par les duettistes, s’installe une atmosphère de folk music, à la couleur mélancolique : mais le libre dialogue est toujours de mise. Vient alors Interplay, magnifique composition de Bill Evans inaugurée par le pianiste en 1962 pour son disque éponyme, en quintette avec Jim Hall et Freddie Hubbard. Là encore, fidèle au sens du titre, l’interaction est à son comble. Et cela continuera sur le fil, tendu entre deux passions du risque, pour le reste du concert : The Provider’s Gone, une compo de la chanteuse (qui pour l’occasion se saisit d’un ukulélé), puis le magnifique Peace (Horace Silver), sublimé dans son intensité, et pour conclure Blah Blah, du batteur cubain Dafnis Prieto, prétexte d’une explosion ludique. En rappel, un court éclat de joie légère, version caribéenne, dont le plaisir me fut un peu gâté par les deux insupportables bavards qui sévissaient juste derrière moi. Mais quel concert …. Pour ceux qui liront cette chronique le jour où je l’écris, le duo remet ça le soir-même (voir ci-dessous). Et pour les autres, le disque, en attendant une tournée : on se précipite !

Xavier Prévost

Le duo se produira à nouveau au Sunside le 30 mars 2018 à 19h30 précise pour un set de 70 minutes environ.