Jazz live
Publié le 21 Août 2015

Malguénac 1 : qui a peur du jazz ?

Ces derniers jours (voir notre précédent blog), la presse régionale et spécialisée s’interrogeait sur les effets repoussoirs du mot jazz et la façon dont il était évité par les festivals (ou récupéré par des festivals qui évite l’être même du jazz). Hier, Arts des villes, arts des champs, festival de jazz qui ne dit pas son nom, mais qui depuis 18 éditions annonce la couleur (tout en pratiquant un certain bariolage) faisait le plein. Pour Papanosh, pour Airelle Besson et Nelson Veras, pour Vincent Peirani.

Tour de fil et retour des frites

Comme chaque année, un thème, métaphorique, onirique… Cette année : le fil, sur le fil (titre d’une exposition où créateurs et professionnels du fil ont entremêlé leurs savoirs, numéro fildefériste), suivez le fil… Après vernissage, débat sous chapiteau autour du thème Tirez sur le fil, animé par Philippe Jouan, membre du bureau collégial du festival, avec l’écrivain Alexis Gloaguen, Hélène Labarrière (cette année bénévole du festival, au service des artistes en coulisses), quelques uns des créateurs de l’exposition et moi-même pour Jazzmag. On navigue du jazzistique (le décousu de l’improvisation et les multiples fil qui font sa cohésion : le tempo, la walking bass, les conventions, le collectif, l’interaction, l’improvisation comme récit…) au littéraire (Gloaguen parle de son expérience d’écrivain improvisateur et lit un extrait des Veuves de verre écrit aux Etats-Unis où il fut au-devant du blues), en passant le dessin, le plastique et la politique (une auditrice témoignant de la possibilité de l’accident scénique en se rappelant l’intervention huée de Jacques Derrida invité d’Ornette en introduction d’un concert à la Cité de la musique de Paris). L’heure passe vite et le concert approche. Alexis Gloaguen m’offre un verre à la buvette en compagnie de Jakez, “amateur professionnel” (pour reprendre l’expression que, me raconte-t-il, lui a soufflé la concernant une vieille amatrice de théâtre), qu’en Bretagne je croise – fil rouge ? – à presque tous les concerts et avec qui je partage des goûts musicaux débordant très largement du jazz. Puis apprenant que les frites étaient de retour à Malguénac (frites maison… épluchées et taillées par les bénévoles, je les avais regrettées dans mes comptes-rendus l’an dernier, j’ai failli faire de leur retour le titre, voire le fil, de ce compte rendu) je file (!) m’offrir une barquette avant de gagner la salle polyvalente rebaptisée salle Claude Nougaro et habillée comme chaque année d’un ciel parsemé d’ombrelles en guise d’étoiles, la vieille vache jaune, noire et follette, emblème du festival, gambadant sur le mur du fond (sur l’affiche, on la voit sur le fil, un saxophone à la main pour parfaire un équilibre qu’elle n’a pas perdu en 18 ans de gambade).

Papanosh et invités : Quentin Ghomari (trompette), Raphaël Quénehen (saxes, voix), Sébastien Palis (claviers, voix), Thibault Cellier (contrebasse), Jérémie Piazza (batterie) + Roy Nathanson (saxes alto et baryton, voix), Fidel Fourneyron (trombone).

 Ma barquette de frites pourrait bien m’avoir fait manquer le premier morceau, et lorsque j’entre l’orchestre reprend Los Mariachis de l’album “Tijuana Moods” arrangé par le bassiste de l’orchestre Thibault Cellier. Ce qui frappe d’emblée et le plus souvent au cours du concert, c’est la juste distance évitant la copie conforme et préservant l’élan, la truculence, le débordement. Les cuivres de Ghomari sentent la sueur, les anches zèbrent l’espace et mordent sur les contours, la rythmique chauffe à gros bouillons avec un contrebassiste qui est tout particulièrement à sa place pour cette évocation, un sens des couleurs qui enracine le concert dans la lignée ellington-mingus (Flamingo), plus les narrations de Roy Nathanson qui fait preuve d’un touchant effort d’articulation (et de ponctuelles et intempestives traductions) pour se faire comprendre, sur la partition de The Clown. On résiste parfois à certains effets de pittoresque (comme cette chanson mexicaine par Raphaël Quénehen enchaînée à Peggy’s Blue Skylight, un peu trop “typique”) qui compensent un manque de poids et de puissance en regard du fantôme Mingus (on voudrait vous y voir !). Mais le Funeral Boogaloo de Sébastien Palis fait lever un rappel du public honoré d’une reprise de Cumbia and Jazz Fusion que conclut Raphaël Quénehen d’un « Merci… et réécoutez Mingus ! » que l’on ne saurait contredire. L’œuvre de Mingus, encore un fil à tirer.

 Détour par les Anges

Retour à la buvette. Je me fais présenter Jean-Marie, le cuistot des Anges à Quelven, lieu-dit chargé d’Histoire. L’imposante chapelle Notre-Dame-de-Quelven, “sanctuaire marial” (élu par la Vierge Marie pour honorer Sainte-Anne, sa mère… je vous laisse poursuivre ce fil dans vos ouvrages saints) devenu dès le XVème siècle, lieu de pèlerinage, où encore aujourd’hui, le jour de l’Assomption, on vient assister à la descente d’un ange pyrophore, du haut du clocher le long d’une corde, funambule qui aurait pu être l’invité de cette édition d’Arts des champs, de même que l’on pourrait rêver qu’un jour, les Jeudis de Quelven, accueille Andy Emler dans le cadre d’Arts des villes Arts des champs, sur les belles orgues de la chapelle (qui, hier, à une heure du lancement du festival et à quelques kilomètres, accueillait un récital baroque présenté par l’organiste Frantisek Vanicek). Mais revenons Aux Anges. Car Jean-Marie, outre la cuisine (si j’ai tout compris, c’est à lui que l’on doit les frites et les acras sur le festival… mais il fait Aux Anges une très bonne cuisine de vrai chef) poursuit une programmation de concerts (inaugurée en 2005 par Francis Benincà), un temps avec l’aide de Cécile Even, aujourd’hui investie à La Grande Boutique de Langonet… et au festival de Malguénac. On y a entendu Hélène Labarrière, Jacky Molard, Laura Perrudin, le quartette Oko, du jazz, du blues, du trad…

Airelle Besson (trompette), Nelson Veras (guitare).

 Ma bière et la compagnie des Anges m’ont encore fait louper le premier morceau. Salle pleine, silence recueilli, sauf la porte qui grince à mon entrée. Un public, ça se forme. Malguénac l’a fait et accueille comme il se doit la pièce qu’Airelle Besson emprunte à Kenny Wheeler, influence évidente. Trompette-goéland, faisant claquer ses ailes au vent comme un drapeau, filant vers le zénith sous un coup de vent où, comme le profil d’un oiseau peut échapper à la vue, fondue dans la luminosité du ciel, elle disparaît dans un sifflement que son souffle tire soudain de son instrument, puis planant calme, posée entre deux courants d’air, dans la plénitude du son. Mais voilà surtout un duo dont le mode de propulsion est l’écoute mutuelle, l’échange et cette façon qu’ont les doigts d’alimenter en carburant rythmique et harmonique la douce locomotive à pavillon, ce qu’illustrent Neige et Pouki Pouki et leurs ostinatos qui passent de l’un à l’autre, s’effacent, se travestissent, ressurgissent à l’identique ou transformés dans leur tempo. Rappel chaleureux. Time to Say Goodbye.

Hop’n Jazz et miniatures

Le temps de papoter avec Christophe Desforges de l’association Hop’n Jazz (pays de Lorient) qui a renoncé ce mois de juillet, faute de moyens, à son festival Jazz miniatures où il aurait bien programmé Airelle Besson et Nelson Veras, qu’il espère faire renaître l’an prochain à Port-Louis, il est temps de rejoindre le quintette Living Being de Vincent Peirani, car pour cette année, le concert de minuit commence à l’heure ! Et devant une salle toujours aussi pleine, avec une soirée 100% française (ce qui n
’est pas un critère de qualité, mais l’inverse est vrai) ! Qui a dit que le jazz faisait peur ? Qui a dit que le jazz était vieux ? Qui a dit que le jazz était mort ? Hop’n and jazz ! Un beau credo.

 Vincent Peirani Living Being Quintet : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (Fender Rhodes, électronique), Julien Herné (guitare basse électrique), Yoann Serra (batterie).

Est-ce bien le même groupe que j’ai entendu en juillet à Respire Jazz ? Non, certes, le batteur était Antoine Paganotti. Cela aurait-il suffi ? Est-ce bien moi qui ait rédigé le compte-rendu mi-figue mi-raisin du 13 juillet dernier ? Qu’il revisite Thelonious Monk (Wee See et Played Twice que je ne reconnais qu’à l’annonce), Tim Buckley (Dream Brother), Mutinerie de Michel Portal ou qu’il fasse l’original (Suite en V et Working Rhythm), je découvre quelque chose que je n’avais pas perçu (pas plus sur le disque) : une raison d’être à chaque geste, à chaque sonorité, à chaque ligne, une cohérence, une intelligence, une sincérité qui m’avaient échappé, des pianissimos de musique de chambre aux orages de l’accordéon plein-jeu ou aux embardées post-coltraniennes du sax (je n’avais jamais remarqué une telle plénitude du timbre sur le soprano d’Emile). Il va falloir que je me concentre à l’avenir… A moins qu’il ne s’agisse là de l’effet d’un été si bien rempli que le groupe s’en soit trouvé transfiguré. Rappel balkanique plus anecdotique mais tellement réjouissant, puis adieu de l’accordéoniste en solo sur poignant Thow It Away d’Abbey Lincoln.

« Il y aura encore des animaux sur la route retour ? », me taquine Philippe Jouan habitué aux délires de mes comptes rendus par le passé sur la faune des contrées traversées. « Non, je vais tâcher de rester raisonnable » À la sortie de Melrand, cependant, un renard. Ses yeux comme deux billes de feu, puis sa longue queue dédaigneuse filant tranquillement parmi les herbes noires. Demain, sur scène, quelques bêtes sauvages : Kami Quintet, Franck Vaillant Raising Benzine et l’Electric Biddle de Julien. Les absents auront tort. Franck Bergerot

 

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Ces derniers jours (voir notre précédent blog), la presse régionale et spécialisée s’interrogeait sur les effets repoussoirs du mot jazz et la façon dont il était évité par les festivals (ou récupéré par des festivals qui évite l’être même du jazz). Hier, Arts des villes, arts des champs, festival de jazz qui ne dit pas son nom, mais qui depuis 18 éditions annonce la couleur (tout en pratiquant un certain bariolage) faisait le plein. Pour Papanosh, pour Airelle Besson et Nelson Veras, pour Vincent Peirani.

Tour de fil et retour des frites

Comme chaque année, un thème, métaphorique, onirique… Cette année : le fil, sur le fil (titre d’une exposition où créateurs et professionnels du fil ont entremêlé leurs savoirs, numéro fildefériste), suivez le fil… Après vernissage, débat sous chapiteau autour du thème Tirez sur le fil, animé par Philippe Jouan, membre du bureau collégial du festival, avec l’écrivain Alexis Gloaguen, Hélène Labarrière (cette année bénévole du festival, au service des artistes en coulisses), quelques uns des créateurs de l’exposition et moi-même pour Jazzmag. On navigue du jazzistique (le décousu de l’improvisation et les multiples fil qui font sa cohésion : le tempo, la walking bass, les conventions, le collectif, l’interaction, l’improvisation comme récit…) au littéraire (Gloaguen parle de son expérience d’écrivain improvisateur et lit un extrait des Veuves de verre écrit aux Etats-Unis où il fut au-devant du blues), en passant le dessin, le plastique et la politique (une auditrice témoignant de la possibilité de l’accident scénique en se rappelant l’intervention huée de Jacques Derrida invité d’Ornette en introduction d’un concert à la Cité de la musique de Paris). L’heure passe vite et le concert approche. Alexis Gloaguen m’offre un verre à la buvette en compagnie de Jakez, “amateur professionnel” (pour reprendre l’expression que, me raconte-t-il, lui a soufflé la concernant une vieille amatrice de théâtre), qu’en Bretagne je croise – fil rouge ? – à presque tous les concerts et avec qui je partage des goûts musicaux débordant très largement du jazz. Puis apprenant que les frites étaient de retour à Malguénac (frites maison… épluchées et taillées par les bénévoles, je les avais regrettées dans mes comptes-rendus l’an dernier, j’ai failli faire de leur retour le titre, voire le fil, de ce compte rendu) je file (!) m’offrir une barquette avant de gagner la salle polyvalente rebaptisée salle Claude Nougaro et habillée comme chaque année d’un ciel parsemé d’ombrelles en guise d’étoiles, la vieille vache jaune, noire et follette, emblème du festival, gambadant sur le mur du fond (sur l’affiche, on la voit sur le fil, un saxophone à la main pour parfaire un équilibre qu’elle n’a pas perdu en 18 ans de gambade).

Papanosh et invités : Quentin Ghomari (trompette), Raphaël Quénehen (saxes, voix), Sébastien Palis (claviers, voix), Thibault Cellier (contrebasse), Jérémie Piazza (batterie) + Roy Nathanson (saxes alto et baryton, voix), Fidel Fourneyron (trombone).

 Ma barquette de frites pourrait bien m’avoir fait manquer le premier morceau, et lorsque j’entre l’orchestre reprend Los Mariachis de l’album “Tijuana Moods” arrangé par le bassiste de l’orchestre Thibault Cellier. Ce qui frappe d’emblée et le plus souvent au cours du concert, c’est la juste distance évitant la copie conforme et préservant l’élan, la truculence, le débordement. Les cuivres de Ghomari sentent la sueur, les anches zèbrent l’espace et mordent sur les contours, la rythmique chauffe à gros bouillons avec un contrebassiste qui est tout particulièrement à sa place pour cette évocation, un sens des couleurs qui enracine le concert dans la lignée ellington-mingus (Flamingo), plus les narrations de Roy Nathanson qui fait preuve d’un touchant effort d’articulation (et de ponctuelles et intempestives traductions) pour se faire comprendre, sur la partition de The Clown. On résiste parfois à certains effets de pittoresque (comme cette chanson mexicaine par Raphaël Quénehen enchaînée à Peggy’s Blue Skylight, un peu trop “typique”) qui compensent un manque de poids et de puissance en regard du fantôme Mingus (on voudrait vous y voir !). Mais le Funeral Boogaloo de Sébastien Palis fait lever un rappel du public honoré d’une reprise de Cumbia and Jazz Fusion que conclut Raphaël Quénehen d’un « Merci… et réécoutez Mingus ! » que l’on ne saurait contredire. L’œuvre de Mingus, encore un fil à tirer.

 Détour par les Anges

Retour à la buvette. Je me fais présenter Jean-Marie, le cuistot des Anges à Quelven, lieu-dit chargé d’Histoire. L’imposante chapelle Notre-Dame-de-Quelven, “sanctuaire marial” (élu par la Vierge Marie pour honorer Sainte-Anne, sa mère… je vous laisse poursuivre ce fil dans vos ouvrages saints) devenu dès le XVème siècle, lieu de pèlerinage, où encore aujourd’hui, le jour de l’Assomption, on vient assister à la descente d’un ange pyrophore, du haut du clocher le long d’une corde, funambule qui aurait pu être l’invité de cette édition d’Arts des champs, de même que l’on pourrait rêver qu’un jour, les Jeudis de Quelven, accueille Andy Emler dans le cadre d’Arts des villes Arts des champs, sur les belles orgues de la chapelle (qui, hier, à une heure du lancement du festival et à quelques kilomètres, accueillait un récital baroque présenté par l’organiste Frantisek Vanicek). Mais revenons Aux Anges. Car Jean-Marie, outre la cuisine (si j’ai tout compris, c’est à lui que l’on doit les frites et les acras sur le festival… mais il fait Aux Anges une très bonne cuisine de vrai chef) poursuit une programmation de concerts (inaugurée en 2005 par Francis Benincà), un temps avec l’aide de Cécile Even, aujourd’hui investie à La Grande Boutique de Langonet… et au festival de Malguénac. On y a entendu Hélène Labarrière, Jacky Molard, Laura Perrudin, le quartette Oko, du jazz, du blues, du trad…

Airelle Besson (trompette), Nelson Veras (guitare).

 Ma bière et la compagnie des Anges m’ont encore fait louper le premier morceau. Salle pleine, silence recueilli, sauf la porte qui grince à mon entrée. Un public, ça se forme. Malguénac l’a fait et accueille comme il se doit la pièce qu’Airelle Besson emprunte à Kenny Wheeler, influence évidente. Trompette-goéland, faisant claquer ses ailes au vent comme un drapeau, filant vers le zénith sous un coup de vent où, comme le profil d’un oiseau peut échapper à la vue, fondue dans la luminosité du ciel, elle disparaît dans un sifflement que son souffle tire soudain de son instrument, puis planant calme, posée entre deux courants d’air, dans la plénitude du son. Mais voilà surtout un duo dont le mode de propulsion est l’écoute mutuelle, l’échange et cette façon qu’ont les doigts d’alimenter en carburant rythmique et harmonique la douce locomotive à pavillon, ce qu’illustrent Neige et Pouki Pouki et leurs ostinatos qui passent de l’un à l’autre, s’effacent, se travestissent, ressurgissent à l’identique ou transformés dans leur tempo. Rappel chaleureux. Time to Say Goodbye.

Hop’n Jazz et miniatures

Le temps de papoter avec Christophe Desforges de l’association Hop’n Jazz (pays de Lorient) qui a renoncé ce mois de juillet, faute de moyens, à son festival Jazz miniatures où il aurait bien programmé Airelle Besson et Nelson Veras, qu’il espère faire renaître l’an prochain à Port-Louis, il est temps de rejoindre le quintette Living Being de Vincent Peirani, car pour cette année, le concert de minuit commence à l’heure ! Et devant une salle toujours aussi pleine, avec une soirée 100% française (ce qui n
’est pas un critère de qualité, mais l’inverse est vrai) ! Qui a dit que le jazz faisait peur ? Qui a dit que le jazz était vieux ? Qui a dit que le jazz était mort ? Hop’n and jazz ! Un beau credo.

 Vincent Peirani Living Being Quintet : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (Fender Rhodes, électronique), Julien Herné (guitare basse électrique), Yoann Serra (batterie).

Est-ce bien le même groupe que j’ai entendu en juillet à Respire Jazz ? Non, certes, le batteur était Antoine Paganotti. Cela aurait-il suffi ? Est-ce bien moi qui ait rédigé le compte-rendu mi-figue mi-raisin du 13 juillet dernier ? Qu’il revisite Thelonious Monk (Wee See et Played Twice que je ne reconnais qu’à l’annonce), Tim Buckley (Dream Brother), Mutinerie de Michel Portal ou qu’il fasse l’original (Suite en V et Working Rhythm), je découvre quelque chose que je n’avais pas perçu (pas plus sur le disque) : une raison d’être à chaque geste, à chaque sonorité, à chaque ligne, une cohérence, une intelligence, une sincérité qui m’avaient échappé, des pianissimos de musique de chambre aux orages de l’accordéon plein-jeu ou aux embardées post-coltraniennes du sax (je n’avais jamais remarqué une telle plénitude du timbre sur le soprano d’Emile). Il va falloir que je me concentre à l’avenir… A moins qu’il ne s’agisse là de l’effet d’un été si bien rempli que le groupe s’en soit trouvé transfiguré. Rappel balkanique plus anecdotique mais tellement réjouissant, puis adieu de l’accordéoniste en solo sur poignant Thow It Away d’Abbey Lincoln.

« Il y aura encore des animaux sur la route retour ? », me taquine Philippe Jouan habitué aux délires de mes comptes rendus par le passé sur la faune des contrées traversées. « Non, je vais tâcher de rester raisonnable » À la sortie de Melrand, cependant, un renard. Ses yeux comme deux billes de feu, puis sa longue queue dédaigneuse filant tranquillement parmi les herbes noires. Demain, sur scène, quelques bêtes sauvages : Kami Quintet, Franck Vaillant Raising Benzine et l’Electric Biddle de Julien. Les absents auront tort. Franck Bergerot

 

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Ces derniers jours (voir notre précédent blog), la presse régionale et spécialisée s’interrogeait sur les effets repoussoirs du mot jazz et la façon dont il était évité par les festivals (ou récupéré par des festivals qui évite l’être même du jazz). Hier, Arts des villes, arts des champs, festival de jazz qui ne dit pas son nom, mais qui depuis 18 éditions annonce la couleur (tout en pratiquant un certain bariolage) faisait le plein. Pour Papanosh, pour Airelle Besson et Nelson Veras, pour Vincent Peirani.

Tour de fil et retour des frites

Comme chaque année, un thème, métaphorique, onirique… Cette année : le fil, sur le fil (titre d’une exposition où créateurs et professionnels du fil ont entremêlé leurs savoirs, numéro fildefériste), suivez le fil… Après vernissage, débat sous chapiteau autour du thème Tirez sur le fil, animé par Philippe Jouan, membre du bureau collégial du festival, avec l’écrivain Alexis Gloaguen, Hélène Labarrière (cette année bénévole du festival, au service des artistes en coulisses), quelques uns des créateurs de l’exposition et moi-même pour Jazzmag. On navigue du jazzistique (le décousu de l’improvisation et les multiples fil qui font sa cohésion : le tempo, la walking bass, les conventions, le collectif, l’interaction, l’improvisation comme récit…) au littéraire (Gloaguen parle de son expérience d’écrivain improvisateur et lit un extrait des Veuves de verre écrit aux Etats-Unis où il fut au-devant du blues), en passant le dessin, le plastique et la politique (une auditrice témoignant de la possibilité de l’accident scénique en se rappelant l’intervention huée de Jacques Derrida invité d’Ornette en introduction d’un concert à la Cité de la musique de Paris). L’heure passe vite et le concert approche. Alexis Gloaguen m’offre un verre à la buvette en compagnie de Jakez, “amateur professionnel” (pour reprendre l’expression que, me raconte-t-il, lui a soufflé la concernant une vieille amatrice de théâtre), qu’en Bretagne je croise – fil rouge ? – à presque tous les concerts et avec qui je partage des goûts musicaux débordant très largement du jazz. Puis apprenant que les frites étaient de retour à Malguénac (frites maison… épluchées et taillées par les bénévoles, je les avais regrettées dans mes comptes-rendus l’an dernier, j’ai failli faire de leur retour le titre, voire le fil, de ce compte rendu) je file (!) m’offrir une barquette avant de gagner la salle polyvalente rebaptisée salle Claude Nougaro et habillée comme chaque année d’un ciel parsemé d’ombrelles en guise d’étoiles, la vieille vache jaune, noire et follette, emblème du festival, gambadant sur le mur du fond (sur l’affiche, on la voit sur le fil, un saxophone à la main pour parfaire un équilibre qu’elle n’a pas perdu en 18 ans de gambade).

Papanosh et invités : Quentin Ghomari (trompette), Raphaël Quénehen (saxes, voix), Sébastien Palis (claviers, voix), Thibault Cellier (contrebasse), Jérémie Piazza (batterie) + Roy Nathanson (saxes alto et baryton, voix), Fidel Fourneyron (trombone).

 Ma barquette de frites pourrait bien m’avoir fait manquer le premier morceau, et lorsque j’entre l’orchestre reprend Los Mariachis de l’album “Tijuana Moods” arrangé par le bassiste de l’orchestre Thibault Cellier. Ce qui frappe d’emblée et le plus souvent au cours du concert, c’est la juste distance évitant la copie conforme et préservant l’élan, la truculence, le débordement. Les cuivres de Ghomari sentent la sueur, les anches zèbrent l’espace et mordent sur les contours, la rythmique chauffe à gros bouillons avec un contrebassiste qui est tout particulièrement à sa place pour cette évocation, un sens des couleurs qui enracine le concert dans la lignée ellington-mingus (Flamingo), plus les narrations de Roy Nathanson qui fait preuve d’un touchant effort d’articulation (et de ponctuelles et intempestives traductions) pour se faire comprendre, sur la partition de The Clown. On résiste parfois à certains effets de pittoresque (comme cette chanson mexicaine par Raphaël Quénehen enchaînée à Peggy’s Blue Skylight, un peu trop “typique”) qui compensent un manque de poids et de puissance en regard du fantôme Mingus (on voudrait vous y voir !). Mais le Funeral Boogaloo de Sébastien Palis fait lever un rappel du public honoré d’une reprise de Cumbia and Jazz Fusion que conclut Raphaël Quénehen d’un « Merci… et réécoutez Mingus ! » que l’on ne saurait contredire. L’œuvre de Mingus, encore un fil à tirer.

 Détour par les Anges

Retour à la buvette. Je me fais présenter Jean-Marie, le cuistot des Anges à Quelven, lieu-dit chargé d’Histoire. L’imposante chapelle Notre-Dame-de-Quelven, “sanctuaire marial” (élu par la Vierge Marie pour honorer Sainte-Anne, sa mère… je vous laisse poursuivre ce fil dans vos ouvrages saints) devenu dès le XVème siècle, lieu de pèlerinage, où encore aujourd’hui, le jour de l’Assomption, on vient assister à la descente d’un ange pyrophore, du haut du clocher le long d’une corde, funambule qui aurait pu être l’invité de cette édition d’Arts des champs, de même que l’on pourrait rêver qu’un jour, les Jeudis de Quelven, accueille Andy Emler dans le cadre d’Arts des villes Arts des champs, sur les belles orgues de la chapelle (qui, hier, à une heure du lancement du festival et à quelques kilomètres, accueillait un récital baroque présenté par l’organiste Frantisek Vanicek). Mais revenons Aux Anges. Car Jean-Marie, outre la cuisine (si j’ai tout compris, c’est à lui que l’on doit les frites et les acras sur le festival… mais il fait Aux Anges une très bonne cuisine de vrai chef) poursuit une programmation de concerts (inaugurée en 2005 par Francis Benincà), un temps avec l’aide de Cécile Even, aujourd’hui investie à La Grande Boutique de Langonet… et au festival de Malguénac. On y a entendu Hélène Labarrière, Jacky Molard, Laura Perrudin, le quartette Oko, du jazz, du blues, du trad…

Airelle Besson (trompette), Nelson Veras (guitare).

 Ma bière et la compagnie des Anges m’ont encore fait louper le premier morceau. Salle pleine, silence recueilli, sauf la porte qui grince à mon entrée. Un public, ça se forme. Malguénac l’a fait et accueille comme il se doit la pièce qu’Airelle Besson emprunte à Kenny Wheeler, influence évidente. Trompette-goéland, faisant claquer ses ailes au vent comme un drapeau, filant vers le zénith sous un coup de vent où, comme le profil d’un oiseau peut échapper à la vue, fondue dans la luminosité du ciel, elle disparaît dans un sifflement que son souffle tire soudain de son instrument, puis planant calme, posée entre deux courants d’air, dans la plénitude du son. Mais voilà surtout un duo dont le mode de propulsion est l’écoute mutuelle, l’échange et cette façon qu’ont les doigts d’alimenter en carburant rythmique et harmonique la douce locomotive à pavillon, ce qu’illustrent Neige et Pouki Pouki et leurs ostinatos qui passent de l’un à l’autre, s’effacent, se travestissent, ressurgissent à l’identique ou transformés dans leur tempo. Rappel chaleureux. Time to Say Goodbye.

Hop’n Jazz et miniatures

Le temps de papoter avec Christophe Desforges de l’association Hop’n Jazz (pays de Lorient) qui a renoncé ce mois de juillet, faute de moyens, à son festival Jazz miniatures où il aurait bien programmé Airelle Besson et Nelson Veras, qu’il espère faire renaître l’an prochain à Port-Louis, il est temps de rejoindre le quintette Living Being de Vincent Peirani, car pour cette année, le concert de minuit commence à l’heure ! Et devant une salle toujours aussi pleine, avec une soirée 100% française (ce qui n
’est pas un critère de qualité, mais l’inverse est vrai) ! Qui a dit que le jazz faisait peur ? Qui a dit que le jazz était vieux ? Qui a dit que le jazz était mort ? Hop’n and jazz ! Un beau credo.

 Vincent Peirani Living Being Quintet : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (Fender Rhodes, électronique), Julien Herné (guitare basse électrique), Yoann Serra (batterie).

Est-ce bien le même groupe que j’ai entendu en juillet à Respire Jazz ? Non, certes, le batteur était Antoine Paganotti. Cela aurait-il suffi ? Est-ce bien moi qui ait rédigé le compte-rendu mi-figue mi-raisin du 13 juillet dernier ? Qu’il revisite Thelonious Monk (Wee See et Played Twice que je ne reconnais qu’à l’annonce), Tim Buckley (Dream Brother), Mutinerie de Michel Portal ou qu’il fasse l’original (Suite en V et Working Rhythm), je découvre quelque chose que je n’avais pas perçu (pas plus sur le disque) : une raison d’être à chaque geste, à chaque sonorité, à chaque ligne, une cohérence, une intelligence, une sincérité qui m’avaient échappé, des pianissimos de musique de chambre aux orages de l’accordéon plein-jeu ou aux embardées post-coltraniennes du sax (je n’avais jamais remarqué une telle plénitude du timbre sur le soprano d’Emile). Il va falloir que je me concentre à l’avenir… A moins qu’il ne s’agisse là de l’effet d’un été si bien rempli que le groupe s’en soit trouvé transfiguré. Rappel balkanique plus anecdotique mais tellement réjouissant, puis adieu de l’accordéoniste en solo sur poignant Thow It Away d’Abbey Lincoln.

« Il y aura encore des animaux sur la route retour ? », me taquine Philippe Jouan habitué aux délires de mes comptes rendus par le passé sur la faune des contrées traversées. « Non, je vais tâcher de rester raisonnable » À la sortie de Melrand, cependant, un renard. Ses yeux comme deux billes de feu, puis sa longue queue dédaigneuse filant tranquillement parmi les herbes noires. Demain, sur scène, quelques bêtes sauvages : Kami Quintet, Franck Vaillant Raising Benzine et l’Electric Biddle de Julien. Les absents auront tort. Franck Bergerot

 

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Ces derniers jours (voir notre précédent blog), la presse régionale et spécialisée s’interrogeait sur les effets repoussoirs du mot jazz et la façon dont il était évité par les festivals (ou récupéré par des festivals qui évite l’être même du jazz). Hier, Arts des villes, arts des champs, festival de jazz qui ne dit pas son nom, mais qui depuis 18 éditions annonce la couleur (tout en pratiquant un certain bariolage) faisait le plein. Pour Papanosh, pour Airelle Besson et Nelson Veras, pour Vincent Peirani.

Tour de fil et retour des frites

Comme chaque année, un thème, métaphorique, onirique… Cette année : le fil, sur le fil (titre d’une exposition où créateurs et professionnels du fil ont entremêlé leurs savoirs, numéro fildefériste), suivez le fil… Après vernissage, débat sous chapiteau autour du thème Tirez sur le fil, animé par Philippe Jouan, membre du bureau collégial du festival, avec l’écrivain Alexis Gloaguen, Hélène Labarrière (cette année bénévole du festival, au service des artistes en coulisses), quelques uns des créateurs de l’exposition et moi-même pour Jazzmag. On navigue du jazzistique (le décousu de l’improvisation et les multiples fil qui font sa cohésion : le tempo, la walking bass, les conventions, le collectif, l’interaction, l’improvisation comme récit…) au littéraire (Gloaguen parle de son expérience d’écrivain improvisateur et lit un extrait des Veuves de verre écrit aux Etats-Unis où il fut au-devant du blues), en passant le dessin, le plastique et la politique (une auditrice témoignant de la possibilité de l’accident scénique en se rappelant l’intervention huée de Jacques Derrida invité d’Ornette en introduction d’un concert à la Cité de la musique de Paris). L’heure passe vite et le concert approche. Alexis Gloaguen m’offre un verre à la buvette en compagnie de Jakez, “amateur professionnel” (pour reprendre l’expression que, me raconte-t-il, lui a soufflé la concernant une vieille amatrice de théâtre), qu’en Bretagne je croise – fil rouge ? – à presque tous les concerts et avec qui je partage des goûts musicaux débordant très largement du jazz. Puis apprenant que les frites étaient de retour à Malguénac (frites maison… épluchées et taillées par les bénévoles, je les avais regrettées dans mes comptes-rendus l’an dernier, j’ai failli faire de leur retour le titre, voire le fil, de ce compte rendu) je file (!) m’offrir une barquette avant de gagner la salle polyvalente rebaptisée salle Claude Nougaro et habillée comme chaque année d’un ciel parsemé d’ombrelles en guise d’étoiles, la vieille vache jaune, noire et follette, emblème du festival, gambadant sur le mur du fond (sur l’affiche, on la voit sur le fil, un saxophone à la main pour parfaire un équilibre qu’elle n’a pas perdu en 18 ans de gambade).

Papanosh et invités : Quentin Ghomari (trompette), Raphaël Quénehen (saxes, voix), Sébastien Palis (claviers, voix), Thibault Cellier (contrebasse), Jérémie Piazza (batterie) + Roy Nathanson (saxes alto et baryton, voix), Fidel Fourneyron (trombone).

 Ma barquette de frites pourrait bien m’avoir fait manquer le premier morceau, et lorsque j’entre l’orchestre reprend Los Mariachis de l’album “Tijuana Moods” arrangé par le bassiste de l’orchestre Thibault Cellier. Ce qui frappe d’emblée et le plus souvent au cours du concert, c’est la juste distance évitant la copie conforme et préservant l’élan, la truculence, le débordement. Les cuivres de Ghomari sentent la sueur, les anches zèbrent l’espace et mordent sur les contours, la rythmique chauffe à gros bouillons avec un contrebassiste qui est tout particulièrement à sa place pour cette évocation, un sens des couleurs qui enracine le concert dans la lignée ellington-mingus (Flamingo), plus les narrations de Roy Nathanson qui fait preuve d’un touchant effort d’articulation (et de ponctuelles et intempestives traductions) pour se faire comprendre, sur la partition de The Clown. On résiste parfois à certains effets de pittoresque (comme cette chanson mexicaine par Raphaël Quénehen enchaînée à Peggy’s Blue Skylight, un peu trop “typique”) qui compensent un manque de poids et de puissance en regard du fantôme Mingus (on voudrait vous y voir !). Mais le Funeral Boogaloo de Sébastien Palis fait lever un rappel du public honoré d’une reprise de Cumbia and Jazz Fusion que conclut Raphaël Quénehen d’un « Merci… et réécoutez Mingus ! » que l’on ne saurait contredire. L’œuvre de Mingus, encore un fil à tirer.

 Détour par les Anges

Retour à la buvette. Je me fais présenter Jean-Marie, le cuistot des Anges à Quelven, lieu-dit chargé d’Histoire. L’imposante chapelle Notre-Dame-de-Quelven, “sanctuaire marial” (élu par la Vierge Marie pour honorer Sainte-Anne, sa mère… je vous laisse poursuivre ce fil dans vos ouvrages saints) devenu dès le XVème siècle, lieu de pèlerinage, où encore aujourd’hui, le jour de l’Assomption, on vient assister à la descente d’un ange pyrophore, du haut du clocher le long d’une corde, funambule qui aurait pu être l’invité de cette édition d’Arts des champs, de même que l’on pourrait rêver qu’un jour, les Jeudis de Quelven, accueille Andy Emler dans le cadre d’Arts des villes Arts des champs, sur les belles orgues de la chapelle (qui, hier, à une heure du lancement du festival et à quelques kilomètres, accueillait un récital baroque présenté par l’organiste Frantisek Vanicek). Mais revenons Aux Anges. Car Jean-Marie, outre la cuisine (si j’ai tout compris, c’est à lui que l’on doit les frites et les acras sur le festival… mais il fait Aux Anges une très bonne cuisine de vrai chef) poursuit une programmation de concerts (inaugurée en 2005 par Francis Benincà), un temps avec l’aide de Cécile Even, aujourd’hui investie à La Grande Boutique de Langonet… et au festival de Malguénac. On y a entendu Hélène Labarrière, Jacky Molard, Laura Perrudin, le quartette Oko, du jazz, du blues, du trad…

Airelle Besson (trompette), Nelson Veras (guitare).

 Ma bière et la compagnie des Anges m’ont encore fait louper le premier morceau. Salle pleine, silence recueilli, sauf la porte qui grince à mon entrée. Un public, ça se forme. Malguénac l’a fait et accueille comme il se doit la pièce qu’Airelle Besson emprunte à Kenny Wheeler, influence évidente. Trompette-goéland, faisant claquer ses ailes au vent comme un drapeau, filant vers le zénith sous un coup de vent où, comme le profil d’un oiseau peut échapper à la vue, fondue dans la luminosité du ciel, elle disparaît dans un sifflement que son souffle tire soudain de son instrument, puis planant calme, posée entre deux courants d’air, dans la plénitude du son. Mais voilà surtout un duo dont le mode de propulsion est l’écoute mutuelle, l’échange et cette façon qu’ont les doigts d’alimenter en carburant rythmique et harmonique la douce locomotive à pavillon, ce qu’illustrent Neige et Pouki Pouki et leurs ostinatos qui passent de l’un à l’autre, s’effacent, se travestissent, ressurgissent à l’identique ou transformés dans leur tempo. Rappel chaleureux. Time to Say Goodbye.

Hop’n Jazz et miniatures

Le temps de papoter avec Christophe Desforges de l’association Hop’n Jazz (pays de Lorient) qui a renoncé ce mois de juillet, faute de moyens, à son festival Jazz miniatures où il aurait bien programmé Airelle Besson et Nelson Veras, qu’il espère faire renaître l’an prochain à Port-Louis, il est temps de rejoindre le quintette Living Being de Vincent Peirani, car pour cette année, le concert de minuit commence à l’heure ! Et devant une salle toujours aussi pleine, avec une soirée 100% française (ce qui n
’est pas un critère de qualité, mais l’inverse est vrai) ! Qui a dit que le jazz faisait peur ? Qui a dit que le jazz était vieux ? Qui a dit que le jazz était mort ? Hop’n and jazz ! Un beau credo.

 Vincent Peirani Living Being Quintet : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (Fender Rhodes, électronique), Julien Herné (guitare basse électrique), Yoann Serra (batterie).

Est-ce bien le même groupe que j’ai entendu en juillet à Respire Jazz ? Non, certes, le batteur était Antoine Paganotti. Cela aurait-il suffi ? Est-ce bien moi qui ait rédigé le compte-rendu mi-figue mi-raisin du 13 juillet dernier ? Qu’il revisite Thelonious Monk (Wee See et Played Twice que je ne reconnais qu’à l’annonce), Tim Buckley (Dream Brother), Mutinerie de Michel Portal ou qu’il fasse l’original (Suite en V et Working Rhythm), je découvre quelque chose que je n’avais pas perçu (pas plus sur le disque) : une raison d’être à chaque geste, à chaque sonorité, à chaque ligne, une cohérence, une intelligence, une sincérité qui m’avaient échappé, des pianissimos de musique de chambre aux orages de l’accordéon plein-jeu ou aux embardées post-coltraniennes du sax (je n’avais jamais remarqué une telle plénitude du timbre sur le soprano d’Emile). Il va falloir que je me concentre à l’avenir… A moins qu’il ne s’agisse là de l’effet d’un été si bien rempli que le groupe s’en soit trouvé transfiguré. Rappel balkanique plus anecdotique mais tellement réjouissant, puis adieu de l’accordéoniste en solo sur poignant Thow It Away d’Abbey Lincoln.

« Il y aura encore des animaux sur la route retour ? », me taquine Philippe Jouan habitué aux délires de mes comptes rendus par le passé sur la faune des contrées traversées. « Non, je vais tâcher de rester raisonnable » À la sortie de Melrand, cependant, un renard. Ses yeux comme deux billes de feu, puis sa longue queue dédaigneuse filant tranquillement parmi les herbes noires. Demain, sur scène, quelques bêtes sauvages : Kami Quintet, Franck Vaillant Raising Benzine et l’Electric Biddle de Julien. Les absents auront tort. Franck Bergerot