Jazz live
Publié le 19 Août 2015

Marciac 2015 : Quelques Focus (I)

A Marciac entre le 27 juillet et le 16 août (presque 3 semaines!), plus de 125 groupes ont joué entre l’immense chapiteau dressé sur le stade de rugby, L’Astrada la confortable salle « écrin » de 500 places et le Bis (plusieurs concerts gratuits quotidiens sous les vélums de la place centrale). Plus, aux terrasses des bars et restaurants, un « off » du bis offrant des animations jusqu’à fort tard.

La petite et superbe bastide gersoise de 1300 habitants permanents a accueilli pour son édition 2015 plus de 200 000 festivaliers déambulant dans ses ruelles…

Tous les styles de jazz (ragtime, New-Orleans, mainstream, bebop, free, contemporain, blues, funk, jazz rock…) étaient à l’affiche cette année. Plus, incontournables désormais dans une manifestation d’une telle dimension, les musiques cousines et voisines (Brésil, Cuba, Afrique…).

Les lampions sont éteints depuis dimanche soir…

Quelques focus… Sélection subjective, bien sûr.

 

 

Sous le chapiteau

Kenny Garrett (27/8) en quintet a proposé une « mise en scène » qui lui réussit fort bien depuis quelques années. Les deux premiers tiers du concert sont, pour le dire vite, « coltrano-rollinsien ». Du haut de gamme. Ensuite Garrett propose au public, ravi, de chanter sur des petites mélodies assez simplistes (trois quatre notes répétées en boucle)… Triomphe: 3 longs rappels chaleureux. Premiers rangs envahis : chants et danses…

Chick Corea (29/7) en solo. Superbe entame : mélodies de Broadway transfigurées, une splendide et émouvante version de « Waltz for Debby » de Bill Evans. Puis… Chick a fait chanter la salle… Longtemps. Très longtemps. Ca plait. Beaucoup. « Très beaucoup », comme disent les enfants. Le chapiteau abrite alors une gigantesque chorale pendant presque une demie-heure. Bon… Laissons la parole à Robert Latxague qui a proposé dans Le Jazz Live de notre site jazzmagazine.com du 28 juillet quelques éléments d’analyse du phénomène « chant collectif » dans les concerts de jazz : « Un simple effet de mode ? Un truc tendance version spectacle soft plus que hard ? Une nouvelle manie artistique du live ? Voilà que l’on demande au public de devenir désormais partie prenante du concert. De chanter carrément, mots, phrases, onomatopées: qu’importe le contenant vive le résultat. Le doigt du musicien devient signe imperator déclenchant. Le micro du chanteur bascule vers l’audience. Ladies and gentlemen : Il faut par-ti-ci-per! » .

Jim 2015 a été plusieurs fois « touché » (et… fortement) par ce phénomène.

Stanley Clarke (29/7) a découvert deux jeunes clavieristes prodiges virtuoses du jazz fusion : Beka Gochiashvili (19 ans) et Cameron Graves. Impressionnants ! Mais quand Chick Corea a rejoint son vieux complice pour un bœuf de luxe… il a remis les pendules à l’heure. Return to Forever ?

Shai Maestro (30/7) à la tête de son formidable trio avait invité Avishai Cohen (le trompettiste, pas son ex- « patron »  le contrebassiste, parfait homonyme) et Kurt Rosenwinkel (g). Les 2 guests, des pointures, avaient répété avec le trio des compos originales complexes pendant, seulement, 2 heures dans l’après midi. La fluidité et la légèreté du trio ont un peu souffert de cette trop brève répétition… Mais la musique de Shai reste vraiment séduisante.

Paolo Fresu/Omar Sosa/Trilok Gurtu (toujours le 30/7) : trois coloristes inventifs, complices et spectaculaires qui ont enchanté le public.

Lisa Simone (31/7) nous a surpris. Nous avions, bêtement, un préjugé défavorable à son égard. Je ne l’avais jamais entendu en concert et ne connaissais pas ses enregistrements…

Je pensais qu’on allait nous « vendre » dans une logique commerciale « la »  fille de la grande (et souvent imprévisible) Nina…

Rien de cela : Lisa a son propre style, elle n’évoque pratiquement pas sa mère. Ni dans le choix de son répertoire ni dans ses petits textes de présentation des morceaux. Comme l’a écrit dans le texte du programme officiel Stéphane Ollivier : « Une artiste authentiquement singulière qui au terme d’un parcours chaotique et riche en détours… a finalement trouvé sa voix ». Son trio (g, gb et dr) « métissé, virtuose et organique » est soudé et l’accompagne de manière sensible et pêchue. Sonny Troupé aux « tambours » est un exceptionnel batteur percussionniste au jeu qui fait la synthèse du drumming jazz et du feeling des Caraïbes.

La soirée Jazz Rock (1/08) avec Lee Ritenour/Dave Grusin et Larry Carlton nous a « téléporté » dans les années 70. Sans grandes émotions à dire vrai. La musique de Carlton est vraiment datée… Et le trio qui l’accompagne fort banal.

Longue soirée le 4 août : 3 groupes (Stéphane Kerecki Quartet ; Leyla Mc Calla et Marcus Miller). Le Jazz Live publié le 6 août sur notre site en donne un compte rendu exhaustif. Avec son programme Nouvelle Vague, bardé de prix et récompenses, S.Kerecki (b) a réussi son pari : jouer avec lyrisme, souvent en tempos médium sur (et autour) des mélodies de films mythiques des années 60. Emile Parisien superbe et généreux.

Le
yla Mc Calla (vocal, banjo) : étonnante et inclassable. Sans aucun doute on va beaucoup reparler d’elle désormais. A Vienne déjà, en juillet, elle avait séduit des publics variés (du in et du off…).

Marcus Miller, comme partout cet été, a mis le feu. Concert de presque 3 heures avec un Tutu d’anthologie en rappel. Mino Cinelu (perc) en M.C. plus que tonique a fait chavirer le chapiteau.

Al Di Meola (g) en trio a ouvert la soirée hommage à Paco de Lucia (5/8). Toujours très technique mais, toujours aussi, un peu « froid ». La chaleur est venue avec les compagnons de route de Paco de Lucia avec un programme basé sur les thèmes et climats joués par Paco dans ses ultimes tournées.

Dhafer Youssef (6/8) a étonné les nombreux spectateurs (venus pour la musique africaine, tonitruante et répétitive des Ambassadeurs avec Salif Keita) qui ne le connaissaient pas. Oudiste et vocaliste virtuose, il a su trouver un réglage optimal (puissant et clair) pour l’amplification de son oud, instrument au son, plutôt confidentiel, lorsqu’il est joué en acoustique.

Jan Garbarek (ss) rarement entendu dans le Sud Ouest a triomphé. Trilok Gurtu (perc) avec son « set » incroyable (une batterie jazz type à la palette sonore enrichie par des percussions orientales) a contribué largement au succès de son leader avec un solo plus que surprenant (euphémisme!).

Pour la première soirée New Orleans (8/8) le Preservation Hall Jazz Band dans l’esprit des fanfares de « là-bas » a transformé le public en une « second line » gesticulante et ravie. Tous les musiciens sont des « entertainers » hors-pair. Et le tromboniste a multiplié les effets « tailgate » pour la plus grande joie de ceux qui aiment, avec un enthousiasme démonstratif, ce qu’ils considèrent comme le seul « vrai » jazz, entraînant et festif…

Wynton Marsalis (25ème année de présence à l’affiche de JIM), en septet, a enchainé avec un superbe hommage au jazz des débuts à la NO. Pour être pleinement dans l’esprit des années 20 tout l’orchestre, leader compris, a débuté en jouant assis (cf les nombreuses photos de cette époque qui témoignent de cette disposition scénique).

L’exceptionnelle soirée du 9 août a été chroniquée sur Le Jazz Live publié le 11 août : Carte Blanche à Emile Parisien et Archie Shepp avec le projet Attica Blues Big Band.

Quelques compléments succints.

Archie Shepp n’était jamais venu à Marciac… « Rattrapage » pleinement réussi.

Emile Parisien était en résidence fin mai à l’Astrada (voir Le Jazz Live du 3  juin). Pour JIM il avait ajouté deux invités à son nouveau quintet : Vincent Peirani et Michel Portal. Concert superbe, surprenant et mai?trise? de bout en bout en une sorte de synthe?se totale de l’ « esprit » Marciac.

Ancien e?le?ve du Colle?ge, Emile est devenu depuis quelques anne?es une star du jazz europe?en cre?atif. Pour Marciac 2015 il avait construit un septet transge?ne?rationnel de re?ve : deux monuments du jazz, Michel Portal (80 ans), Joachim Ku?hn (72…), plus des complices nouveaux ou habituels (trentenaires et quadrage?naires tous en pleine ascension). Incroyable casting qu’Emile a su fe?de?rer en une fascinante synergie gagnante. Re?pertoire assez side?rant: 3 the?mes de Sidney Bechet (!), des morceaux e?crits par Emile et son compe?re Peirani, une compo de Portal (Cuba Si, Cuba No), plusieurs de Ku?hn (dont un «Transmitting» au titre qui dit tout… ce fut bien une soire?e de transmission). Standing ovation finale. Grande e?motion aussi pour tous les anciens ou nouveaux amoureux de JIM. Une belle image (qui « parle »…) : Emile (33 ans…) montrant du doigt la partition de son arrangement à Michel Portal (80!) qui avait semble t-il, très momentanément, perdu le fil. Sourires complices et réciproques…

Retour à la Nouvelle Orléans (le 10/10) avec un programme copieux : « New Orleans Groove Masters », « Rags, Stride and Stomps » plus… Wynton Marsalis en sextet. Découverte d’un petit prodige Joey Alexander (13 ans) qui n’ânonne pas des ragtimes éculés mais qui joue déjà les standards avec émotion et inventivité (superbe Round Midnight). Aux Etats Unis cet adolescent timide et gauche est déjà surbooké et obtient là-bas, m’a dit son booker français, des cachets très élevés. Invité par Wynton il ne s’est pas dégonflé et a joué à un haut niveau avec le sextet. Après 4 rappels Wynton, infatigable, a terminé, à plus de deux heures du matin : passion et érudition, il a incarné « au plus intime l’âme créole et syncrétique » (S. Ollivier) de La Nouvelle Orléans.


Comme toujours les musiques voisines et cousines (Brésil, Cuba, Funk…) ont obtenu l’adhésion enthousiaste, fervente et zélée de leurs indéfectibles fans.


Belle édition 2015 au final, « entachée » par quelques contretemps, difficultés et « problèmes », certains pour le moins étranges, pour le dire vite…

1 – Quelques journées gâchées par de forts orages.

2 – Une baisse sensible, semble t-il, cette année du nombre d’entrées par rapport à l’année 2014 qui fut exceptionnelle en termes de billetterie. En 2015 les entrées semblent avoir retrouvé leur étiage des années d’avant 2014. Cette baisse des entrées en 2015 a d’ailleurs touché beaucoup de grands festivals de jazz (Jazz à Vienne a connu le même problème). L’équilibre financier global de JIM 2015 ne semble pas compr

omis. Le bilan définitif va être dressé très vite par le trésorier de l’association Jazz in Marciac.

Et enfin,

3 – Suite à la publication d’un rapport de la Cour Régionale des Comptes tout à fait « ordinaire » assorti de recommandations finalement relativement « banales » et dans tous les cas pas du tout « punitives », La Dépêche du Midi (pourtant partenaire officiel de JIM depuis fort longtemps) a publié sous la plume d’un journaliste « inconnu au bataillon » (E.Marquez… de toute évidence un pseudonyme), deux articles au vitriol, farcis de « contre-vérités » flagrantes et d’allusions malveillantes . Titres de ces deux « articles » : «  Gare à la crise de la quarantaine pour le Festival » (02/08) et « Quand le Festival de Marciac est victime de ses ambitions » (14/08). Tout çà sur fond de coups bas dans le cadre de la préparation des régionales et de susceptibilité maladive d’un haut dirigeant de ce journal qui n’avait pas été placé au premier rang lors de la visite marciacaise du Premier Ministre ! Pas joli joli tout çà…

Mais son fondateur et Président Jean-Louis Guilhaumon l’a proclamé haut et fort à plusieurs reprises à la fin du festival: « JIM continuera ». Dont acte.

Pierre-Henri Ardonceau


Pour en savoir plus sur ce « fameux » Rapport de la Cour Régionale des Comptes, qui a fait beaucoup causer (alors que peu de gens l’ont consulté!) voir Synthèse des observations et Recommandations de la Cour régionale des Comptes ainsi que la réponse très précise du Président de l’Association Jazz In Marciac ici :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Association-Jazz-in-Marciac-Marciac-Gers-Rapport-d-observations-definitives

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A Marciac entre le 27 juillet et le 16 août (presque 3 semaines!), plus de 125 groupes ont joué entre l’immense chapiteau dressé sur le stade de rugby, L’Astrada la confortable salle « écrin » de 500 places et le Bis (plusieurs concerts gratuits quotidiens sous les vélums de la place centrale). Plus, aux terrasses des bars et restaurants, un « off » du bis offrant des animations jusqu’à fort tard.

La petite et superbe bastide gersoise de 1300 habitants permanents a accueilli pour son édition 2015 plus de 200 000 festivaliers déambulant dans ses ruelles…

Tous les styles de jazz (ragtime, New-Orleans, mainstream, bebop, free, contemporain, blues, funk, jazz rock…) étaient à l’affiche cette année. Plus, incontournables désormais dans une manifestation d’une telle dimension, les musiques cousines et voisines (Brésil, Cuba, Afrique…).

Les lampions sont éteints depuis dimanche soir…

Quelques focus… Sélection subjective, bien sûr.

 

 

Sous le chapiteau

Kenny Garrett (27/8) en quintet a proposé une « mise en scène » qui lui réussit fort bien depuis quelques années. Les deux premiers tiers du concert sont, pour le dire vite, « coltrano-rollinsien ». Du haut de gamme. Ensuite Garrett propose au public, ravi, de chanter sur des petites mélodies assez simplistes (trois quatre notes répétées en boucle)… Triomphe: 3 longs rappels chaleureux. Premiers rangs envahis : chants et danses…

Chick Corea (29/7) en solo. Superbe entame : mélodies de Broadway transfigurées, une splendide et émouvante version de « Waltz for Debby » de Bill Evans. Puis… Chick a fait chanter la salle… Longtemps. Très longtemps. Ca plait. Beaucoup. « Très beaucoup », comme disent les enfants. Le chapiteau abrite alors une gigantesque chorale pendant presque une demie-heure. Bon… Laissons la parole à Robert Latxague qui a proposé dans Le Jazz Live de notre site jazzmagazine.com du 28 juillet quelques éléments d’analyse du phénomène « chant collectif » dans les concerts de jazz : « Un simple effet de mode ? Un truc tendance version spectacle soft plus que hard ? Une nouvelle manie artistique du live ? Voilà que l’on demande au public de devenir désormais partie prenante du concert. De chanter carrément, mots, phrases, onomatopées: qu’importe le contenant vive le résultat. Le doigt du musicien devient signe imperator déclenchant. Le micro du chanteur bascule vers l’audience. Ladies and gentlemen : Il faut par-ti-ci-per! » .

Jim 2015 a été plusieurs fois « touché » (et… fortement) par ce phénomène.

Stanley Clarke (29/7) a découvert deux jeunes clavieristes prodiges virtuoses du jazz fusion : Beka Gochiashvili (19 ans) et Cameron Graves. Impressionnants ! Mais quand Chick Corea a rejoint son vieux complice pour un bœuf de luxe… il a remis les pendules à l’heure. Return to Forever ?

Shai Maestro (30/7) à la tête de son formidable trio avait invité Avishai Cohen (le trompettiste, pas son ex- « patron »  le contrebassiste, parfait homonyme) et Kurt Rosenwinkel (g). Les 2 guests, des pointures, avaient répété avec le trio des compos originales complexes pendant, seulement, 2 heures dans l’après midi. La fluidité et la légèreté du trio ont un peu souffert de cette trop brève répétition… Mais la musique de Shai reste vraiment séduisante.

Paolo Fresu/Omar Sosa/Trilok Gurtu (toujours le 30/7) : trois coloristes inventifs, complices et spectaculaires qui ont enchanté le public.

Lisa Simone (31/7) nous a surpris. Nous avions, bêtement, un préjugé défavorable à son égard. Je ne l’avais jamais entendu en concert et ne connaissais pas ses enregistrements…

Je pensais qu’on allait nous « vendre » dans une logique commerciale « la »  fille de la grande (et souvent imprévisible) Nina…

Rien de cela : Lisa a son propre style, elle n’évoque pratiquement pas sa mère. Ni dans le choix de son répertoire ni dans ses petits textes de présentation des morceaux. Comme l’a écrit dans le texte du programme officiel Stéphane Ollivier : « Une artiste authentiquement singulière qui au terme d’un parcours chaotique et riche en détours… a finalement trouvé sa voix ». Son trio (g, gb et dr) « métissé, virtuose et organique » est soudé et l’accompagne de manière sensible et pêchue. Sonny Troupé aux « tambours » est un exceptionnel batteur percussionniste au jeu qui fait la synthèse du drumming jazz et du feeling des Caraïbes.

La soirée Jazz Rock (1/08) avec Lee Ritenour/Dave Grusin et Larry Carlton nous a « téléporté » dans les années 70. Sans grandes émotions à dire vrai. La musique de Carlton est vraiment datée… Et le trio qui l’accompagne fort banal.

Longue soirée le 4 août : 3 groupes (Stéphane Kerecki Quartet ; Leyla Mc Calla et Marcus Miller). Le Jazz Live publié le 6 août sur notre site en donne un compte rendu exhaustif. Avec son programme Nouvelle Vague, bardé de prix et récompenses, S.Kerecki (b) a réussi son pari : jouer avec lyrisme, souvent en tempos médium sur (et autour) des mélodies de films mythiques des années 60. Emile Parisien superbe et généreux.

Le
yla Mc Calla (vocal, banjo) : étonnante et inclassable. Sans aucun doute on va beaucoup reparler d’elle désormais. A Vienne déjà, en juillet, elle avait séduit des publics variés (du in et du off…).

Marcus Miller, comme partout cet été, a mis le feu. Concert de presque 3 heures avec un Tutu d’anthologie en rappel. Mino Cinelu (perc) en M.C. plus que tonique a fait chavirer le chapiteau.

Al Di Meola (g) en trio a ouvert la soirée hommage à Paco de Lucia (5/8). Toujours très technique mais, toujours aussi, un peu « froid ». La chaleur est venue avec les compagnons de route de Paco de Lucia avec un programme basé sur les thèmes et climats joués par Paco dans ses ultimes tournées.

Dhafer Youssef (6/8) a étonné les nombreux spectateurs (venus pour la musique africaine, tonitruante et répétitive des Ambassadeurs avec Salif Keita) qui ne le connaissaient pas. Oudiste et vocaliste virtuose, il a su trouver un réglage optimal (puissant et clair) pour l’amplification de son oud, instrument au son, plutôt confidentiel, lorsqu’il est joué en acoustique.

Jan Garbarek (ss) rarement entendu dans le Sud Ouest a triomphé. Trilok Gurtu (perc) avec son « set » incroyable (une batterie jazz type à la palette sonore enrichie par des percussions orientales) a contribué largement au succès de son leader avec un solo plus que surprenant (euphémisme!).

Pour la première soirée New Orleans (8/8) le Preservation Hall Jazz Band dans l’esprit des fanfares de « là-bas » a transformé le public en une « second line » gesticulante et ravie. Tous les musiciens sont des « entertainers » hors-pair. Et le tromboniste a multiplié les effets « tailgate » pour la plus grande joie de ceux qui aiment, avec un enthousiasme démonstratif, ce qu’ils considèrent comme le seul « vrai » jazz, entraînant et festif…

Wynton Marsalis (25ème année de présence à l’affiche de JIM), en septet, a enchainé avec un superbe hommage au jazz des débuts à la NO. Pour être pleinement dans l’esprit des années 20 tout l’orchestre, leader compris, a débuté en jouant assis (cf les nombreuses photos de cette époque qui témoignent de cette disposition scénique).

L’exceptionnelle soirée du 9 août a été chroniquée sur Le Jazz Live publié le 11 août : Carte Blanche à Emile Parisien et Archie Shepp avec le projet Attica Blues Big Band.

Quelques compléments succints.

Archie Shepp n’était jamais venu à Marciac… « Rattrapage » pleinement réussi.

Emile Parisien était en résidence fin mai à l’Astrada (voir Le Jazz Live du 3  juin). Pour JIM il avait ajouté deux invités à son nouveau quintet : Vincent Peirani et Michel Portal. Concert superbe, surprenant et mai?trise? de bout en bout en une sorte de synthe?se totale de l’ « esprit » Marciac.

Ancien e?le?ve du Colle?ge, Emile est devenu depuis quelques anne?es une star du jazz europe?en cre?atif. Pour Marciac 2015 il avait construit un septet transge?ne?rationnel de re?ve : deux monuments du jazz, Michel Portal (80 ans), Joachim Ku?hn (72…), plus des complices nouveaux ou habituels (trentenaires et quadrage?naires tous en pleine ascension). Incroyable casting qu’Emile a su fe?de?rer en une fascinante synergie gagnante. Re?pertoire assez side?rant: 3 the?mes de Sidney Bechet (!), des morceaux e?crits par Emile et son compe?re Peirani, une compo de Portal (Cuba Si, Cuba No), plusieurs de Ku?hn (dont un «Transmitting» au titre qui dit tout… ce fut bien une soire?e de transmission). Standing ovation finale. Grande e?motion aussi pour tous les anciens ou nouveaux amoureux de JIM. Une belle image (qui « parle »…) : Emile (33 ans…) montrant du doigt la partition de son arrangement à Michel Portal (80!) qui avait semble t-il, très momentanément, perdu le fil. Sourires complices et réciproques…

Retour à la Nouvelle Orléans (le 10/10) avec un programme copieux : « New Orleans Groove Masters », « Rags, Stride and Stomps » plus… Wynton Marsalis en sextet. Découverte d’un petit prodige Joey Alexander (13 ans) qui n’ânonne pas des ragtimes éculés mais qui joue déjà les standards avec émotion et inventivité (superbe Round Midnight). Aux Etats Unis cet adolescent timide et gauche est déjà surbooké et obtient là-bas, m’a dit son booker français, des cachets très élevés. Invité par Wynton il ne s’est pas dégonflé et a joué à un haut niveau avec le sextet. Après 4 rappels Wynton, infatigable, a terminé, à plus de deux heures du matin : passion et érudition, il a incarné « au plus intime l’âme créole et syncrétique » (S. Ollivier) de La Nouvelle Orléans.


Comme toujours les musiques voisines et cousines (Brésil, Cuba, Funk…) ont obtenu l’adhésion enthousiaste, fervente et zélée de leurs indéfectibles fans.


Belle édition 2015 au final, « entachée » par quelques contretemps, difficultés et « problèmes », certains pour le moins étranges, pour le dire vite…

1 – Quelques journées gâchées par de forts orages.

2 – Une baisse sensible, semble t-il, cette année du nombre d’entrées par rapport à l’année 2014 qui fut exceptionnelle en termes de billetterie. En 2015 les entrées semblent avoir retrouvé leur étiage des années d’avant 2014. Cette baisse des entrées en 2015 a d’ailleurs touché beaucoup de grands festivals de jazz (Jazz à Vienne a connu le même problème). L’équilibre financier global de JIM 2015 ne semble pas compr

omis. Le bilan définitif va être dressé très vite par le trésorier de l’association Jazz in Marciac.

Et enfin,

3 – Suite à la publication d’un rapport de la Cour Régionale des Comptes tout à fait « ordinaire » assorti de recommandations finalement relativement « banales » et dans tous les cas pas du tout « punitives », La Dépêche du Midi (pourtant partenaire officiel de JIM depuis fort longtemps) a publié sous la plume d’un journaliste « inconnu au bataillon » (E.Marquez… de toute évidence un pseudonyme), deux articles au vitriol, farcis de « contre-vérités » flagrantes et d’allusions malveillantes . Titres de ces deux « articles » : «  Gare à la crise de la quarantaine pour le Festival » (02/08) et « Quand le Festival de Marciac est victime de ses ambitions » (14/08). Tout çà sur fond de coups bas dans le cadre de la préparation des régionales et de susceptibilité maladive d’un haut dirigeant de ce journal qui n’avait pas été placé au premier rang lors de la visite marciacaise du Premier Ministre ! Pas joli joli tout çà…

Mais son fondateur et Président Jean-Louis Guilhaumon l’a proclamé haut et fort à plusieurs reprises à la fin du festival: « JIM continuera ». Dont acte.

Pierre-Henri Ardonceau


Pour en savoir plus sur ce « fameux » Rapport de la Cour Régionale des Comptes, qui a fait beaucoup causer (alors que peu de gens l’ont consulté!) voir Synthèse des observations et Recommandations de la Cour régionale des Comptes ainsi que la réponse très précise du Président de l’Association Jazz In Marciac ici :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Association-Jazz-in-Marciac-Marciac-Gers-Rapport-d-observations-definitives

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A Marciac entre le 27 juillet et le 16 août (presque 3 semaines!), plus de 125 groupes ont joué entre l’immense chapiteau dressé sur le stade de rugby, L’Astrada la confortable salle « écrin » de 500 places et le Bis (plusieurs concerts gratuits quotidiens sous les vélums de la place centrale). Plus, aux terrasses des bars et restaurants, un « off » du bis offrant des animations jusqu’à fort tard.

La petite et superbe bastide gersoise de 1300 habitants permanents a accueilli pour son édition 2015 plus de 200 000 festivaliers déambulant dans ses ruelles…

Tous les styles de jazz (ragtime, New-Orleans, mainstream, bebop, free, contemporain, blues, funk, jazz rock…) étaient à l’affiche cette année. Plus, incontournables désormais dans une manifestation d’une telle dimension, les musiques cousines et voisines (Brésil, Cuba, Afrique…).

Les lampions sont éteints depuis dimanche soir…

Quelques focus… Sélection subjective, bien sûr.

 

 

Sous le chapiteau

Kenny Garrett (27/8) en quintet a proposé une « mise en scène » qui lui réussit fort bien depuis quelques années. Les deux premiers tiers du concert sont, pour le dire vite, « coltrano-rollinsien ». Du haut de gamme. Ensuite Garrett propose au public, ravi, de chanter sur des petites mélodies assez simplistes (trois quatre notes répétées en boucle)… Triomphe: 3 longs rappels chaleureux. Premiers rangs envahis : chants et danses…

Chick Corea (29/7) en solo. Superbe entame : mélodies de Broadway transfigurées, une splendide et émouvante version de « Waltz for Debby » de Bill Evans. Puis… Chick a fait chanter la salle… Longtemps. Très longtemps. Ca plait. Beaucoup. « Très beaucoup », comme disent les enfants. Le chapiteau abrite alors une gigantesque chorale pendant presque une demie-heure. Bon… Laissons la parole à Robert Latxague qui a proposé dans Le Jazz Live de notre site jazzmagazine.com du 28 juillet quelques éléments d’analyse du phénomène « chant collectif » dans les concerts de jazz : « Un simple effet de mode ? Un truc tendance version spectacle soft plus que hard ? Une nouvelle manie artistique du live ? Voilà que l’on demande au public de devenir désormais partie prenante du concert. De chanter carrément, mots, phrases, onomatopées: qu’importe le contenant vive le résultat. Le doigt du musicien devient signe imperator déclenchant. Le micro du chanteur bascule vers l’audience. Ladies and gentlemen : Il faut par-ti-ci-per! » .

Jim 2015 a été plusieurs fois « touché » (et… fortement) par ce phénomène.

Stanley Clarke (29/7) a découvert deux jeunes clavieristes prodiges virtuoses du jazz fusion : Beka Gochiashvili (19 ans) et Cameron Graves. Impressionnants ! Mais quand Chick Corea a rejoint son vieux complice pour un bœuf de luxe… il a remis les pendules à l’heure. Return to Forever ?

Shai Maestro (30/7) à la tête de son formidable trio avait invité Avishai Cohen (le trompettiste, pas son ex- « patron »  le contrebassiste, parfait homonyme) et Kurt Rosenwinkel (g). Les 2 guests, des pointures, avaient répété avec le trio des compos originales complexes pendant, seulement, 2 heures dans l’après midi. La fluidité et la légèreté du trio ont un peu souffert de cette trop brève répétition… Mais la musique de Shai reste vraiment séduisante.

Paolo Fresu/Omar Sosa/Trilok Gurtu (toujours le 30/7) : trois coloristes inventifs, complices et spectaculaires qui ont enchanté le public.

Lisa Simone (31/7) nous a surpris. Nous avions, bêtement, un préjugé défavorable à son égard. Je ne l’avais jamais entendu en concert et ne connaissais pas ses enregistrements…

Je pensais qu’on allait nous « vendre » dans une logique commerciale « la »  fille de la grande (et souvent imprévisible) Nina…

Rien de cela : Lisa a son propre style, elle n’évoque pratiquement pas sa mère. Ni dans le choix de son répertoire ni dans ses petits textes de présentation des morceaux. Comme l’a écrit dans le texte du programme officiel Stéphane Ollivier : « Une artiste authentiquement singulière qui au terme d’un parcours chaotique et riche en détours… a finalement trouvé sa voix ». Son trio (g, gb et dr) « métissé, virtuose et organique » est soudé et l’accompagne de manière sensible et pêchue. Sonny Troupé aux « tambours » est un exceptionnel batteur percussionniste au jeu qui fait la synthèse du drumming jazz et du feeling des Caraïbes.

La soirée Jazz Rock (1/08) avec Lee Ritenour/Dave Grusin et Larry Carlton nous a « téléporté » dans les années 70. Sans grandes émotions à dire vrai. La musique de Carlton est vraiment datée… Et le trio qui l’accompagne fort banal.

Longue soirée le 4 août : 3 groupes (Stéphane Kerecki Quartet ; Leyla Mc Calla et Marcus Miller). Le Jazz Live publié le 6 août sur notre site en donne un compte rendu exhaustif. Avec son programme Nouvelle Vague, bardé de prix et récompenses, S.Kerecki (b) a réussi son pari : jouer avec lyrisme, souvent en tempos médium sur (et autour) des mélodies de films mythiques des années 60. Emile Parisien superbe et généreux.

Le
yla Mc Calla (vocal, banjo) : étonnante et inclassable. Sans aucun doute on va beaucoup reparler d’elle désormais. A Vienne déjà, en juillet, elle avait séduit des publics variés (du in et du off…).

Marcus Miller, comme partout cet été, a mis le feu. Concert de presque 3 heures avec un Tutu d’anthologie en rappel. Mino Cinelu (perc) en M.C. plus que tonique a fait chavirer le chapiteau.

Al Di Meola (g) en trio a ouvert la soirée hommage à Paco de Lucia (5/8). Toujours très technique mais, toujours aussi, un peu « froid ». La chaleur est venue avec les compagnons de route de Paco de Lucia avec un programme basé sur les thèmes et climats joués par Paco dans ses ultimes tournées.

Dhafer Youssef (6/8) a étonné les nombreux spectateurs (venus pour la musique africaine, tonitruante et répétitive des Ambassadeurs avec Salif Keita) qui ne le connaissaient pas. Oudiste et vocaliste virtuose, il a su trouver un réglage optimal (puissant et clair) pour l’amplification de son oud, instrument au son, plutôt confidentiel, lorsqu’il est joué en acoustique.

Jan Garbarek (ss) rarement entendu dans le Sud Ouest a triomphé. Trilok Gurtu (perc) avec son « set » incroyable (une batterie jazz type à la palette sonore enrichie par des percussions orientales) a contribué largement au succès de son leader avec un solo plus que surprenant (euphémisme!).

Pour la première soirée New Orleans (8/8) le Preservation Hall Jazz Band dans l’esprit des fanfares de « là-bas » a transformé le public en une « second line » gesticulante et ravie. Tous les musiciens sont des « entertainers » hors-pair. Et le tromboniste a multiplié les effets « tailgate » pour la plus grande joie de ceux qui aiment, avec un enthousiasme démonstratif, ce qu’ils considèrent comme le seul « vrai » jazz, entraînant et festif…

Wynton Marsalis (25ème année de présence à l’affiche de JIM), en septet, a enchainé avec un superbe hommage au jazz des débuts à la NO. Pour être pleinement dans l’esprit des années 20 tout l’orchestre, leader compris, a débuté en jouant assis (cf les nombreuses photos de cette époque qui témoignent de cette disposition scénique).

L’exceptionnelle soirée du 9 août a été chroniquée sur Le Jazz Live publié le 11 août : Carte Blanche à Emile Parisien et Archie Shepp avec le projet Attica Blues Big Band.

Quelques compléments succints.

Archie Shepp n’était jamais venu à Marciac… « Rattrapage » pleinement réussi.

Emile Parisien était en résidence fin mai à l’Astrada (voir Le Jazz Live du 3  juin). Pour JIM il avait ajouté deux invités à son nouveau quintet : Vincent Peirani et Michel Portal. Concert superbe, surprenant et mai?trise? de bout en bout en une sorte de synthe?se totale de l’ « esprit » Marciac.

Ancien e?le?ve du Colle?ge, Emile est devenu depuis quelques anne?es une star du jazz europe?en cre?atif. Pour Marciac 2015 il avait construit un septet transge?ne?rationnel de re?ve : deux monuments du jazz, Michel Portal (80 ans), Joachim Ku?hn (72…), plus des complices nouveaux ou habituels (trentenaires et quadrage?naires tous en pleine ascension). Incroyable casting qu’Emile a su fe?de?rer en une fascinante synergie gagnante. Re?pertoire assez side?rant: 3 the?mes de Sidney Bechet (!), des morceaux e?crits par Emile et son compe?re Peirani, une compo de Portal (Cuba Si, Cuba No), plusieurs de Ku?hn (dont un «Transmitting» au titre qui dit tout… ce fut bien une soire?e de transmission). Standing ovation finale. Grande e?motion aussi pour tous les anciens ou nouveaux amoureux de JIM. Une belle image (qui « parle »…) : Emile (33 ans…) montrant du doigt la partition de son arrangement à Michel Portal (80!) qui avait semble t-il, très momentanément, perdu le fil. Sourires complices et réciproques…

Retour à la Nouvelle Orléans (le 10/10) avec un programme copieux : « New Orleans Groove Masters », « Rags, Stride and Stomps » plus… Wynton Marsalis en sextet. Découverte d’un petit prodige Joey Alexander (13 ans) qui n’ânonne pas des ragtimes éculés mais qui joue déjà les standards avec émotion et inventivité (superbe Round Midnight). Aux Etats Unis cet adolescent timide et gauche est déjà surbooké et obtient là-bas, m’a dit son booker français, des cachets très élevés. Invité par Wynton il ne s’est pas dégonflé et a joué à un haut niveau avec le sextet. Après 4 rappels Wynton, infatigable, a terminé, à plus de deux heures du matin : passion et érudition, il a incarné « au plus intime l’âme créole et syncrétique » (S. Ollivier) de La Nouvelle Orléans.


Comme toujours les musiques voisines et cousines (Brésil, Cuba, Funk…) ont obtenu l’adhésion enthousiaste, fervente et zélée de leurs indéfectibles fans.


Belle édition 2015 au final, « entachée » par quelques contretemps, difficultés et « problèmes », certains pour le moins étranges, pour le dire vite…

1 – Quelques journées gâchées par de forts orages.

2 – Une baisse sensible, semble t-il, cette année du nombre d’entrées par rapport à l’année 2014 qui fut exceptionnelle en termes de billetterie. En 2015 les entrées semblent avoir retrouvé leur étiage des années d’avant 2014. Cette baisse des entrées en 2015 a d’ailleurs touché beaucoup de grands festivals de jazz (Jazz à Vienne a connu le même problème). L’équilibre financier global de JIM 2015 ne semble pas compr

omis. Le bilan définitif va être dressé très vite par le trésorier de l’association Jazz in Marciac.

Et enfin,

3 – Suite à la publication d’un rapport de la Cour Régionale des Comptes tout à fait « ordinaire » assorti de recommandations finalement relativement « banales » et dans tous les cas pas du tout « punitives », La Dépêche du Midi (pourtant partenaire officiel de JIM depuis fort longtemps) a publié sous la plume d’un journaliste « inconnu au bataillon » (E.Marquez… de toute évidence un pseudonyme), deux articles au vitriol, farcis de « contre-vérités » flagrantes et d’allusions malveillantes . Titres de ces deux « articles » : «  Gare à la crise de la quarantaine pour le Festival » (02/08) et « Quand le Festival de Marciac est victime de ses ambitions » (14/08). Tout çà sur fond de coups bas dans le cadre de la préparation des régionales et de susceptibilité maladive d’un haut dirigeant de ce journal qui n’avait pas été placé au premier rang lors de la visite marciacaise du Premier Ministre ! Pas joli joli tout çà…

Mais son fondateur et Président Jean-Louis Guilhaumon l’a proclamé haut et fort à plusieurs reprises à la fin du festival: « JIM continuera ». Dont acte.

Pierre-Henri Ardonceau


Pour en savoir plus sur ce « fameux » Rapport de la Cour Régionale des Comptes, qui a fait beaucoup causer (alors que peu de gens l’ont consulté!) voir Synthèse des observations et Recommandations de la Cour régionale des Comptes ainsi que la réponse très précise du Président de l’Association Jazz In Marciac ici :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Association-Jazz-in-Marciac-Marciac-Gers-Rapport-d-observations-definitives

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A Marciac entre le 27 juillet et le 16 août (presque 3 semaines!), plus de 125 groupes ont joué entre l’immense chapiteau dressé sur le stade de rugby, L’Astrada la confortable salle « écrin » de 500 places et le Bis (plusieurs concerts gratuits quotidiens sous les vélums de la place centrale). Plus, aux terrasses des bars et restaurants, un « off » du bis offrant des animations jusqu’à fort tard.

La petite et superbe bastide gersoise de 1300 habitants permanents a accueilli pour son édition 2015 plus de 200 000 festivaliers déambulant dans ses ruelles…

Tous les styles de jazz (ragtime, New-Orleans, mainstream, bebop, free, contemporain, blues, funk, jazz rock…) étaient à l’affiche cette année. Plus, incontournables désormais dans une manifestation d’une telle dimension, les musiques cousines et voisines (Brésil, Cuba, Afrique…).

Les lampions sont éteints depuis dimanche soir…

Quelques focus… Sélection subjective, bien sûr.

 

 

Sous le chapiteau

Kenny Garrett (27/8) en quintet a proposé une « mise en scène » qui lui réussit fort bien depuis quelques années. Les deux premiers tiers du concert sont, pour le dire vite, « coltrano-rollinsien ». Du haut de gamme. Ensuite Garrett propose au public, ravi, de chanter sur des petites mélodies assez simplistes (trois quatre notes répétées en boucle)… Triomphe: 3 longs rappels chaleureux. Premiers rangs envahis : chants et danses…

Chick Corea (29/7) en solo. Superbe entame : mélodies de Broadway transfigurées, une splendide et émouvante version de « Waltz for Debby » de Bill Evans. Puis… Chick a fait chanter la salle… Longtemps. Très longtemps. Ca plait. Beaucoup. « Très beaucoup », comme disent les enfants. Le chapiteau abrite alors une gigantesque chorale pendant presque une demie-heure. Bon… Laissons la parole à Robert Latxague qui a proposé dans Le Jazz Live de notre site jazzmagazine.com du 28 juillet quelques éléments d’analyse du phénomène « chant collectif » dans les concerts de jazz : « Un simple effet de mode ? Un truc tendance version spectacle soft plus que hard ? Une nouvelle manie artistique du live ? Voilà que l’on demande au public de devenir désormais partie prenante du concert. De chanter carrément, mots, phrases, onomatopées: qu’importe le contenant vive le résultat. Le doigt du musicien devient signe imperator déclenchant. Le micro du chanteur bascule vers l’audience. Ladies and gentlemen : Il faut par-ti-ci-per! » .

Jim 2015 a été plusieurs fois « touché » (et… fortement) par ce phénomène.

Stanley Clarke (29/7) a découvert deux jeunes clavieristes prodiges virtuoses du jazz fusion : Beka Gochiashvili (19 ans) et Cameron Graves. Impressionnants ! Mais quand Chick Corea a rejoint son vieux complice pour un bœuf de luxe… il a remis les pendules à l’heure. Return to Forever ?

Shai Maestro (30/7) à la tête de son formidable trio avait invité Avishai Cohen (le trompettiste, pas son ex- « patron »  le contrebassiste, parfait homonyme) et Kurt Rosenwinkel (g). Les 2 guests, des pointures, avaient répété avec le trio des compos originales complexes pendant, seulement, 2 heures dans l’après midi. La fluidité et la légèreté du trio ont un peu souffert de cette trop brève répétition… Mais la musique de Shai reste vraiment séduisante.

Paolo Fresu/Omar Sosa/Trilok Gurtu (toujours le 30/7) : trois coloristes inventifs, complices et spectaculaires qui ont enchanté le public.

Lisa Simone (31/7) nous a surpris. Nous avions, bêtement, un préjugé défavorable à son égard. Je ne l’avais jamais entendu en concert et ne connaissais pas ses enregistrements…

Je pensais qu’on allait nous « vendre » dans une logique commerciale « la »  fille de la grande (et souvent imprévisible) Nina…

Rien de cela : Lisa a son propre style, elle n’évoque pratiquement pas sa mère. Ni dans le choix de son répertoire ni dans ses petits textes de présentation des morceaux. Comme l’a écrit dans le texte du programme officiel Stéphane Ollivier : « Une artiste authentiquement singulière qui au terme d’un parcours chaotique et riche en détours… a finalement trouvé sa voix ». Son trio (g, gb et dr) « métissé, virtuose et organique » est soudé et l’accompagne de manière sensible et pêchue. Sonny Troupé aux « tambours » est un exceptionnel batteur percussionniste au jeu qui fait la synthèse du drumming jazz et du feeling des Caraïbes.

La soirée Jazz Rock (1/08) avec Lee Ritenour/Dave Grusin et Larry Carlton nous a « téléporté » dans les années 70. Sans grandes émotions à dire vrai. La musique de Carlton est vraiment datée… Et le trio qui l’accompagne fort banal.

Longue soirée le 4 août : 3 groupes (Stéphane Kerecki Quartet ; Leyla Mc Calla et Marcus Miller). Le Jazz Live publié le 6 août sur notre site en donne un compte rendu exhaustif. Avec son programme Nouvelle Vague, bardé de prix et récompenses, S.Kerecki (b) a réussi son pari : jouer avec lyrisme, souvent en tempos médium sur (et autour) des mélodies de films mythiques des années 60. Emile Parisien superbe et généreux.

Le
yla Mc Calla (vocal, banjo) : étonnante et inclassable. Sans aucun doute on va beaucoup reparler d’elle désormais. A Vienne déjà, en juillet, elle avait séduit des publics variés (du in et du off…).

Marcus Miller, comme partout cet été, a mis le feu. Concert de presque 3 heures avec un Tutu d’anthologie en rappel. Mino Cinelu (perc) en M.C. plus que tonique a fait chavirer le chapiteau.

Al Di Meola (g) en trio a ouvert la soirée hommage à Paco de Lucia (5/8). Toujours très technique mais, toujours aussi, un peu « froid ». La chaleur est venue avec les compagnons de route de Paco de Lucia avec un programme basé sur les thèmes et climats joués par Paco dans ses ultimes tournées.

Dhafer Youssef (6/8) a étonné les nombreux spectateurs (venus pour la musique africaine, tonitruante et répétitive des Ambassadeurs avec Salif Keita) qui ne le connaissaient pas. Oudiste et vocaliste virtuose, il a su trouver un réglage optimal (puissant et clair) pour l’amplification de son oud, instrument au son, plutôt confidentiel, lorsqu’il est joué en acoustique.

Jan Garbarek (ss) rarement entendu dans le Sud Ouest a triomphé. Trilok Gurtu (perc) avec son « set » incroyable (une batterie jazz type à la palette sonore enrichie par des percussions orientales) a contribué largement au succès de son leader avec un solo plus que surprenant (euphémisme!).

Pour la première soirée New Orleans (8/8) le Preservation Hall Jazz Band dans l’esprit des fanfares de « là-bas » a transformé le public en une « second line » gesticulante et ravie. Tous les musiciens sont des « entertainers » hors-pair. Et le tromboniste a multiplié les effets « tailgate » pour la plus grande joie de ceux qui aiment, avec un enthousiasme démonstratif, ce qu’ils considèrent comme le seul « vrai » jazz, entraînant et festif…

Wynton Marsalis (25ème année de présence à l’affiche de JIM), en septet, a enchainé avec un superbe hommage au jazz des débuts à la NO. Pour être pleinement dans l’esprit des années 20 tout l’orchestre, leader compris, a débuté en jouant assis (cf les nombreuses photos de cette époque qui témoignent de cette disposition scénique).

L’exceptionnelle soirée du 9 août a été chroniquée sur Le Jazz Live publié le 11 août : Carte Blanche à Emile Parisien et Archie Shepp avec le projet Attica Blues Big Band.

Quelques compléments succints.

Archie Shepp n’était jamais venu à Marciac… « Rattrapage » pleinement réussi.

Emile Parisien était en résidence fin mai à l’Astrada (voir Le Jazz Live du 3  juin). Pour JIM il avait ajouté deux invités à son nouveau quintet : Vincent Peirani et Michel Portal. Concert superbe, surprenant et mai?trise? de bout en bout en une sorte de synthe?se totale de l’ « esprit » Marciac.

Ancien e?le?ve du Colle?ge, Emile est devenu depuis quelques anne?es une star du jazz europe?en cre?atif. Pour Marciac 2015 il avait construit un septet transge?ne?rationnel de re?ve : deux monuments du jazz, Michel Portal (80 ans), Joachim Ku?hn (72…), plus des complices nouveaux ou habituels (trentenaires et quadrage?naires tous en pleine ascension). Incroyable casting qu’Emile a su fe?de?rer en une fascinante synergie gagnante. Re?pertoire assez side?rant: 3 the?mes de Sidney Bechet (!), des morceaux e?crits par Emile et son compe?re Peirani, une compo de Portal (Cuba Si, Cuba No), plusieurs de Ku?hn (dont un «Transmitting» au titre qui dit tout… ce fut bien une soire?e de transmission). Standing ovation finale. Grande e?motion aussi pour tous les anciens ou nouveaux amoureux de JIM. Une belle image (qui « parle »…) : Emile (33 ans…) montrant du doigt la partition de son arrangement à Michel Portal (80!) qui avait semble t-il, très momentanément, perdu le fil. Sourires complices et réciproques…

Retour à la Nouvelle Orléans (le 10/10) avec un programme copieux : « New Orleans Groove Masters », « Rags, Stride and Stomps » plus… Wynton Marsalis en sextet. Découverte d’un petit prodige Joey Alexander (13 ans) qui n’ânonne pas des ragtimes éculés mais qui joue déjà les standards avec émotion et inventivité (superbe Round Midnight). Aux Etats Unis cet adolescent timide et gauche est déjà surbooké et obtient là-bas, m’a dit son booker français, des cachets très élevés. Invité par Wynton il ne s’est pas dégonflé et a joué à un haut niveau avec le sextet. Après 4 rappels Wynton, infatigable, a terminé, à plus de deux heures du matin : passion et érudition, il a incarné « au plus intime l’âme créole et syncrétique » (S. Ollivier) de La Nouvelle Orléans.


Comme toujours les musiques voisines et cousines (Brésil, Cuba, Funk…) ont obtenu l’adhésion enthousiaste, fervente et zélée de leurs indéfectibles fans.


Belle édition 2015 au final, « entachée » par quelques contretemps, difficultés et « problèmes », certains pour le moins étranges, pour le dire vite…

1 – Quelques journées gâchées par de forts orages.

2 – Une baisse sensible, semble t-il, cette année du nombre d’entrées par rapport à l’année 2014 qui fut exceptionnelle en termes de billetterie. En 2015 les entrées semblent avoir retrouvé leur étiage des années d’avant 2014. Cette baisse des entrées en 2015 a d’ailleurs touché beaucoup de grands festivals de jazz (Jazz à Vienne a connu le même problème). L’équilibre financier global de JIM 2015 ne semble pas compr

omis. Le bilan définitif va être dressé très vite par le trésorier de l’association Jazz in Marciac.

Et enfin,

3 – Suite à la publication d’un rapport de la Cour Régionale des Comptes tout à fait « ordinaire » assorti de recommandations finalement relativement « banales » et dans tous les cas pas du tout « punitives », La Dépêche du Midi (pourtant partenaire officiel de JIM depuis fort longtemps) a publié sous la plume d’un journaliste « inconnu au bataillon » (E.Marquez… de toute évidence un pseudonyme), deux articles au vitriol, farcis de « contre-vérités » flagrantes et d’allusions malveillantes . Titres de ces deux « articles » : «  Gare à la crise de la quarantaine pour le Festival » (02/08) et « Quand le Festival de Marciac est victime de ses ambitions » (14/08). Tout çà sur fond de coups bas dans le cadre de la préparation des régionales et de susceptibilité maladive d’un haut dirigeant de ce journal qui n’avait pas été placé au premier rang lors de la visite marciacaise du Premier Ministre ! Pas joli joli tout çà…

Mais son fondateur et Président Jean-Louis Guilhaumon l’a proclamé haut et fort à plusieurs reprises à la fin du festival: « JIM continuera ». Dont acte.

Pierre-Henri Ardonceau


Pour en savoir plus sur ce « fameux » Rapport de la Cour Régionale des Comptes, qui a fait beaucoup causer (alors que peu de gens l’ont consulté!) voir Synthèse des observations et Recommandations de la Cour régionale des Comptes ainsi que la réponse très précise du Président de l’Association Jazz In Marciac ici :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Association-Jazz-in-Marciac-Marciac-Gers-Rapport-d-observations-definitives