Jazz live
Publié le 17 Oct 2017

Marmande: Body and Blues Festival, c'est ça Seva

Il faut entendre Marion Rampal parler avec affect et respect de sa rencontre avec Claudia Amina Myers dans son appart de New York. Il faut écouter l’émotion de PF Blanchard à l’idée d’intégrer le quartet d’Archie Shepp. L’esprit du jazz passe toujours par la transmission, heureusement.

Jazz & Garonne, Marmande (47200), 13 octobre

Marion Rampal (voc, elec), Pierre-François Blanchard (keyb, voc), Anne Pacéo (dm, voc)

Eric Seva (bars, ss, ssn), Manu Galvin (g), Christophe Cravero (keyb), Christophe Wallemme (b, elb), Stéphane Huchard (dm), Michael Robinson (voc)

Une voix pleine avec laquelle il faut compter plus une vraie présence. Sur scène Marion Rampal  livre en face à face avec le public ces deux qualités intrinsèques. A l’instar de l’album Main Blue, (Nemo/L’autre distribution) le trio oeuvre live dans le but d’amplifier l’effet d’impact sur le résultat musical. Groove, souplesse, douceur et puissance s’y trouvent conjugués. Comme s’il ne fallait jamais pousser les notes trop loin, ni trop haut, ni surtout trop fort. Avec ses claviers électriques Pierre-François Blanchard traite à la fois le son, l’architecture mélodique et les rythmes. Formule poto mitan comme l’on dit aux Antilles. Le boulot reste précis, ponctué dans les phrases. Il insère  également des sons, des paroles numérisées. Là dessus vient Anne Paceo. A sa manière toujours reconnaissable, elle joue avec le son, le rendu brut des caisses, atout majeur féminisé du genre tambour. Et puis -c’est son envie, une idée désormais qu’elle compte développer dans un nouvel album à venir- elle chante aussi, apportant sa pierre en contrechants bien placés. Des petits événements pointent dans le concert, porteurs d’un plus de sens : « Soul Man » de Blind Wiilie Johnson est restitué avec du relief dans la voix car « cette chanson tourne actuellement dans l’espace sur une sonde américaine » Savaje s’avère une mélodie toute simple, ensorcelante en ce qu’aussitôt entendue elle s’incruste dans les méninges. On trouve enfin dans la matière de ce chant la trace des magies (noires) de la musique populaire de la Nouvelle Orléans (Let the window blow) « J’en profite aussi pour rendre hommage à un pianiste un peu fou mais légendaire de cette ville qui garde ses mystères, James Brooker »  Témoin, un blues comme acte fort célébré en duo avec le piano de PF Blanchard (Visitation of the bayou) En guise de conclusion, « A la mer » complainte prise à capella dans un très beau phrasé  histoire de faire swinguer la langue française.

Anne Pacéo, Marion Rampal

Anne Pacéo, Marion Rampal

Eric Seva

Voilà donc la version de Body and Blues -son dernier album à paraître dans quelques jours (Les Arts de Garonne/L’’autre distribution)- jouée live, chez lui en sa bonne ville de Marmande, dans le cadre d’un festival qu’il a fait pousser et qu’il pousse encore plus avant avec Myriam, sa compagne plus une jolie équipe (au sens rugbystique qui sied à l’endroit) de bénévoles. Moins de finitions affinées certes, un corpus musical un peu plus carré, ramassé. Pourtant paradoxalement en lâchant les chevaux, au bout des parties solos plus prononcées, répétées, l’effet d’impros donne au contenu un supplément…de moments couleur jazz. A l’image  de ce duo  baryton/guitare en formule appel réponse ou du travail de colorisation harmonique ancré dans les deux langages évoqués de la part des deux Christophe: Cravero aux claviers, Wallemme. pour les basses électrique comme acoustique.

IMG_4941

Eric Seva, Michael Robinson

Même si la tonalité blues domine, demeurent en surimpression les lignes mélodiques, l’architecture d’équilibre des notes, phrases écrites comme autant de mots racontant une histoire. Bref les données qui fondent le travail habituel de composition du saxophoniste lot et garonnais Joyau de l’album, le folk blues blues signé Harrison Kennedy livré live reste un moment de feeling intense, Jolie Marie Angélique chanson reprise à son compte de manière personnelle, profonde par la voix distanciée de Michael Robinson figure une manière de supplément d’âme apporté à une histoire (jeune esclave noire assassinée à Montrêal au XVIIIe siècle fort symbolique. Un blues peut en cacher un autre. Dans l’orchestre Eric Seva, acteur mais tout aussi bien réalisateur impliqué, toujours lucide, distribue les rôles. Manu  Galvin très en verve, se trouve souvent sollicité pour mettre à la musique une patte soul blues. Stéphane Huchard fait rouler le tempo dans des caisses chauffées comme il faut au moment où il faut. Recette simple d’une dynamique permanente.

Eric Seva, Manu Galvin

Eric Seva, Manu Galvin

Jazz & Garonne, Marmande (47200), 14 octobre.

Henri Texier (b), Gautier Garrigue (dm), Sébastien Texier (as, cl, bcl), Vincent le Quang (ts)

Jaleo: Louis Winsberg (elg, g, saz), Cedric Baud (saz, mando), Sabrine Romero (voc, cajon, danse),  Alberto Garcia (voc, g), Sabrina Romero (voc, electro), 

En avance sur le beaujolais, le Texier nouveau est arrivé. Sans guitare car Manu Codjia – « mon guitariste favori » HT – n’était pas libre ce soir là. Mais fort d’une gamme de sax élargie (ténor plus soprano) et porteur, pour ce qui concerne son nouvel orchestre, d’une sonorité collective nouvelle. Dès l’entrée en jeu, sur un tempo de velours, l’alliage de souffles soprano (Vincent Le Quang) clarinette (Sébastien Texier) donne à l’air brassé une intensité, une circulation accentuée. La nature du drumming de Guillaume Garrigue, cette sorte de légèreté naturelle de l’être batteur modifie également la disposition, l’expression des lignes musicales. On goûte à plus d’intimité partagée, un je ne sais quoi de mystère. Mais lorsque l’on interroge Henri Texier sur le pourquoi et le comment de ce changement de cap en matière de choix des personnalités la réponse en mode d’évidence peut surprendre « Je n’avais pas d’idée préconçue, de plan préparé. C’est simplement le fait de rencontres. Celle de Guillaume à l’occasion d’une soirée JMS au Mans. Celle de Vincent par le biais de mon fils qui l’avait côtoyé. Le reste est venu en jouant ensemble, dans l’échange avec nos instruments. Lorsque j’ai vu leur façon de prendre en main un vieux thème de mon premier disque enregistré en basse solo, j’ai tout de suite compris. Je me suis dit, c’est bon, on y est. C’est l’orchestre qu’il me faut. L’enregistrement du disque que l’on a terminé en quintet avec Manu ce mois ci n’a posé aucun problème » Un nouveau thème, Sand woman (ce pourrait être le titre de l’album à sortir ce printemps chez Label Bleu) joué pour la première fois en quartet pour Jazz & Garonne exhale, question de clarinette, un petit air frais de Jimy Giuffre. Solo nu blues balancé sur un tempo lent très appuyé, sax ténor tendu mis en avant, fait ressurgir des traces de  Mingus. Le contenu musical paraît traversé de plus de vibrations, frappé de plus de piquant. Indiens vient en point d’orgue dans une lumière pourpre au bout d’une mélopée lourde de sens, languissante. Emouvante. On a l’impression que Texier lui même repique à plus d’envie révélée de traiter avec sa basse.

Sébastien Texier, Vincent Le Quang

Sébastien Texier, Vincent Le Quang

Que Jaleo !

Louis Winsberg, Cédric Baud

Louis Winsberg, Cédric Baud

Louis Winsberg ne le cache pas. Ce groupe lui tient à coeur de par une aventure vécue depuis des années « Jaleo existe depuis 2000 » Ce pourrait être donc une odyssée bâtie sur un espace flamenco aménagé. Il y certes de cela (le cante, l’apport de la danse, la guitare, les accents toniques d’une musique de lignée arabo-andalouse etc…) Tout cela plait, surprend sans doute dans une affiche jazz, séduit par la plastique du ballet, interroge dès lors que l’improvisation se trouve confrontée aux codes du flamenco. Mais Jaleo ce n’est pas que cela. Winsberg a conçu son projet en fonction d’une volonté d’ouverture en matière de musique et de visuel. Stéphane Edouard le percussionniste (rencontré au sein de Sixun) est d’origine indienne. Ses tambours traditionnels (dolaks, tablas) roulent ouvertement vers un univers méditerranéen. Cédric Baud utilise un saz d’origine turque en mode de basse. Et Winsberg lui même, en duo avec ce dernier glisse au besoin sur ce même instrument ou prend une mandoline au passage. Des voix, des guitares, des cordes, une construction de percussions qui chantent elles aussi. S’y ajoute l’émergence du corps par et pour la danse enfin (Sabrina Romero, chanteuse, percussionniste  laisse également une marque dans  cet étonnant moment de zapateo, la danse à claquette façon flamenca, spectaculaire notamment dans un défi de percussions lancé aux tambours de Stéphane Edouard). Jaleo offre de la musique, du mouvement, du  visuel  Soit les ingrédients d’un spectacle multiformes à plusieurs entrées possibles. Difficile à classer, catégoriser sans doute. Signe d’ouverture cependant, gage de richesse pour peu qu’on cultive une certaine curiosité culturelle.

Robert Latxague

|

Il faut entendre Marion Rampal parler avec affect et respect de sa rencontre avec Claudia Amina Myers dans son appart de New York. Il faut écouter l’émotion de PF Blanchard à l’idée d’intégrer le quartet d’Archie Shepp. L’esprit du jazz passe toujours par la transmission, heureusement.

Jazz & Garonne, Marmande (47200), 13 octobre

Marion Rampal (voc, elec), Pierre-François Blanchard (keyb, voc), Anne Pacéo (dm, voc)

Eric Seva (bars, ss, ssn), Manu Galvin (g), Christophe Cravero (keyb), Christophe Wallemme (b, elb), Stéphane Huchard (dm), Michael Robinson (voc)

Une voix pleine avec laquelle il faut compter plus une vraie présence. Sur scène Marion Rampal  livre en face à face avec le public ces deux qualités intrinsèques. A l’instar de l’album Main Blue, (Nemo/L’autre distribution) le trio oeuvre live dans le but d’amplifier l’effet d’impact sur le résultat musical. Groove, souplesse, douceur et puissance s’y trouvent conjugués. Comme s’il ne fallait jamais pousser les notes trop loin, ni trop haut, ni surtout trop fort. Avec ses claviers électriques Pierre-François Blanchard traite à la fois le son, l’architecture mélodique et les rythmes. Formule poto mitan comme l’on dit aux Antilles. Le boulot reste précis, ponctué dans les phrases. Il insère  également des sons, des paroles numérisées. Là dessus vient Anne Paceo. A sa manière toujours reconnaissable, elle joue avec le son, le rendu brut des caisses, atout majeur féminisé du genre tambour. Et puis -c’est son envie, une idée désormais qu’elle compte développer dans un nouvel album à venir- elle chante aussi, apportant sa pierre en contrechants bien placés. Des petits événements pointent dans le concert, porteurs d’un plus de sens : « Soul Man » de Blind Wiilie Johnson est restitué avec du relief dans la voix car « cette chanson tourne actuellement dans l’espace sur une sonde américaine » Savaje s’avère une mélodie toute simple, ensorcelante en ce qu’aussitôt entendue elle s’incruste dans les méninges. On trouve enfin dans la matière de ce chant la trace des magies (noires) de la musique populaire de la Nouvelle Orléans (Let the window blow) « J’en profite aussi pour rendre hommage à un pianiste un peu fou mais légendaire de cette ville qui garde ses mystères, James Brooker »  Témoin, un blues comme acte fort célébré en duo avec le piano de PF Blanchard (Visitation of the bayou) En guise de conclusion, « A la mer » complainte prise à capella dans un très beau phrasé  histoire de faire swinguer la langue française.

Anne Pacéo, Marion Rampal

Anne Pacéo, Marion Rampal

Eric Seva

Voilà donc la version de Body and Blues -son dernier album à paraître dans quelques jours (Les Arts de Garonne/L’’autre distribution)- jouée live, chez lui en sa bonne ville de Marmande, dans le cadre d’un festival qu’il a fait pousser et qu’il pousse encore plus avant avec Myriam, sa compagne plus une jolie équipe (au sens rugbystique qui sied à l’endroit) de bénévoles. Moins de finitions affinées certes, un corpus musical un peu plus carré, ramassé. Pourtant paradoxalement en lâchant les chevaux, au bout des parties solos plus prononcées, répétées, l’effet d’impros donne au contenu un supplément…de moments couleur jazz. A l’image  de ce duo  baryton/guitare en formule appel réponse ou du travail de colorisation harmonique ancré dans les deux langages évoqués de la part des deux Christophe: Cravero aux claviers, Wallemme. pour les basses électrique comme acoustique.

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Eric Seva, Michael Robinson

Même si la tonalité blues domine, demeurent en surimpression les lignes mélodiques, l’architecture d’équilibre des notes, phrases écrites comme autant de mots racontant une histoire. Bref les données qui fondent le travail habituel de composition du saxophoniste lot et garonnais Joyau de l’album, le folk blues blues signé Harrison Kennedy livré live reste un moment de feeling intense, Jolie Marie Angélique chanson reprise à son compte de manière personnelle, profonde par la voix distanciée de Michael Robinson figure une manière de supplément d’âme apporté à une histoire (jeune esclave noire assassinée à Montrêal au XVIIIe siècle fort symbolique. Un blues peut en cacher un autre. Dans l’orchestre Eric Seva, acteur mais tout aussi bien réalisateur impliqué, toujours lucide, distribue les rôles. Manu  Galvin très en verve, se trouve souvent sollicité pour mettre à la musique une patte soul blues. Stéphane Huchard fait rouler le tempo dans des caisses chauffées comme il faut au moment où il faut. Recette simple d’une dynamique permanente.

Eric Seva, Manu Galvin

Eric Seva, Manu Galvin

Jazz & Garonne, Marmande (47200), 14 octobre.

Henri Texier (b), Gautier Garrigue (dm), Sébastien Texier (as, cl, bcl), Vincent le Quang (ts)

Jaleo: Louis Winsberg (elg, g, saz), Cedric Baud (saz, mando), Sabrine Romero (voc, cajon, danse),  Alberto Garcia (voc, g), Sabrina Romero (voc, electro), 

En avance sur le beaujolais, le Texier nouveau est arrivé. Sans guitare car Manu Codjia – « mon guitariste favori » HT – n’était pas libre ce soir là. Mais fort d’une gamme de sax élargie (ténor plus soprano) et porteur, pour ce qui concerne son nouvel orchestre, d’une sonorité collective nouvelle. Dès l’entrée en jeu, sur un tempo de velours, l’alliage de souffles soprano (Vincent Le Quang) clarinette (Sébastien Texier) donne à l’air brassé une intensité, une circulation accentuée. La nature du drumming de Guillaume Garrigue, cette sorte de légèreté naturelle de l’être batteur modifie également la disposition, l’expression des lignes musicales. On goûte à plus d’intimité partagée, un je ne sais quoi de mystère. Mais lorsque l’on interroge Henri Texier sur le pourquoi et le comment de ce changement de cap en matière de choix des personnalités la réponse en mode d’évidence peut surprendre « Je n’avais pas d’idée préconçue, de plan préparé. C’est simplement le fait de rencontres. Celle de Guillaume à l’occasion d’une soirée JMS au Mans. Celle de Vincent par le biais de mon fils qui l’avait côtoyé. Le reste est venu en jouant ensemble, dans l’échange avec nos instruments. Lorsque j’ai vu leur façon de prendre en main un vieux thème de mon premier disque enregistré en basse solo, j’ai tout de suite compris. Je me suis dit, c’est bon, on y est. C’est l’orchestre qu’il me faut. L’enregistrement du disque que l’on a terminé en quintet avec Manu ce mois ci n’a posé aucun problème » Un nouveau thème, Sand woman (ce pourrait être le titre de l’album à sortir ce printemps chez Label Bleu) joué pour la première fois en quartet pour Jazz & Garonne exhale, question de clarinette, un petit air frais de Jimy Giuffre. Solo nu blues balancé sur un tempo lent très appuyé, sax ténor tendu mis en avant, fait ressurgir des traces de  Mingus. Le contenu musical paraît traversé de plus de vibrations, frappé de plus de piquant. Indiens vient en point d’orgue dans une lumière pourpre au bout d’une mélopée lourde de sens, languissante. Emouvante. On a l’impression que Texier lui même repique à plus d’envie révélée de traiter avec sa basse.

Sébastien Texier, Vincent Le Quang

Sébastien Texier, Vincent Le Quang

Que Jaleo !

Louis Winsberg, Cédric Baud

Louis Winsberg, Cédric Baud

Louis Winsberg ne le cache pas. Ce groupe lui tient à coeur de par une aventure vécue depuis des années « Jaleo existe depuis 2000 » Ce pourrait être donc une odyssée bâtie sur un espace flamenco aménagé. Il y certes de cela (le cante, l’apport de la danse, la guitare, les accents toniques d’une musique de lignée arabo-andalouse etc…) Tout cela plait, surprend sans doute dans une affiche jazz, séduit par la plastique du ballet, interroge dès lors que l’improvisation se trouve confrontée aux codes du flamenco. Mais Jaleo ce n’est pas que cela. Winsberg a conçu son projet en fonction d’une volonté d’ouverture en matière de musique et de visuel. Stéphane Edouard le percussionniste (rencontré au sein de Sixun) est d’origine indienne. Ses tambours traditionnels (dolaks, tablas) roulent ouvertement vers un univers méditerranéen. Cédric Baud utilise un saz d’origine turque en mode de basse. Et Winsberg lui même, en duo avec ce dernier glisse au besoin sur ce même instrument ou prend une mandoline au passage. Des voix, des guitares, des cordes, une construction de percussions qui chantent elles aussi. S’y ajoute l’émergence du corps par et pour la danse enfin (Sabrina Romero, chanteuse, percussionniste  laisse également une marque dans  cet étonnant moment de zapateo, la danse à claquette façon flamenca, spectaculaire notamment dans un défi de percussions lancé aux tambours de Stéphane Edouard). Jaleo offre de la musique, du mouvement, du  visuel  Soit les ingrédients d’un spectacle multiformes à plusieurs entrées possibles. Difficile à classer, catégoriser sans doute. Signe d’ouverture cependant, gage de richesse pour peu qu’on cultive une certaine curiosité culturelle.

Robert Latxague

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Il faut entendre Marion Rampal parler avec affect et respect de sa rencontre avec Claudia Amina Myers dans son appart de New York. Il faut écouter l’émotion de PF Blanchard à l’idée d’intégrer le quartet d’Archie Shepp. L’esprit du jazz passe toujours par la transmission, heureusement.

Jazz & Garonne, Marmande (47200), 13 octobre

Marion Rampal (voc, elec), Pierre-François Blanchard (keyb, voc), Anne Pacéo (dm, voc)

Eric Seva (bars, ss, ssn), Manu Galvin (g), Christophe Cravero (keyb), Christophe Wallemme (b, elb), Stéphane Huchard (dm), Michael Robinson (voc)

Une voix pleine avec laquelle il faut compter plus une vraie présence. Sur scène Marion Rampal  livre en face à face avec le public ces deux qualités intrinsèques. A l’instar de l’album Main Blue, (Nemo/L’autre distribution) le trio oeuvre live dans le but d’amplifier l’effet d’impact sur le résultat musical. Groove, souplesse, douceur et puissance s’y trouvent conjugués. Comme s’il ne fallait jamais pousser les notes trop loin, ni trop haut, ni surtout trop fort. Avec ses claviers électriques Pierre-François Blanchard traite à la fois le son, l’architecture mélodique et les rythmes. Formule poto mitan comme l’on dit aux Antilles. Le boulot reste précis, ponctué dans les phrases. Il insère  également des sons, des paroles numérisées. Là dessus vient Anne Paceo. A sa manière toujours reconnaissable, elle joue avec le son, le rendu brut des caisses, atout majeur féminisé du genre tambour. Et puis -c’est son envie, une idée désormais qu’elle compte développer dans un nouvel album à venir- elle chante aussi, apportant sa pierre en contrechants bien placés. Des petits événements pointent dans le concert, porteurs d’un plus de sens : « Soul Man » de Blind Wiilie Johnson est restitué avec du relief dans la voix car « cette chanson tourne actuellement dans l’espace sur une sonde américaine » Savaje s’avère une mélodie toute simple, ensorcelante en ce qu’aussitôt entendue elle s’incruste dans les méninges. On trouve enfin dans la matière de ce chant la trace des magies (noires) de la musique populaire de la Nouvelle Orléans (Let the window blow) « J’en profite aussi pour rendre hommage à un pianiste un peu fou mais légendaire de cette ville qui garde ses mystères, James Brooker »  Témoin, un blues comme acte fort célébré en duo avec le piano de PF Blanchard (Visitation of the bayou) En guise de conclusion, « A la mer » complainte prise à capella dans un très beau phrasé  histoire de faire swinguer la langue française.

Anne Pacéo, Marion Rampal

Anne Pacéo, Marion Rampal

Eric Seva

Voilà donc la version de Body and Blues -son dernier album à paraître dans quelques jours (Les Arts de Garonne/L’’autre distribution)- jouée live, chez lui en sa bonne ville de Marmande, dans le cadre d’un festival qu’il a fait pousser et qu’il pousse encore plus avant avec Myriam, sa compagne plus une jolie équipe (au sens rugbystique qui sied à l’endroit) de bénévoles. Moins de finitions affinées certes, un corpus musical un peu plus carré, ramassé. Pourtant paradoxalement en lâchant les chevaux, au bout des parties solos plus prononcées, répétées, l’effet d’impros donne au contenu un supplément…de moments couleur jazz. A l’image  de ce duo  baryton/guitare en formule appel réponse ou du travail de colorisation harmonique ancré dans les deux langages évoqués de la part des deux Christophe: Cravero aux claviers, Wallemme. pour les basses électrique comme acoustique.

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Eric Seva, Michael Robinson

Même si la tonalité blues domine, demeurent en surimpression les lignes mélodiques, l’architecture d’équilibre des notes, phrases écrites comme autant de mots racontant une histoire. Bref les données qui fondent le travail habituel de composition du saxophoniste lot et garonnais Joyau de l’album, le folk blues blues signé Harrison Kennedy livré live reste un moment de feeling intense, Jolie Marie Angélique chanson reprise à son compte de manière personnelle, profonde par la voix distanciée de Michael Robinson figure une manière de supplément d’âme apporté à une histoire (jeune esclave noire assassinée à Montrêal au XVIIIe siècle fort symbolique. Un blues peut en cacher un autre. Dans l’orchestre Eric Seva, acteur mais tout aussi bien réalisateur impliqué, toujours lucide, distribue les rôles. Manu  Galvin très en verve, se trouve souvent sollicité pour mettre à la musique une patte soul blues. Stéphane Huchard fait rouler le tempo dans des caisses chauffées comme il faut au moment où il faut. Recette simple d’une dynamique permanente.

Eric Seva, Manu Galvin

Eric Seva, Manu Galvin

Jazz & Garonne, Marmande (47200), 14 octobre.

Henri Texier (b), Gautier Garrigue (dm), Sébastien Texier (as, cl, bcl), Vincent le Quang (ts)

Jaleo: Louis Winsberg (elg, g, saz), Cedric Baud (saz, mando), Sabrine Romero (voc, cajon, danse),  Alberto Garcia (voc, g), Sabrina Romero (voc, electro), 

En avance sur le beaujolais, le Texier nouveau est arrivé. Sans guitare car Manu Codjia – « mon guitariste favori » HT – n’était pas libre ce soir là. Mais fort d’une gamme de sax élargie (ténor plus soprano) et porteur, pour ce qui concerne son nouvel orchestre, d’une sonorité collective nouvelle. Dès l’entrée en jeu, sur un tempo de velours, l’alliage de souffles soprano (Vincent Le Quang) clarinette (Sébastien Texier) donne à l’air brassé une intensité, une circulation accentuée. La nature du drumming de Guillaume Garrigue, cette sorte de légèreté naturelle de l’être batteur modifie également la disposition, l’expression des lignes musicales. On goûte à plus d’intimité partagée, un je ne sais quoi de mystère. Mais lorsque l’on interroge Henri Texier sur le pourquoi et le comment de ce changement de cap en matière de choix des personnalités la réponse en mode d’évidence peut surprendre « Je n’avais pas d’idée préconçue, de plan préparé. C’est simplement le fait de rencontres. Celle de Guillaume à l’occasion d’une soirée JMS au Mans. Celle de Vincent par le biais de mon fils qui l’avait côtoyé. Le reste est venu en jouant ensemble, dans l’échange avec nos instruments. Lorsque j’ai vu leur façon de prendre en main un vieux thème de mon premier disque enregistré en basse solo, j’ai tout de suite compris. Je me suis dit, c’est bon, on y est. C’est l’orchestre qu’il me faut. L’enregistrement du disque que l’on a terminé en quintet avec Manu ce mois ci n’a posé aucun problème » Un nouveau thème, Sand woman (ce pourrait être le titre de l’album à sortir ce printemps chez Label Bleu) joué pour la première fois en quartet pour Jazz & Garonne exhale, question de clarinette, un petit air frais de Jimy Giuffre. Solo nu blues balancé sur un tempo lent très appuyé, sax ténor tendu mis en avant, fait ressurgir des traces de  Mingus. Le contenu musical paraît traversé de plus de vibrations, frappé de plus de piquant. Indiens vient en point d’orgue dans une lumière pourpre au bout d’une mélopée lourde de sens, languissante. Emouvante. On a l’impression que Texier lui même repique à plus d’envie révélée de traiter avec sa basse.

Sébastien Texier, Vincent Le Quang

Sébastien Texier, Vincent Le Quang

Que Jaleo !

Louis Winsberg, Cédric Baud

Louis Winsberg, Cédric Baud

Louis Winsberg ne le cache pas. Ce groupe lui tient à coeur de par une aventure vécue depuis des années « Jaleo existe depuis 2000 » Ce pourrait être donc une odyssée bâtie sur un espace flamenco aménagé. Il y certes de cela (le cante, l’apport de la danse, la guitare, les accents toniques d’une musique de lignée arabo-andalouse etc…) Tout cela plait, surprend sans doute dans une affiche jazz, séduit par la plastique du ballet, interroge dès lors que l’improvisation se trouve confrontée aux codes du flamenco. Mais Jaleo ce n’est pas que cela. Winsberg a conçu son projet en fonction d’une volonté d’ouverture en matière de musique et de visuel. Stéphane Edouard le percussionniste (rencontré au sein de Sixun) est d’origine indienne. Ses tambours traditionnels (dolaks, tablas) roulent ouvertement vers un univers méditerranéen. Cédric Baud utilise un saz d’origine turque en mode de basse. Et Winsberg lui même, en duo avec ce dernier glisse au besoin sur ce même instrument ou prend une mandoline au passage. Des voix, des guitares, des cordes, une construction de percussions qui chantent elles aussi. S’y ajoute l’émergence du corps par et pour la danse enfin (Sabrina Romero, chanteuse, percussionniste  laisse également une marque dans  cet étonnant moment de zapateo, la danse à claquette façon flamenca, spectaculaire notamment dans un défi de percussions lancé aux tambours de Stéphane Edouard). Jaleo offre de la musique, du mouvement, du  visuel  Soit les ingrédients d’un spectacle multiformes à plusieurs entrées possibles. Difficile à classer, catégoriser sans doute. Signe d’ouverture cependant, gage de richesse pour peu qu’on cultive une certaine curiosité culturelle.

Robert Latxague

|

Il faut entendre Marion Rampal parler avec affect et respect de sa rencontre avec Claudia Amina Myers dans son appart de New York. Il faut écouter l’émotion de PF Blanchard à l’idée d’intégrer le quartet d’Archie Shepp. L’esprit du jazz passe toujours par la transmission, heureusement.

Jazz & Garonne, Marmande (47200), 13 octobre

Marion Rampal (voc, elec), Pierre-François Blanchard (keyb, voc), Anne Pacéo (dm, voc)

Eric Seva (bars, ss, ssn), Manu Galvin (g), Christophe Cravero (keyb), Christophe Wallemme (b, elb), Stéphane Huchard (dm), Michael Robinson (voc)

Une voix pleine avec laquelle il faut compter plus une vraie présence. Sur scène Marion Rampal  livre en face à face avec le public ces deux qualités intrinsèques. A l’instar de l’album Main Blue, (Nemo/L’autre distribution) le trio oeuvre live dans le but d’amplifier l’effet d’impact sur le résultat musical. Groove, souplesse, douceur et puissance s’y trouvent conjugués. Comme s’il ne fallait jamais pousser les notes trop loin, ni trop haut, ni surtout trop fort. Avec ses claviers électriques Pierre-François Blanchard traite à la fois le son, l’architecture mélodique et les rythmes. Formule poto mitan comme l’on dit aux Antilles. Le boulot reste précis, ponctué dans les phrases. Il insère  également des sons, des paroles numérisées. Là dessus vient Anne Paceo. A sa manière toujours reconnaissable, elle joue avec le son, le rendu brut des caisses, atout majeur féminisé du genre tambour. Et puis -c’est son envie, une idée désormais qu’elle compte développer dans un nouvel album à venir- elle chante aussi, apportant sa pierre en contrechants bien placés. Des petits événements pointent dans le concert, porteurs d’un plus de sens : « Soul Man » de Blind Wiilie Johnson est restitué avec du relief dans la voix car « cette chanson tourne actuellement dans l’espace sur une sonde américaine » Savaje s’avère une mélodie toute simple, ensorcelante en ce qu’aussitôt entendue elle s’incruste dans les méninges. On trouve enfin dans la matière de ce chant la trace des magies (noires) de la musique populaire de la Nouvelle Orléans (Let the window blow) « J’en profite aussi pour rendre hommage à un pianiste un peu fou mais légendaire de cette ville qui garde ses mystères, James Brooker »  Témoin, un blues comme acte fort célébré en duo avec le piano de PF Blanchard (Visitation of the bayou) En guise de conclusion, « A la mer » complainte prise à capella dans un très beau phrasé  histoire de faire swinguer la langue française.

Anne Pacéo, Marion Rampal

Anne Pacéo, Marion Rampal

Eric Seva

Voilà donc la version de Body and Blues -son dernier album à paraître dans quelques jours (Les Arts de Garonne/L’’autre distribution)- jouée live, chez lui en sa bonne ville de Marmande, dans le cadre d’un festival qu’il a fait pousser et qu’il pousse encore plus avant avec Myriam, sa compagne plus une jolie équipe (au sens rugbystique qui sied à l’endroit) de bénévoles. Moins de finitions affinées certes, un corpus musical un peu plus carré, ramassé. Pourtant paradoxalement en lâchant les chevaux, au bout des parties solos plus prononcées, répétées, l’effet d’impros donne au contenu un supplément…de moments couleur jazz. A l’image  de ce duo  baryton/guitare en formule appel réponse ou du travail de colorisation harmonique ancré dans les deux langages évoqués de la part des deux Christophe: Cravero aux claviers, Wallemme. pour les basses électrique comme acoustique.

IMG_4941

Eric Seva, Michael Robinson

Même si la tonalité blues domine, demeurent en surimpression les lignes mélodiques, l’architecture d’équilibre des notes, phrases écrites comme autant de mots racontant une histoire. Bref les données qui fondent le travail habituel de composition du saxophoniste lot et garonnais Joyau de l’album, le folk blues blues signé Harrison Kennedy livré live reste un moment de feeling intense, Jolie Marie Angélique chanson reprise à son compte de manière personnelle, profonde par la voix distanciée de Michael Robinson figure une manière de supplément d’âme apporté à une histoire (jeune esclave noire assassinée à Montrêal au XVIIIe siècle fort symbolique. Un blues peut en cacher un autre. Dans l’orchestre Eric Seva, acteur mais tout aussi bien réalisateur impliqué, toujours lucide, distribue les rôles. Manu  Galvin très en verve, se trouve souvent sollicité pour mettre à la musique une patte soul blues. Stéphane Huchard fait rouler le tempo dans des caisses chauffées comme il faut au moment où il faut. Recette simple d’une dynamique permanente.

Eric Seva, Manu Galvin

Eric Seva, Manu Galvin

Jazz & Garonne, Marmande (47200), 14 octobre.

Henri Texier (b), Gautier Garrigue (dm), Sébastien Texier (as, cl, bcl), Vincent le Quang (ts)

Jaleo: Louis Winsberg (elg, g, saz), Cedric Baud (saz, mando), Sabrine Romero (voc, cajon, danse),  Alberto Garcia (voc, g), Sabrina Romero (voc, electro), 

En avance sur le beaujolais, le Texier nouveau est arrivé. Sans guitare car Manu Codjia – « mon guitariste favori » HT – n’était pas libre ce soir là. Mais fort d’une gamme de sax élargie (ténor plus soprano) et porteur, pour ce qui concerne son nouvel orchestre, d’une sonorité collective nouvelle. Dès l’entrée en jeu, sur un tempo de velours, l’alliage de souffles soprano (Vincent Le Quang) clarinette (Sébastien Texier) donne à l’air brassé une intensité, une circulation accentuée. La nature du drumming de Guillaume Garrigue, cette sorte de légèreté naturelle de l’être batteur modifie également la disposition, l’expression des lignes musicales. On goûte à plus d’intimité partagée, un je ne sais quoi de mystère. Mais lorsque l’on interroge Henri Texier sur le pourquoi et le comment de ce changement de cap en matière de choix des personnalités la réponse en mode d’évidence peut surprendre « Je n’avais pas d’idée préconçue, de plan préparé. C’est simplement le fait de rencontres. Celle de Guillaume à l’occasion d’une soirée JMS au Mans. Celle de Vincent par le biais de mon fils qui l’avait côtoyé. Le reste est venu en jouant ensemble, dans l’échange avec nos instruments. Lorsque j’ai vu leur façon de prendre en main un vieux thème de mon premier disque enregistré en basse solo, j’ai tout de suite compris. Je me suis dit, c’est bon, on y est. C’est l’orchestre qu’il me faut. L’enregistrement du disque que l’on a terminé en quintet avec Manu ce mois ci n’a posé aucun problème » Un nouveau thème, Sand woman (ce pourrait être le titre de l’album à sortir ce printemps chez Label Bleu) joué pour la première fois en quartet pour Jazz & Garonne exhale, question de clarinette, un petit air frais de Jimy Giuffre. Solo nu blues balancé sur un tempo lent très appuyé, sax ténor tendu mis en avant, fait ressurgir des traces de  Mingus. Le contenu musical paraît traversé de plus de vibrations, frappé de plus de piquant. Indiens vient en point d’orgue dans une lumière pourpre au bout d’une mélopée lourde de sens, languissante. Emouvante. On a l’impression que Texier lui même repique à plus d’envie révélée de traiter avec sa basse.

Sébastien Texier, Vincent Le Quang

Sébastien Texier, Vincent Le Quang

Que Jaleo !

Louis Winsberg, Cédric Baud

Louis Winsberg, Cédric Baud

Louis Winsberg ne le cache pas. Ce groupe lui tient à coeur de par une aventure vécue depuis des années « Jaleo existe depuis 2000 » Ce pourrait être donc une odyssée bâtie sur un espace flamenco aménagé. Il y certes de cela (le cante, l’apport de la danse, la guitare, les accents toniques d’une musique de lignée arabo-andalouse etc…) Tout cela plait, surprend sans doute dans une affiche jazz, séduit par la plastique du ballet, interroge dès lors que l’improvisation se trouve confrontée aux codes du flamenco. Mais Jaleo ce n’est pas que cela. Winsberg a conçu son projet en fonction d’une volonté d’ouverture en matière de musique et de visuel. Stéphane Edouard le percussionniste (rencontré au sein de Sixun) est d’origine indienne. Ses tambours traditionnels (dolaks, tablas) roulent ouvertement vers un univers méditerranéen. Cédric Baud utilise un saz d’origine turque en mode de basse. Et Winsberg lui même, en duo avec ce dernier glisse au besoin sur ce même instrument ou prend une mandoline au passage. Des voix, des guitares, des cordes, une construction de percussions qui chantent elles aussi. S’y ajoute l’émergence du corps par et pour la danse enfin (Sabrina Romero, chanteuse, percussionniste  laisse également une marque dans  cet étonnant moment de zapateo, la danse à claquette façon flamenca, spectaculaire notamment dans un défi de percussions lancé aux tambours de Stéphane Edouard). Jaleo offre de la musique, du mouvement, du  visuel  Soit les ingrédients d’un spectacle multiformes à plusieurs entrées possibles. Difficile à classer, catégoriser sans doute. Signe d’ouverture cependant, gage de richesse pour peu qu’on cultive une certaine curiosité culturelle.

Robert Latxague