Jazz live
Publié le 25 Juin 2017

MYSTÈRES DE LA NUIT : LADY MACBETH selon MARC DUCRET

Plus paresseux que Franck Bergerot, qui a mis son article en ligne moins de douze heures après la fin du concert (un article à lire en suivant ce lien), j’ai comme lui été captivé, et comme happé, par la densité artistique/musicale de cette nouvelle œuvre de Marc Ducret. Franck et moi avons partagé nos émotions d’auditeurs à l’issue du concert, et si à cet instant-là nous n’avons pas évoqué Anna Livia Plurabelle, j’y avais comme lui pensé au fil du concert, d’autant que je suis également en train de lire le livre de Pierre Fargeton sur André Hodeir. Et je me suis souvenu à cette occasion que Marc avait participé, au début des années 90, à la création sur scène, et à la nouvelle version phonographique, d’Anna Livia, sous la houlette de Patrice Caratini.

Ducert Lady M salut après rappel

MARC DUCRET : LADY M
Léa Trommenschlager (soprano), Rodrigo Ferreira (contre-ténor), Sylvain Bardiau (trompette, bugle), Catherine Delaunay (clarinettes, cor de basset), Régis Huby (violon, violon ténor), Joachim Florent (contrebasse, électronique), Sylvain Darrifourcq (batterie, percussions, électronique), Marc Ducret (guitares, électronique, composition, direction).
Pantin, La Dynamo, 23 juin 2017, 20h45
.
Marc Ducret excelle dans l’évocation musicale d’œuvres littéraires, d’autant que son parti n’est jamais illustratif, mais semble plutôt procéder d’un désir d’évocation, quasi démiurgique, sous forme d’un art total. Et il y parvient chaque fois : ceux qui ont écouté ces dernières années, sur disque ou sur scène, les différentes étapes de Tower (inspiré par Nabokov) s’en convaincront facilement. Ici c’est Shakespeare, Macbeth, et plus précisément le personnage de Lady MacBeth, en proie au cinquième acte à la folie destructrice du remords qui s’exprime dans son célèbre monologue. Tout se déroule comme en une cérémonie secrète, en plein cœur des mystères de la nuit. Le premier mystère, quand le concert commence, est la présence du guitariste devant une table sur laquelle repose, à plat, une guitare électrique. Avec des geste d’alchimiste, le compositeur se fait manipulateur de sons, fait entrer les cordes en résonance avec une sorte d’excitateur électro-magnétique, la complicité d’un mug, et quelques gestes percussifs et discrets sur le corps compact de l’instrument. Cela suffit à créer une sorte de bourdon sur lequel la clarinette de Catherine Delaunay va tracer des lignes tendues d’intervalles inattendus, improbable synthèse oxymorique entre la netteté baroque et l’épanchement romantique. Puis la musique va se fondre dans le groupe instrumental, dans un esprit de jazz (très) contemporain, libre dans ses choix, implacable dans sa rigueur musicale. Au fil du concert chaque musicien prendra à un instant donné une parole soliste, et pourtant tout se passe, à chaque instant, dans un esprit collectif, tendu vers le but commun, ultime, d’accomplir une sombre beauté. Après un solo comme toujours ébouriffant du guitariste (en cet instant à douze cordes), le contre-ténor fait son entrée. Ce n’est pas une entrée en majesté, c’est une immersion dans le groupe : la musicalité et l’expression sont confondantes, servies par une écriture qui combine le phrasé musical et la prosodie littéraire dans une sorte de conflit collaboratif et fécond qui force l’admiration (c’est là qu’une première fois j’ai pensé à André Hodeir). D’étape en étape, de solo instrumental en geste collectif, la voix fait retour : la soprano exacerbe l’expressivité propre au texte avec une force, teintée d’extrêmes nuances, qui rend palpable l’angoisse du personnage. Et cette fois encore c’est le jeu infini sur la tension entre texte et mélodie qui porte l’émotion, laquelle parcourt les interprètes et se communique au public. Et dans la logique d’un cheminement qui se poursuit et s’accomplit, les moments instrumentaux (dont un duo qui associe trompette et clarinette) conduisent au duo vocal (presque) conclusif, qui dit et redit l’angoisse du remords, ultime mystère de la nuit qui ne livre pas son issue, sauf celle, fatale, de Lady Macbeth. C’est assurément une réussite : une œuvre d’une grande (et sombre) beauté, qui combine magistralement l’audace musicale, la virtuosité instrumentale et vocale, le sens de la forme et de la dramaturgie, et la magie de l’expression. Tout se conclut par une sorte de retour au mystère initial : Marc Ducret, devant sa table où repose horizontalement une guitare, rejoint l’univers des sons électro-acoustiques, comme si la conclusion n’était qu’une question, ouverte, au devenir de l’art et de la forme.
Xavier Prévost
.
Cette œuvre sera reprise le 14 mars 2018 à l’Opéra de Lille
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Plus paresseux que Franck Bergerot, qui a mis son article en ligne moins de douze heures après la fin du concert (un article à lire en suivant ce lien), j’ai comme lui été captivé, et comme happé, par la densité artistique/musicale de cette nouvelle œuvre de Marc Ducret. Franck et moi avons partagé nos émotions d’auditeurs à l’issue du concert, et si à cet instant-là nous n’avons pas évoqué Anna Livia Plurabelle, j’y avais comme lui pensé au fil du concert, d’autant que je suis également en train de lire le livre de Pierre Fargeton sur André Hodeir. Et je me suis souvenu à cette occasion que Marc avait participé, au début des années 90, à la création sur scène, et à la nouvelle version phonographique, d’Anna Livia, sous la houlette de Patrice Caratini.

Ducert Lady M salut après rappel

MARC DUCRET : LADY M
Léa Trommenschlager (soprano), Rodrigo Ferreira (contre-ténor), Sylvain Bardiau (trompette, bugle), Catherine Delaunay (clarinettes, cor de basset), Régis Huby (violon, violon ténor), Joachim Florent (contrebasse, électronique), Sylvain Darrifourcq (batterie, percussions, électronique), Marc Ducret (guitares, électronique, composition, direction).
Pantin, La Dynamo, 23 juin 2017, 20h45
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Marc Ducret excelle dans l’évocation musicale d’œuvres littéraires, d’autant que son parti n’est jamais illustratif, mais semble plutôt procéder d’un désir d’évocation, quasi démiurgique, sous forme d’un art total. Et il y parvient chaque fois : ceux qui ont écouté ces dernières années, sur disque ou sur scène, les différentes étapes de Tower (inspiré par Nabokov) s’en convaincront facilement. Ici c’est Shakespeare, Macbeth, et plus précisément le personnage de Lady MacBeth, en proie au cinquième acte à la folie destructrice du remords qui s’exprime dans son célèbre monologue. Tout se déroule comme en une cérémonie secrète, en plein cœur des mystères de la nuit. Le premier mystère, quand le concert commence, est la présence du guitariste devant une table sur laquelle repose, à plat, une guitare électrique. Avec des geste d’alchimiste, le compositeur se fait manipulateur de sons, fait entrer les cordes en résonance avec une sorte d’excitateur électro-magnétique, la complicité d’un mug, et quelques gestes percussifs et discrets sur le corps compact de l’instrument. Cela suffit à créer une sorte de bourdon sur lequel la clarinette de Catherine Delaunay va tracer des lignes tendues d’intervalles inattendus, improbable synthèse oxymorique entre la netteté baroque et l’épanchement romantique. Puis la musique va se fondre dans le groupe instrumental, dans un esprit de jazz (très) contemporain, libre dans ses choix, implacable dans sa rigueur musicale. Au fil du concert chaque musicien prendra à un instant donné une parole soliste, et pourtant tout se passe, à chaque instant, dans un esprit collectif, tendu vers le but commun, ultime, d’accomplir une sombre beauté. Après un solo comme toujours ébouriffant du guitariste (en cet instant à douze cordes), le contre-ténor fait son entrée. Ce n’est pas une entrée en majesté, c’est une immersion dans le groupe : la musicalité et l’expression sont confondantes, servies par une écriture qui combine le phrasé musical et la prosodie littéraire dans une sorte de conflit collaboratif et fécond qui force l’admiration (c’est là qu’une première fois j’ai pensé à André Hodeir). D’étape en étape, de solo instrumental en geste collectif, la voix fait retour : la soprano exacerbe l’expressivité propre au texte avec une force, teintée d’extrêmes nuances, qui rend palpable l’angoisse du personnage. Et cette fois encore c’est le jeu infini sur la tension entre texte et mélodie qui porte l’émotion, laquelle parcourt les interprètes et se communique au public. Et dans la logique d’un cheminement qui se poursuit et s’accomplit, les moments instrumentaux (dont un duo qui associe trompette et clarinette) conduisent au duo vocal (presque) conclusif, qui dit et redit l’angoisse du remords, ultime mystère de la nuit qui ne livre pas son issue, sauf celle, fatale, de Lady Macbeth. C’est assurément une réussite : une œuvre d’une grande (et sombre) beauté, qui combine magistralement l’audace musicale, la virtuosité instrumentale et vocale, le sens de la forme et de la dramaturgie, et la magie de l’expression. Tout se conclut par une sorte de retour au mystère initial : Marc Ducret, devant sa table où repose horizontalement une guitare, rejoint l’univers des sons électro-acoustiques, comme si la conclusion n’était qu’une question, ouverte, au devenir de l’art et de la forme.
Xavier Prévost
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Cette œuvre sera reprise le 14 mars 2018 à l’Opéra de Lille
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Plus paresseux que Franck Bergerot, qui a mis son article en ligne moins de douze heures après la fin du concert (un article à lire en suivant ce lien), j’ai comme lui été captivé, et comme happé, par la densité artistique/musicale de cette nouvelle œuvre de Marc Ducret. Franck et moi avons partagé nos émotions d’auditeurs à l’issue du concert, et si à cet instant-là nous n’avons pas évoqué Anna Livia Plurabelle, j’y avais comme lui pensé au fil du concert, d’autant que je suis également en train de lire le livre de Pierre Fargeton sur André Hodeir. Et je me suis souvenu à cette occasion que Marc avait participé, au début des années 90, à la création sur scène, et à la nouvelle version phonographique, d’Anna Livia, sous la houlette de Patrice Caratini.

Ducert Lady M salut après rappel

MARC DUCRET : LADY M
Léa Trommenschlager (soprano), Rodrigo Ferreira (contre-ténor), Sylvain Bardiau (trompette, bugle), Catherine Delaunay (clarinettes, cor de basset), Régis Huby (violon, violon ténor), Joachim Florent (contrebasse, électronique), Sylvain Darrifourcq (batterie, percussions, électronique), Marc Ducret (guitares, électronique, composition, direction).
Pantin, La Dynamo, 23 juin 2017, 20h45
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Marc Ducret excelle dans l’évocation musicale d’œuvres littéraires, d’autant que son parti n’est jamais illustratif, mais semble plutôt procéder d’un désir d’évocation, quasi démiurgique, sous forme d’un art total. Et il y parvient chaque fois : ceux qui ont écouté ces dernières années, sur disque ou sur scène, les différentes étapes de Tower (inspiré par Nabokov) s’en convaincront facilement. Ici c’est Shakespeare, Macbeth, et plus précisément le personnage de Lady MacBeth, en proie au cinquième acte à la folie destructrice du remords qui s’exprime dans son célèbre monologue. Tout se déroule comme en une cérémonie secrète, en plein cœur des mystères de la nuit. Le premier mystère, quand le concert commence, est la présence du guitariste devant une table sur laquelle repose, à plat, une guitare électrique. Avec des geste d’alchimiste, le compositeur se fait manipulateur de sons, fait entrer les cordes en résonance avec une sorte d’excitateur électro-magnétique, la complicité d’un mug, et quelques gestes percussifs et discrets sur le corps compact de l’instrument. Cela suffit à créer une sorte de bourdon sur lequel la clarinette de Catherine Delaunay va tracer des lignes tendues d’intervalles inattendus, improbable synthèse oxymorique entre la netteté baroque et l’épanchement romantique. Puis la musique va se fondre dans le groupe instrumental, dans un esprit de jazz (très) contemporain, libre dans ses choix, implacable dans sa rigueur musicale. Au fil du concert chaque musicien prendra à un instant donné une parole soliste, et pourtant tout se passe, à chaque instant, dans un esprit collectif, tendu vers le but commun, ultime, d’accomplir une sombre beauté. Après un solo comme toujours ébouriffant du guitariste (en cet instant à douze cordes), le contre-ténor fait son entrée. Ce n’est pas une entrée en majesté, c’est une immersion dans le groupe : la musicalité et l’expression sont confondantes, servies par une écriture qui combine le phrasé musical et la prosodie littéraire dans une sorte de conflit collaboratif et fécond qui force l’admiration (c’est là qu’une première fois j’ai pensé à André Hodeir). D’étape en étape, de solo instrumental en geste collectif, la voix fait retour : la soprano exacerbe l’expressivité propre au texte avec une force, teintée d’extrêmes nuances, qui rend palpable l’angoisse du personnage. Et cette fois encore c’est le jeu infini sur la tension entre texte et mélodie qui porte l’émotion, laquelle parcourt les interprètes et se communique au public. Et dans la logique d’un cheminement qui se poursuit et s’accomplit, les moments instrumentaux (dont un duo qui associe trompette et clarinette) conduisent au duo vocal (presque) conclusif, qui dit et redit l’angoisse du remords, ultime mystère de la nuit qui ne livre pas son issue, sauf celle, fatale, de Lady Macbeth. C’est assurément une réussite : une œuvre d’une grande (et sombre) beauté, qui combine magistralement l’audace musicale, la virtuosité instrumentale et vocale, le sens de la forme et de la dramaturgie, et la magie de l’expression. Tout se conclut par une sorte de retour au mystère initial : Marc Ducret, devant sa table où repose horizontalement une guitare, rejoint l’univers des sons électro-acoustiques, comme si la conclusion n’était qu’une question, ouverte, au devenir de l’art et de la forme.
Xavier Prévost
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Cette œuvre sera reprise le 14 mars 2018 à l’Opéra de Lille
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Plus paresseux que Franck Bergerot, qui a mis son article en ligne moins de douze heures après la fin du concert (un article à lire en suivant ce lien), j’ai comme lui été captivé, et comme happé, par la densité artistique/musicale de cette nouvelle œuvre de Marc Ducret. Franck et moi avons partagé nos émotions d’auditeurs à l’issue du concert, et si à cet instant-là nous n’avons pas évoqué Anna Livia Plurabelle, j’y avais comme lui pensé au fil du concert, d’autant que je suis également en train de lire le livre de Pierre Fargeton sur André Hodeir. Et je me suis souvenu à cette occasion que Marc avait participé, au début des années 90, à la création sur scène, et à la nouvelle version phonographique, d’Anna Livia, sous la houlette de Patrice Caratini.

Ducert Lady M salut après rappel

MARC DUCRET : LADY M
Léa Trommenschlager (soprano), Rodrigo Ferreira (contre-ténor), Sylvain Bardiau (trompette, bugle), Catherine Delaunay (clarinettes, cor de basset), Régis Huby (violon, violon ténor), Joachim Florent (contrebasse, électronique), Sylvain Darrifourcq (batterie, percussions, électronique), Marc Ducret (guitares, électronique, composition, direction).
Pantin, La Dynamo, 23 juin 2017, 20h45
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Marc Ducret excelle dans l’évocation musicale d’œuvres littéraires, d’autant que son parti n’est jamais illustratif, mais semble plutôt procéder d’un désir d’évocation, quasi démiurgique, sous forme d’un art total. Et il y parvient chaque fois : ceux qui ont écouté ces dernières années, sur disque ou sur scène, les différentes étapes de Tower (inspiré par Nabokov) s’en convaincront facilement. Ici c’est Shakespeare, Macbeth, et plus précisément le personnage de Lady MacBeth, en proie au cinquième acte à la folie destructrice du remords qui s’exprime dans son célèbre monologue. Tout se déroule comme en une cérémonie secrète, en plein cœur des mystères de la nuit. Le premier mystère, quand le concert commence, est la présence du guitariste devant une table sur laquelle repose, à plat, une guitare électrique. Avec des geste d’alchimiste, le compositeur se fait manipulateur de sons, fait entrer les cordes en résonance avec une sorte d’excitateur électro-magnétique, la complicité d’un mug, et quelques gestes percussifs et discrets sur le corps compact de l’instrument. Cela suffit à créer une sorte de bourdon sur lequel la clarinette de Catherine Delaunay va tracer des lignes tendues d’intervalles inattendus, improbable synthèse oxymorique entre la netteté baroque et l’épanchement romantique. Puis la musique va se fondre dans le groupe instrumental, dans un esprit de jazz (très) contemporain, libre dans ses choix, implacable dans sa rigueur musicale. Au fil du concert chaque musicien prendra à un instant donné une parole soliste, et pourtant tout se passe, à chaque instant, dans un esprit collectif, tendu vers le but commun, ultime, d’accomplir une sombre beauté. Après un solo comme toujours ébouriffant du guitariste (en cet instant à douze cordes), le contre-ténor fait son entrée. Ce n’est pas une entrée en majesté, c’est une immersion dans le groupe : la musicalité et l’expression sont confondantes, servies par une écriture qui combine le phrasé musical et la prosodie littéraire dans une sorte de conflit collaboratif et fécond qui force l’admiration (c’est là qu’une première fois j’ai pensé à André Hodeir). D’étape en étape, de solo instrumental en geste collectif, la voix fait retour : la soprano exacerbe l’expressivité propre au texte avec une force, teintée d’extrêmes nuances, qui rend palpable l’angoisse du personnage. Et cette fois encore c’est le jeu infini sur la tension entre texte et mélodie qui porte l’émotion, laquelle parcourt les interprètes et se communique au public. Et dans la logique d’un cheminement qui se poursuit et s’accomplit, les moments instrumentaux (dont un duo qui associe trompette et clarinette) conduisent au duo vocal (presque) conclusif, qui dit et redit l’angoisse du remords, ultime mystère de la nuit qui ne livre pas son issue, sauf celle, fatale, de Lady Macbeth. C’est assurément une réussite : une œuvre d’une grande (et sombre) beauté, qui combine magistralement l’audace musicale, la virtuosité instrumentale et vocale, le sens de la forme et de la dramaturgie, et la magie de l’expression. Tout se conclut par une sorte de retour au mystère initial : Marc Ducret, devant sa table où repose horizontalement une guitare, rejoint l’univers des sons électro-acoustiques, comme si la conclusion n’était qu’une question, ouverte, au devenir de l’art et de la forme.
Xavier Prévost
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Cette œuvre sera reprise le 14 mars 2018 à l’Opéra de Lille
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