Jazz live
Publié le 20 Mar 2018

Nantes: Festival Variations (2/3)

Pas moins de huit concerts dans quatre lieux différents : le programme du festival en ce pluvieux samedi 17 mars était pour le moins dense. Impossible de tout voir, mais on a quand même fait le maximum !

Coup d’envoi à 15 heures au Lieu Unique, avec une proposition pas banale : dans le sillage de leur album “Pétrole”, les pianistes-concertistes Nathalie Darche et Carine Llobet interprétaient à quatre mains un programme sur-mesure composé pour elles par sept jazzmen, dont aucun, à l’exception notable de Baptiste Trotignon, n’est pianiste lui-même : John Hollenbeck, Alban Darche, Mathias Rüegg, David Chevallier, Geoffroy Tamisier et Victor Michaud. Confortablement installé sur des chaises longues, les spectateurs semblaient se préparer à une tranquille sieste musicale, mais la force de frappe conjuguée des deux pianos à queue, associée à une acoustique exagérément réverbérée, devait rendre l’expérience moins paisible qu’il n’y paraissait. La musique ? Il faudrait pouvoir dire un mot de chaque œuvre, mais on se risquera à l’appréciation globale suivante : bien écrite et de fort bon goût, un peu appliquée parfois, prisonnière peut-être de son admiration excessive pour la littérature pour piano du début du XXème siècle français.

 

Photo: David Gallard

La suite de la journée ne sera qu’une longue immersion dans toutes les variantes imaginables du courant minimaliste, tantôt fascinante, tantôt un peu éprouvante. Passons sur la naïveté pastorale du belge Dominique Lawalrée, comme sur l’avant-gardisme daté de Charlemagne Palestine, figure vieillie (d’autres vous diront « culte » ou « mythique ») de l’underground new-yorkais qui donna dans le délicieux écrin du Théâtre Graslin une performance à deux pianos digne de la Fontaine-urinoir de Duchamp. Attardons-nous plutôt sur l’accordéoniste américain (basé aux Pays-Bas) Leo Svirsky qui, dans une logique tout aussi jusqu’au-boutiste – de longs accords égrainés sous les voûtes de la cathédrale, dans un statisme quasi absolu – parvint à convaincre par l’engagement physique, voire extatique de sa prestation. Ou encore sur la prestation à la Chapelle de l’Immaculée Conception du trio australien The Necks, dont l’instrumentation piano-contrebasse-batterie et le rapport à l’improvisation présentaient des liens plus évidents avec le jazz, quoique avec un vocabulaire tout autre : une longue pièce d’un seul tenant à la dramaturgie finement maîtrisée, un lent crescendo dronologique m’évoquant par moment les explorations bruitistes des albums de Sonic Youth que j’écoutais dans ma pas si lointaine jeunesse.

 

Photo: David Gallard

Retour au Lieu Unique, enfin, pour une performance musicale sur des films expérimentaux du plasticien Xavier Veilhan (représentant de la France à la Biennale de Venise 2017, et également auteur de l’affiche du Festival), où Yuksek, Caterina Barbieri & Carlo Maria, Le Comte et Jonathan Fitoussi ont donné une illustration brillante de ce courant électro qui, prolongeant l’héritage de la musique dite concrète ou acousmatique, favorise l’exploration des textures et des ambiances aux beats technoïdes.

Pascal Rozat

Voir aussi:

Nantes: Festival Variations (1/3)

Nantes: Festival Variations (3/3)