Jazz live
Publié le 7 Oct 2015

Piano Jacobins 2015 : Paul Lay

Au cœur de Toulouse, le festival Piano aux Jacobins accueille trois semaines durant des interprètes venus de tous les continents faire vivre des œuvres de Bach, Beethoven, Brahms, Schubert ou Scriabine. On a encore pu entendre lors de cette 36e édition l’actrice Marthe Keller réciter de textes de Péguy, Maeterlinck et Rilke sur des musiques de Debussy, et plonger le regard dans les toiles abstraites de Monique Frydman. Si la musique classique constitue le cœur du programme, le jazz y est régulièrement accueilli. Cette année, ce fut au tour de Paul Lay et Monty Alexander de s’exprimer sur un Steinway hors classe, dans l’architecture médiévale du couvent des Jacobins.

Paul Lay (p)

Cloître des Jacobins, Toulouse, 26 septembre 2015

De Paul Lay j’ignorais tout jusqu’à ce soir, sinon qu’il avait récolté moult lauriers académiques et – c’est autrement important – les louanges de Martial Solal. J’avais encore pu l’entendre dans la formation Ping Machine, ensemble de quinze musiciens dans lequel il jouait aussi des claviers électriques, mais qui ne constituait pas la meilleure occasion de saisir toutes les subtilités de son jeu de piano. Ce concert en solo devant une salle comble était donc une excellente opportunité d’apprécier son art.

Après quelques minutes d’improvisation, le pianiste s’approprie une composition de Michel Legrand (You must believe in Spring / La chanson de Maxence) affectionnée par Bill Evans. Si l’influence de ce dernier sur Lay ne fait pas de doute, la virtuosité exaltée d’un Keith Jarrett n’est pas loin non plus. Dans l’esprit comme dans le geste, ce jazz doit beaucoup aux codes de la musique classique, cheveu fou et regard de braise inclus. Mais Lay se révèle humble et terre-à-terre, et sensible aux problèmes qui flétrissent notre monde. S’ensuit une succession de morceaux de bravoure dont on imagine la discipline exigée par leur préparation. Les amateurs de perfection formelle sont aux anges. Les notes s’envolent en rangs serrés, sans le moindre faux pas. Sincère dans sa démarche, le pianiste fait corps avec la direction esthétique qu’il s’est choisie. Le rôle de la mélodie est central, mais il ne faudrait pas passer sous silence l’impressionnante acuité rythmique à l’œuvre tout au long du concert. Un blues se mue en un Cheek to cheek bien taillé. Il ne faut pas beaucoup forcer son imagination pour voir se matérialiser dans l’atmosphère des silhouettes ondulantes le temps d’une Danse. Un œil jeté sur les côtés m’indique que chaque membre de l’assistance est suspendu aux envolées du pianiste. Pas question d’en perdre une miette ! Cette faculté de capter ainsi l’attention de spectateurs de tous âges n’est pas donnée à tout le monde. Une réussite qui résulte de la conjonction d’un propos à l’indéniable densité et de sa présentation en séquences bien pensées. De rares passages plus mordants, moins encadrés, sont également les bienvenus.

Après l’entracte, la musique se met à respirer davantage. Un blues dédié à Thelonious Monk (l’une des influences primordiales de Lay, avec Maurice RavelOscar Peterson et Herbie Hancock) passe par plusieurs phases. Vient le tour d’une plage élégiaque, basée sur une chanson traditionnelle suédoise. Où se niche le véritable Paul Lay? Peut-être dans une composition personnelle, dédiée aux peuples d’Erythrée et d’Afghanistan : Des sourires et des ombres. Le rythme évoque alors quelque mouvement de Georges Bizet, chaque accentuation venant solliciter l’idée du sublime telle qu’on peut la concevoir sous nos latitudes. Cela tombe bien, on est en présence du Créateur, et celui-ci ne manifeste pas son mécontentement. Un stride endiablé à tiroirs indique une nouvelle direction, et des relectures soignées de ‘Round Midnight et The man I love amènent la soirée à son terme. Parmi un public majoritairement jeune, des étudiantes confessent qu’il s’est agi-là de leur tout premier concert de jazz : pas une mauvaise façon de le découvrir !

David Cristol

Merci à Sophie Nicoly

Entretien avec Paul Lay (et extraits musicaux) en réécoute dans « La Matinale » de France Musique :

http://www.francemusique.fr/emission/la-matinale/2015-ete/paul-lay-au-festival-piano-aux-jacobins-08-28-2015-08-00

 |Au cœur de Toulouse, le festival Piano aux Jacobins accueille trois semaines durant des interprètes venus de tous les continents faire vivre des œuvres de Bach, Beethoven, Brahms, Schubert ou Scriabine. On a encore pu entendre lors de cette 36e édition l’actrice Marthe Keller réciter de textes de Péguy, Maeterlinck et Rilke sur des musiques de Debussy, et plonger le regard dans les toiles abstraites de Monique Frydman. Si la musique classique constitue le cœur du programme, le jazz y est régulièrement accueilli. Cette année, ce fut au tour de Paul Lay et Monty Alexander de s’exprimer sur un Steinway hors classe, dans l’architecture médiévale du couvent des Jacobins.

Paul Lay (p)

Cloître des Jacobins, Toulouse, 26 septembre 2015

De Paul Lay j’ignorais tout jusqu’à ce soir, sinon qu’il avait récolté moult lauriers académiques et – c’est autrement important – les louanges de Martial Solal. J’avais encore pu l’entendre dans la formation Ping Machine, ensemble de quinze musiciens dans lequel il jouait aussi des claviers électriques, mais qui ne constituait pas la meilleure occasion de saisir toutes les subtilités de son jeu de piano. Ce concert en solo devant une salle comble était donc une excellente opportunité d’apprécier son art.

Après quelques minutes d’improvisation, le pianiste s’approprie une composition de Michel Legrand (You must believe in Spring / La chanson de Maxence) affectionnée par Bill Evans. Si l’influence de ce dernier sur Lay ne fait pas de doute, la virtuosité exaltée d’un Keith Jarrett n’est pas loin non plus. Dans l’esprit comme dans le geste, ce jazz doit beaucoup aux codes de la musique classique, cheveu fou et regard de braise inclus. Mais Lay se révèle humble et terre-à-terre, et sensible aux problèmes qui flétrissent notre monde. S’ensuit une succession de morceaux de bravoure dont on imagine la discipline exigée par leur préparation. Les amateurs de perfection formelle sont aux anges. Les notes s’envolent en rangs serrés, sans le moindre faux pas. Sincère dans sa démarche, le pianiste fait corps avec la direction esthétique qu’il s’est choisie. Le rôle de la mélodie est central, mais il ne faudrait pas passer sous silence l’impressionnante acuité rythmique à l’œuvre tout au long du concert. Un blues se mue en un Cheek to cheek bien taillé. Il ne faut pas beaucoup forcer son imagination pour voir se matérialiser dans l’atmosphère des silhouettes ondulantes le temps d’une Danse. Un œil jeté sur les côtés m’indique que chaque membre de l’assistance est suspendu aux envolées du pianiste. Pas question d’en perdre une miette ! Cette faculté de capter ainsi l’attention de spectateurs de tous âges n’est pas donnée à tout le monde. Une réussite qui résulte de la conjonction d’un propos à l’indéniable densité et de sa présentation en séquences bien pensées. De rares passages plus mordants, moins encadrés, sont également les bienvenus.

Après l’entracte, la musique se met à respirer davantage. Un blues dédié à Thelonious Monk (l’une des influences primordiales de Lay, avec Maurice RavelOscar Peterson et Herbie Hancock) passe par plusieurs phases. Vient le tour d’une plage élégiaque, basée sur une chanson traditionnelle suédoise. Où se niche le véritable Paul Lay? Peut-être dans une composition personnelle, dédiée aux peuples d’Erythrée et d’Afghanistan : Des sourires et des ombres. Le rythme évoque alors quelque mouvement de Georges Bizet, chaque accentuation venant solliciter l’idée du sublime telle qu’on peut la concevoir sous nos latitudes. Cela tombe bien, on est en présence du Créateur, et celui-ci ne manifeste pas son mécontentement. Un stride endiablé à tiroirs indique une nouvelle direction, et des relectures soignées de ‘Round Midnight et The man I love amènent la soirée à son terme. Parmi un public majoritairement jeune, des étudiantes confessent qu’il s’est agi-là de leur tout premier concert de jazz : pas une mauvaise façon de le découvrir !

David Cristol

Merci à Sophie Nicoly

Entretien avec Paul Lay (et extraits musicaux) en réécoute dans « La Matinale » de France Musique :

http://www.francemusique.fr/emission/la-matinale/2015-ete/paul-lay-au-festival-piano-aux-jacobins-08-28-2015-08-00

 |Au cœur de Toulouse, le festival Piano aux Jacobins accueille trois semaines durant des interprètes venus de tous les continents faire vivre des œuvres de Bach, Beethoven, Brahms, Schubert ou Scriabine. On a encore pu entendre lors de cette 36e édition l’actrice Marthe Keller réciter de textes de Péguy, Maeterlinck et Rilke sur des musiques de Debussy, et plonger le regard dans les toiles abstraites de Monique Frydman. Si la musique classique constitue le cœur du programme, le jazz y est régulièrement accueilli. Cette année, ce fut au tour de Paul Lay et Monty Alexander de s’exprimer sur un Steinway hors classe, dans l’architecture médiévale du couvent des Jacobins.

Paul Lay (p)

Cloître des Jacobins, Toulouse, 26 septembre 2015

De Paul Lay j’ignorais tout jusqu’à ce soir, sinon qu’il avait récolté moult lauriers académiques et – c’est autrement important – les louanges de Martial Solal. J’avais encore pu l’entendre dans la formation Ping Machine, ensemble de quinze musiciens dans lequel il jouait aussi des claviers électriques, mais qui ne constituait pas la meilleure occasion de saisir toutes les subtilités de son jeu de piano. Ce concert en solo devant une salle comble était donc une excellente opportunité d’apprécier son art.

Après quelques minutes d’improvisation, le pianiste s’approprie une composition de Michel Legrand (You must believe in Spring / La chanson de Maxence) affectionnée par Bill Evans. Si l’influence de ce dernier sur Lay ne fait pas de doute, la virtuosité exaltée d’un Keith Jarrett n’est pas loin non plus. Dans l’esprit comme dans le geste, ce jazz doit beaucoup aux codes de la musique classique, cheveu fou et regard de braise inclus. Mais Lay se révèle humble et terre-à-terre, et sensible aux problèmes qui flétrissent notre monde. S’ensuit une succession de morceaux de bravoure dont on imagine la discipline exigée par leur préparation. Les amateurs de perfection formelle sont aux anges. Les notes s’envolent en rangs serrés, sans le moindre faux pas. Sincère dans sa démarche, le pianiste fait corps avec la direction esthétique qu’il s’est choisie. Le rôle de la mélodie est central, mais il ne faudrait pas passer sous silence l’impressionnante acuité rythmique à l’œuvre tout au long du concert. Un blues se mue en un Cheek to cheek bien taillé. Il ne faut pas beaucoup forcer son imagination pour voir se matérialiser dans l’atmosphère des silhouettes ondulantes le temps d’une Danse. Un œil jeté sur les côtés m’indique que chaque membre de l’assistance est suspendu aux envolées du pianiste. Pas question d’en perdre une miette ! Cette faculté de capter ainsi l’attention de spectateurs de tous âges n’est pas donnée à tout le monde. Une réussite qui résulte de la conjonction d’un propos à l’indéniable densité et de sa présentation en séquences bien pensées. De rares passages plus mordants, moins encadrés, sont également les bienvenus.

Après l’entracte, la musique se met à respirer davantage. Un blues dédié à Thelonious Monk (l’une des influences primordiales de Lay, avec Maurice RavelOscar Peterson et Herbie Hancock) passe par plusieurs phases. Vient le tour d’une plage élégiaque, basée sur une chanson traditionnelle suédoise. Où se niche le véritable Paul Lay? Peut-être dans une composition personnelle, dédiée aux peuples d’Erythrée et d’Afghanistan : Des sourires et des ombres. Le rythme évoque alors quelque mouvement de Georges Bizet, chaque accentuation venant solliciter l’idée du sublime telle qu’on peut la concevoir sous nos latitudes. Cela tombe bien, on est en présence du Créateur, et celui-ci ne manifeste pas son mécontentement. Un stride endiablé à tiroirs indique une nouvelle direction, et des relectures soignées de ‘Round Midnight et The man I love amènent la soirée à son terme. Parmi un public majoritairement jeune, des étudiantes confessent qu’il s’est agi-là de leur tout premier concert de jazz : pas une mauvaise façon de le découvrir !

David Cristol

Merci à Sophie Nicoly

Entretien avec Paul Lay (et extraits musicaux) en réécoute dans « La Matinale » de France Musique :

http://www.francemusique.fr/emission/la-matinale/2015-ete/paul-lay-au-festival-piano-aux-jacobins-08-28-2015-08-00

 |Au cœur de Toulouse, le festival Piano aux Jacobins accueille trois semaines durant des interprètes venus de tous les continents faire vivre des œuvres de Bach, Beethoven, Brahms, Schubert ou Scriabine. On a encore pu entendre lors de cette 36e édition l’actrice Marthe Keller réciter de textes de Péguy, Maeterlinck et Rilke sur des musiques de Debussy, et plonger le regard dans les toiles abstraites de Monique Frydman. Si la musique classique constitue le cœur du programme, le jazz y est régulièrement accueilli. Cette année, ce fut au tour de Paul Lay et Monty Alexander de s’exprimer sur un Steinway hors classe, dans l’architecture médiévale du couvent des Jacobins.

Paul Lay (p)

Cloître des Jacobins, Toulouse, 26 septembre 2015

De Paul Lay j’ignorais tout jusqu’à ce soir, sinon qu’il avait récolté moult lauriers académiques et – c’est autrement important – les louanges de Martial Solal. J’avais encore pu l’entendre dans la formation Ping Machine, ensemble de quinze musiciens dans lequel il jouait aussi des claviers électriques, mais qui ne constituait pas la meilleure occasion de saisir toutes les subtilités de son jeu de piano. Ce concert en solo devant une salle comble était donc une excellente opportunité d’apprécier son art.

Après quelques minutes d’improvisation, le pianiste s’approprie une composition de Michel Legrand (You must believe in Spring / La chanson de Maxence) affectionnée par Bill Evans. Si l’influence de ce dernier sur Lay ne fait pas de doute, la virtuosité exaltée d’un Keith Jarrett n’est pas loin non plus. Dans l’esprit comme dans le geste, ce jazz doit beaucoup aux codes de la musique classique, cheveu fou et regard de braise inclus. Mais Lay se révèle humble et terre-à-terre, et sensible aux problèmes qui flétrissent notre monde. S’ensuit une succession de morceaux de bravoure dont on imagine la discipline exigée par leur préparation. Les amateurs de perfection formelle sont aux anges. Les notes s’envolent en rangs serrés, sans le moindre faux pas. Sincère dans sa démarche, le pianiste fait corps avec la direction esthétique qu’il s’est choisie. Le rôle de la mélodie est central, mais il ne faudrait pas passer sous silence l’impressionnante acuité rythmique à l’œuvre tout au long du concert. Un blues se mue en un Cheek to cheek bien taillé. Il ne faut pas beaucoup forcer son imagination pour voir se matérialiser dans l’atmosphère des silhouettes ondulantes le temps d’une Danse. Un œil jeté sur les côtés m’indique que chaque membre de l’assistance est suspendu aux envolées du pianiste. Pas question d’en perdre une miette ! Cette faculté de capter ainsi l’attention de spectateurs de tous âges n’est pas donnée à tout le monde. Une réussite qui résulte de la conjonction d’un propos à l’indéniable densité et de sa présentation en séquences bien pensées. De rares passages plus mordants, moins encadrés, sont également les bienvenus.

Après l’entracte, la musique se met à respirer davantage. Un blues dédié à Thelonious Monk (l’une des influences primordiales de Lay, avec Maurice RavelOscar Peterson et Herbie Hancock) passe par plusieurs phases. Vient le tour d’une plage élégiaque, basée sur une chanson traditionnelle suédoise. Où se niche le véritable Paul Lay? Peut-être dans une composition personnelle, dédiée aux peuples d’Erythrée et d’Afghanistan : Des sourires et des ombres. Le rythme évoque alors quelque mouvement de Georges Bizet, chaque accentuation venant solliciter l’idée du sublime telle qu’on peut la concevoir sous nos latitudes. Cela tombe bien, on est en présence du Créateur, et celui-ci ne manifeste pas son mécontentement. Un stride endiablé à tiroirs indique une nouvelle direction, et des relectures soignées de ‘Round Midnight et The man I love amènent la soirée à son terme. Parmi un public majoritairement jeune, des étudiantes confessent qu’il s’est agi-là de leur tout premier concert de jazz : pas une mauvaise façon de le découvrir !

David Cristol

Merci à Sophie Nicoly

Entretien avec Paul Lay (et extraits musicaux) en réécoute dans « La Matinale » de France Musique :

http://www.francemusique.fr/emission/la-matinale/2015-ete/paul-lay-au-festival-piano-aux-jacobins-08-28-2015-08-00