Jazz live
Publié le 26 Jan 2018

Tulle : l’autre ville des « strange fruit » fait un très bel accueil à la musique résistante de Naïssam Jalal (Du Bleu en Hiver)

Le "Bleu en Hiver" était hier soir à l'heure de la résistance artistique de Naïssam Jalal, puis à la folie douce des "Freaks" de Théo Ceccaldi.

On sait – du moins on devrait savoir – que Tulle (chef-lieu de la Corrèze) a été le centre d’une forte résistance à l’occupant lors de la WW2, qui lui a valu (entre autres) le déferlement de la sinistre division « Das Reich », et la pendaison aux balcons de la ville de 99 hommes. Strange fruit. C’est dans ce contexte historique que Naissam Jalal (fl, voix, comp) est venu faire entendre sa voix de résistante, en compagnie de Mehdi Chaïb (ts, ss, perc), Karsten Hochapfel (g, cello), Zacharie Abraham (b) et Arnaud Dolmen (dm).

Concert magnifique, bien plus fourni et généreusement déployé que lorsque ce même groupe s’était produit à Berlin, en 2016 je crois. Sans écarter, bien au contraire, la dimension de « résistance » de sa musique (Naïssam est franco-syrienne), la flûtiste y trouve l’occasion de décliner de multiples manières de nombreux motifs musicaux. Elle évoque de façon très sensible ainsi la marche pacifique, la violence de la répression, la plainte, la prière, le cri, la révolte, les hurlements, mais aussi la douceur de la paix, le calme déterminé du peuple, le refuge de l’amour, la rencontre. Écrite avec un art consommé des métriques de la musique arabe, mais dans un registre global harmoniquement très proche de la musique occidentale, Naïssam a su constituer une équipe de vaillants combattants, où Karsten Hochapfel sait passer du lyrique du violoncelle aux accents jazz de la guitare, cependant que Zacharie Abraham assure des lignes tirées au cordeau, et de fort justes notes tenues. Arnaud Dolmen déploie avec science et bonheur un art de la batterie qui doit beaucoup aux polyrythmies contemporaines, et le frère Mehdi Chaïb utilise le soprano comme un instrument parfaitement oriental, se poursuivant lui-même dans des déboulés audacieux au ténor et sachant ajouter, quand il le faut, son art des percussions. Long et beau concert, acclamé par un public nombreux et conquis, suivi d’une longue série de dédicaces.

Les « Freaks » de Théo Ceccaldi ont suivi. Mais c’est une autre histoire que nous vous conterons peut-être.

Ce soir à 19.00, Théâtre de Tulle : Ork. À 21.30 : Leïla Martial « Baa Box ». Samedi « Petite Vengeance », « Electric Vocuhila ». Fil rouge : Étienne Ziemniak. Très attendu le concert de Nox.3 & Linda Oláh, samedi à 12.30. À vos claviers.

Philippe Méziat