Jazz live
Publié le 14 Avr 2020

Andy Gonzalez: un dernier un éternel tumbao*

Les nouvelles se bousculent et ce décès nous avait échappé : le contrebassiste Andy Gonzalez a succombé des conséquences du diabète le 9 avril dernier dans le Bronx. Son nom n’était pas le plus connu des amateurs de jazz, mais ce frère cadet du trompettiste et percussionniste Jerry Gonzalez fut la cheville ouvrière du Fort Apache Band et l’une des figures les plus influentes de la contrebasse moderne.

Andy Gonzalez était né le 1er janvier 1951 dans une famille portoricaine du Bronx. Grandi à l’écoute des musiques afro-caribéennes, il étudia le violon à l’école avant de se voir confier le pupitre de contrebasse. Après des leçons auprès de Steve Swallow (qu’il retrouvera plus tard chez Kip Hanrahan notamment sur « Days and Nights of Blue Luck Inverted »), il étudia à la High School of Music & Art de New York tout en commençant à se faire un nom sur la scène de la Grosse Pomme, très vite auprès des plus grands : Dizzy Gillespie avec lequel il enregistre dès ses vingt ans, Ray Barretto, Eddie Palmieri, Houston Person et Clifford Thornton.

Quittant l’orchestre de Palmieri en 1974 avec le percussionniste Manny Oquendo, il fonde avec ce dernier le Conjunto Libre jouant sur la vitalité commune à la salsa alors en pleine explosion et la scène jazz du moment, le tout avec la complicité notamment du tromboniste Steve Turre, du flûtiste Dave Valentin et du pianiste Oscar Hernandez, une expérience qui trouva ses prolongements – Andy restant directeur musical de l’orchestre d’Oquendo – avec la création par les frères Gonzalez du Grupo Folklorico y Experimental Nuevayorquino, collectif agitateur de tout ce que la salsa commençait à concevoir d’académisme, puis avec la rencontre avec Kip Hanrahan qui produisit “Ya Yo Me Cure” sous le nom de Jerry Gonzalez, avec le chanteur Milton Cardona, les deux tiers de la section de trombone de Conjuto Libre (Papo Vazquez et Steve Turre), Mario Rivera (saxophoniste historique du latin jazz), le pianiste Hilton Ruiz, Andy à la contrebasse et une phalange de six percussionnistes ajoutés aux percussions du leader-trompettiste. Les reprises de Nefertiti, Caravan et Evidence ouvraient la voie au Fort Apache Band de Jerry qui fit sensation par sa capacité à libérer le discours des solistes sur le modèle du jazz moderne tout en magnifiant la profusion polyrythmique afro-cubaine. Rien de ceci n’aurait été possible sans les tumbao* post-bop du frère Andy qui ont depuis fait référence auprès de plusieurs générations de contrebassistes, grâce à lui équipés pour aborder “l’ère des claves” – voyez Avishai Cohen – et auprès de musiciens en tous genres tels le pianiste Arturo O’Farrill dont il propulsait le big band et qui le considérait comme son mentor. Franck Bergerot
* Formule ostinato tout en syncope qui, combinée à la clave, constitue l’assise de la musique cubaine

A écouter :

Nefertiti, Evidence, Caravan
Jerry Gonzalez « Ya Yo Me Curé », 1979, American Clavé

Bye Ya, Nutty, Jackie-Ing
Jerry Gonzalez « Rumba Para Monk », 1988, Sunnyside

Obsession, Sumertime, El Toro
Jerry Gonzalez « Moliendo Cafe », 1991, Sunnyside