Jazz live
Publié le 3 Juil 2017

Oloron (5): Miguel Zenon, Chris Potter, sax tension

Tension/détente: l’utilisation de cette opposition de phases reste le creuset de la réussite dans l’exposition de la musique live vis à vis de l’audience. Avec deux saxophonistes du calibre de Miguel Zenon et Chris Potter ou la découverte d’un pianiste de la scène germanique la stratégie diffère pour y parvenir.

Tingvall trio: Martin Tingvall (p), Omar Rodriguez Calvo (b), Jurgen Spiegel (dm)

Miguel Zenon (as), Luis Perdomo (p), Hans Glawischnig (b), Henry Cole (dm)

Chris Potter (as, bcl, fl), James Francies (p, keyb), Mark Mondésir (dm)

Des Rives et des Notes, Salle Jéliote, Oloron Sainte-Marie (64400), 2,3 juillet

Tinvall: un trio piano jazz, un trio encore. Un trio de plus ? Celui là peut se montrer explosif sur un thème (Moustache) avec trois forces instrumentales jointes pour ce faire, au bout d’une séries d’accords  plaqués forts. Et autant de formules rythmiques impulsées via le batteur. Ceci dit le groupe se plait aussi à cultiver les contrastes. Martin Tingvall, pianiste de Hambourg volubile, profite d’une main droite très libre, entreprenante dans l’expression de la mélodie, au registre des aigües en particulier. De quoi conférer un équilibre certain sur les balades. Alors bon, ce n’est pas E.S.T, mais pour qui a souvent entendu ce trio iconique du début du XXIe on ne peut qu’y songer. De par une méthodologie similaire dans la progression emphatique de rythmes, de schémas et leur effet démultiplicateur. Ce piano (jazz) là vibre auprès du public. Donc à l’évidence vit sa vie

 IMG_4311

Curieuse réaction, paradoxale sans doute. D’aucuns au final du concert béarnais évoquaient à propos de sa musique une tendance au « trop savant », « trop bien joué « pour ne pas dire trop parfaitement «ficelé «. Faudrait-il donc reprocher à Miguel Zenon un plus, un trop de qualité instrumentale (pour lui), musicale (pour l’orchestre) ? Autant le dire tout de suite: le jazz concocté par le sax portoricain est à évidence tout sauf une musique mécanique. Plus surement le fruit d’un pensée originale, un travail suivi

Luis Perdomo

Luis Perdomo

Bon, « news first »  comme on dit dans les écoles de journalisme, les faits rien que les faits. Sur la scène de la petite salle confortable de Jéliote, comme en d’autres occasions Miguel Zenon part sur le saxophoniste alto, seul instrument sur lequel il concentre sa pratique. Il y fait preuve de maîtrise dans l’action. Il en garde toujours un étonnant contrôle, oui, tant dans la sonorité légèrement acidulée que dans les entrées de thème et de chorus, les inflexions, la puissance dégagée. Sans se départir pour autant de possibles trouvailles, décalages et autres digressions de couleurs. Qualité du son, enrichissement des souffles perlés d’un léger voilage qui le fait reconnaître illico. Qualité du collectif également du à une longue maturation « Nous cherchons, nous travaillons ensemble depuis une quinzaine d’années… » De quoi expliquer par exemple l’attaque du concert plein fer,  Academia thème engagé sur un tempo hyper rapide,  blocs de sons innervés de la densité du propos. Cantor, composition au nom prédestiné, figure un chant initié en solo (notes très détachées, tenues) puis relayé par l’orchestre dans un monde quasi acoustique (les mailloches de Richie Cole, en caresse de caisses) chacun des instruments posant une empreinte naturelle. A fines touches. Vient ensuite un enchainement de lignes créées in extenso puis en guise de final une trainée de mélodies croisées,  superposées avec celles du piano de la part du complice de toujours, Luis Perdomo, aspirées en vitesse accélérée comme dans une spirale sans fin. Corteza, Sangre de mi sangre etc., l’album Tipico se trouve ainsi passé en revue (au passage, dommage que cette concentration extrême des musiciens ne puisse laisser le loisir de présenter les morceaux, de donner au public un minimum de repères sinon de respiration) Dans le cas précis du quartet, les montées en tension, la transmission de l’intérêt musical, le partage du sens, s’opère ici dans un effort conjugué, collectif. Gage vérifié d’une qualité artistique extrême.

Chris Potter

Chris Potter

Chris Potter en point d’orgue du festival oloronnais. Là encore il y a l’air (la pression ?) du temps. Désormais en matière de jazz tout instrument quel qu’il soit se trouve potentiellement modifiable par un possible trafic sonore. D’entrée de jeu le saxophoniste américain a du mal avec ses pédales d’effet. En l’occurence le déclenchement au pied d’un séquenceur pour l’effet (écho) loop….loupé. Un tantinet « attrapé » comme l’on dirait d’un écolier pris en faute, Il en sourit ensuite auprès de ses partenaires. Puis envoie direct une sonorité de ténor très caractéristique, reconnaissable chez lui, ciselée bien ronde, prégnante en chaque occasion (Village eyes, In love too easily, The dreamer is the dream –titre éponyme du CD ECM/Universal )  Mark Mondésir batteur britannique que l’on a entendu aux côtés de Mc Laughlin ou Zawinul notamment, par des crépitements de flammes très ciblés fait monter les fonds de sauce au besoin. Chris Potter use de la flûte (motifs d’apaisement, son marqué de douceur) ou de la clarinette basse (moins convaincant dans le contexte sinon dans une simple optique de coloration) James Francies ( 22 ans à peine, que l’on dit protégé de Robert Glasper), tient dans ce nouveau trio un rôle central. Plus signifiant, pertinent semble-t-il dans le lien harmonique entretenu par le biais du piano acoustique que dans le nappage sonore trop systématique produit par les claviers électroniques. Cette formule à trois laisse clairement à Chris Potter une place élargie entre expositions des thèmes, ponts, relances  et longues phrases à développement multiple. Du cousu main pour son intention créative. D’autant qu’il ne s’agissait que du second concert donné avec cette formation. La veille à Londres pour une première il pleuvait dru, à ses dires, au pied d’une scène dressée en plein air. Pas vraiment la fête pour attirer du public, chauffer un répertoire neuf…

Le set prolongée de deux rappels (« Pas davantage svp plaisantait le saxophoniste, car nous n’avons plus rien à jouer !… » ) fut en tous cas l’occasion  d’un final en position (musique) haute pour Des Rives et des Notes. Un festival qui fêtera un 1/4 de siècle d’existence l’an prochain.

 Robert Latxague

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Tension/détente: l’utilisation de cette opposition de phases reste le creuset de la réussite dans l’exposition de la musique live vis à vis de l’audience. Avec deux saxophonistes du calibre de Miguel Zenon et Chris Potter ou la découverte d’un pianiste de la scène germanique la stratégie diffère pour y parvenir.

Tingvall trio: Martin Tingvall (p), Omar Rodriguez Calvo (b), Jurgen Spiegel (dm)

Miguel Zenon (as), Luis Perdomo (p), Hans Glawischnig (b), Henry Cole (dm)

Chris Potter (as, bcl, fl), James Francies (p, keyb), Mark Mondésir (dm)

Des Rives et des Notes, Salle Jéliote, Oloron Sainte-Marie (64400), 2,3 juillet

Tinvall: un trio piano jazz, un trio encore. Un trio de plus ? Celui là peut se montrer explosif sur un thème (Moustache) avec trois forces instrumentales jointes pour ce faire, au bout d’une séries d’accords  plaqués forts. Et autant de formules rythmiques impulsées via le batteur. Ceci dit le groupe se plait aussi à cultiver les contrastes. Martin Tingvall, pianiste de Hambourg volubile, profite d’une main droite très libre, entreprenante dans l’expression de la mélodie, au registre des aigües en particulier. De quoi conférer un équilibre certain sur les balades. Alors bon, ce n’est pas E.S.T, mais pour qui a souvent entendu ce trio iconique du début du XXIe on ne peut qu’y songer. De par une méthodologie similaire dans la progression emphatique de rythmes, de schémas et leur effet démultiplicateur. Ce piano (jazz) là vibre auprès du public. Donc à l’évidence vit sa vie

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Curieuse réaction, paradoxale sans doute. D’aucuns au final du concert béarnais évoquaient à propos de sa musique une tendance au « trop savant », « trop bien joué « pour ne pas dire trop parfaitement «ficelé «. Faudrait-il donc reprocher à Miguel Zenon un plus, un trop de qualité instrumentale (pour lui), musicale (pour l’orchestre) ? Autant le dire tout de suite: le jazz concocté par le sax portoricain est à évidence tout sauf une musique mécanique. Plus surement le fruit d’un pensée originale, un travail suivi

Luis Perdomo

Luis Perdomo

Bon, « news first »  comme on dit dans les écoles de journalisme, les faits rien que les faits. Sur la scène de la petite salle confortable de Jéliote, comme en d’autres occasions Miguel Zenon part sur le saxophoniste alto, seul instrument sur lequel il concentre sa pratique. Il y fait preuve de maîtrise dans l’action. Il en garde toujours un étonnant contrôle, oui, tant dans la sonorité légèrement acidulée que dans les entrées de thème et de chorus, les inflexions, la puissance dégagée. Sans se départir pour autant de possibles trouvailles, décalages et autres digressions de couleurs. Qualité du son, enrichissement des souffles perlés d’un léger voilage qui le fait reconnaître illico. Qualité du collectif également du à une longue maturation « Nous cherchons, nous travaillons ensemble depuis une quinzaine d’années… » De quoi expliquer par exemple l’attaque du concert plein fer,  Academia thème engagé sur un tempo hyper rapide,  blocs de sons innervés de la densité du propos. Cantor, composition au nom prédestiné, figure un chant initié en solo (notes très détachées, tenues) puis relayé par l’orchestre dans un monde quasi acoustique (les mailloches de Richie Cole, en caresse de caisses) chacun des instruments posant une empreinte naturelle. A fines touches. Vient ensuite un enchainement de lignes créées in extenso puis en guise de final une trainée de mélodies croisées,  superposées avec celles du piano de la part du complice de toujours, Luis Perdomo, aspirées en vitesse accélérée comme dans une spirale sans fin. Corteza, Sangre de mi sangre etc., l’album Tipico se trouve ainsi passé en revue (au passage, dommage que cette concentration extrême des musiciens ne puisse laisser le loisir de présenter les morceaux, de donner au public un minimum de repères sinon de respiration) Dans le cas précis du quartet, les montées en tension, la transmission de l’intérêt musical, le partage du sens, s’opère ici dans un effort conjugué, collectif. Gage vérifié d’une qualité artistique extrême.

Chris Potter

Chris Potter

Chris Potter en point d’orgue du festival oloronnais. Là encore il y a l’air (la pression ?) du temps. Désormais en matière de jazz tout instrument quel qu’il soit se trouve potentiellement modifiable par un possible trafic sonore. D’entrée de jeu le saxophoniste américain a du mal avec ses pédales d’effet. En l’occurence le déclenchement au pied d’un séquenceur pour l’effet (écho) loop….loupé. Un tantinet « attrapé » comme l’on dirait d’un écolier pris en faute, Il en sourit ensuite auprès de ses partenaires. Puis envoie direct une sonorité de ténor très caractéristique, reconnaissable chez lui, ciselée bien ronde, prégnante en chaque occasion (Village eyes, In love too easily, The dreamer is the dream –titre éponyme du CD ECM/Universal )  Mark Mondésir batteur britannique que l’on a entendu aux côtés de Mc Laughlin ou Zawinul notamment, par des crépitements de flammes très ciblés fait monter les fonds de sauce au besoin. Chris Potter use de la flûte (motifs d’apaisement, son marqué de douceur) ou de la clarinette basse (moins convaincant dans le contexte sinon dans une simple optique de coloration) James Francies ( 22 ans à peine, que l’on dit protégé de Robert Glasper), tient dans ce nouveau trio un rôle central. Plus signifiant, pertinent semble-t-il dans le lien harmonique entretenu par le biais du piano acoustique que dans le nappage sonore trop systématique produit par les claviers électroniques. Cette formule à trois laisse clairement à Chris Potter une place élargie entre expositions des thèmes, ponts, relances  et longues phrases à développement multiple. Du cousu main pour son intention créative. D’autant qu’il ne s’agissait que du second concert donné avec cette formation. La veille à Londres pour une première il pleuvait dru, à ses dires, au pied d’une scène dressée en plein air. Pas vraiment la fête pour attirer du public, chauffer un répertoire neuf…

Le set prolongée de deux rappels (« Pas davantage svp plaisantait le saxophoniste, car nous n’avons plus rien à jouer !… » ) fut en tous cas l’occasion  d’un final en position (musique) haute pour Des Rives et des Notes. Un festival qui fêtera un 1/4 de siècle d’existence l’an prochain.

 Robert Latxague

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Tension/détente: l’utilisation de cette opposition de phases reste le creuset de la réussite dans l’exposition de la musique live vis à vis de l’audience. Avec deux saxophonistes du calibre de Miguel Zenon et Chris Potter ou la découverte d’un pianiste de la scène germanique la stratégie diffère pour y parvenir.

Tingvall trio: Martin Tingvall (p), Omar Rodriguez Calvo (b), Jurgen Spiegel (dm)

Miguel Zenon (as), Luis Perdomo (p), Hans Glawischnig (b), Henry Cole (dm)

Chris Potter (as, bcl, fl), James Francies (p, keyb), Mark Mondésir (dm)

Des Rives et des Notes, Salle Jéliote, Oloron Sainte-Marie (64400), 2,3 juillet

Tinvall: un trio piano jazz, un trio encore. Un trio de plus ? Celui là peut se montrer explosif sur un thème (Moustache) avec trois forces instrumentales jointes pour ce faire, au bout d’une séries d’accords  plaqués forts. Et autant de formules rythmiques impulsées via le batteur. Ceci dit le groupe se plait aussi à cultiver les contrastes. Martin Tingvall, pianiste de Hambourg volubile, profite d’une main droite très libre, entreprenante dans l’expression de la mélodie, au registre des aigües en particulier. De quoi conférer un équilibre certain sur les balades. Alors bon, ce n’est pas E.S.T, mais pour qui a souvent entendu ce trio iconique du début du XXIe on ne peut qu’y songer. De par une méthodologie similaire dans la progression emphatique de rythmes, de schémas et leur effet démultiplicateur. Ce piano (jazz) là vibre auprès du public. Donc à l’évidence vit sa vie

 IMG_4311

Curieuse réaction, paradoxale sans doute. D’aucuns au final du concert béarnais évoquaient à propos de sa musique une tendance au « trop savant », « trop bien joué « pour ne pas dire trop parfaitement «ficelé «. Faudrait-il donc reprocher à Miguel Zenon un plus, un trop de qualité instrumentale (pour lui), musicale (pour l’orchestre) ? Autant le dire tout de suite: le jazz concocté par le sax portoricain est à évidence tout sauf une musique mécanique. Plus surement le fruit d’un pensée originale, un travail suivi

Luis Perdomo

Luis Perdomo

Bon, « news first »  comme on dit dans les écoles de journalisme, les faits rien que les faits. Sur la scène de la petite salle confortable de Jéliote, comme en d’autres occasions Miguel Zenon part sur le saxophoniste alto, seul instrument sur lequel il concentre sa pratique. Il y fait preuve de maîtrise dans l’action. Il en garde toujours un étonnant contrôle, oui, tant dans la sonorité légèrement acidulée que dans les entrées de thème et de chorus, les inflexions, la puissance dégagée. Sans se départir pour autant de possibles trouvailles, décalages et autres digressions de couleurs. Qualité du son, enrichissement des souffles perlés d’un léger voilage qui le fait reconnaître illico. Qualité du collectif également du à une longue maturation « Nous cherchons, nous travaillons ensemble depuis une quinzaine d’années… » De quoi expliquer par exemple l’attaque du concert plein fer,  Academia thème engagé sur un tempo hyper rapide,  blocs de sons innervés de la densité du propos. Cantor, composition au nom prédestiné, figure un chant initié en solo (notes très détachées, tenues) puis relayé par l’orchestre dans un monde quasi acoustique (les mailloches de Richie Cole, en caresse de caisses) chacun des instruments posant une empreinte naturelle. A fines touches. Vient ensuite un enchainement de lignes créées in extenso puis en guise de final une trainée de mélodies croisées,  superposées avec celles du piano de la part du complice de toujours, Luis Perdomo, aspirées en vitesse accélérée comme dans une spirale sans fin. Corteza, Sangre de mi sangre etc., l’album Tipico se trouve ainsi passé en revue (au passage, dommage que cette concentration extrême des musiciens ne puisse laisser le loisir de présenter les morceaux, de donner au public un minimum de repères sinon de respiration) Dans le cas précis du quartet, les montées en tension, la transmission de l’intérêt musical, le partage du sens, s’opère ici dans un effort conjugué, collectif. Gage vérifié d’une qualité artistique extrême.

Chris Potter

Chris Potter

Chris Potter en point d’orgue du festival oloronnais. Là encore il y a l’air (la pression ?) du temps. Désormais en matière de jazz tout instrument quel qu’il soit se trouve potentiellement modifiable par un possible trafic sonore. D’entrée de jeu le saxophoniste américain a du mal avec ses pédales d’effet. En l’occurence le déclenchement au pied d’un séquenceur pour l’effet (écho) loop….loupé. Un tantinet « attrapé » comme l’on dirait d’un écolier pris en faute, Il en sourit ensuite auprès de ses partenaires. Puis envoie direct une sonorité de ténor très caractéristique, reconnaissable chez lui, ciselée bien ronde, prégnante en chaque occasion (Village eyes, In love too easily, The dreamer is the dream –titre éponyme du CD ECM/Universal )  Mark Mondésir batteur britannique que l’on a entendu aux côtés de Mc Laughlin ou Zawinul notamment, par des crépitements de flammes très ciblés fait monter les fonds de sauce au besoin. Chris Potter use de la flûte (motifs d’apaisement, son marqué de douceur) ou de la clarinette basse (moins convaincant dans le contexte sinon dans une simple optique de coloration) James Francies ( 22 ans à peine, que l’on dit protégé de Robert Glasper), tient dans ce nouveau trio un rôle central. Plus signifiant, pertinent semble-t-il dans le lien harmonique entretenu par le biais du piano acoustique que dans le nappage sonore trop systématique produit par les claviers électroniques. Cette formule à trois laisse clairement à Chris Potter une place élargie entre expositions des thèmes, ponts, relances  et longues phrases à développement multiple. Du cousu main pour son intention créative. D’autant qu’il ne s’agissait que du second concert donné avec cette formation. La veille à Londres pour une première il pleuvait dru, à ses dires, au pied d’une scène dressée en plein air. Pas vraiment la fête pour attirer du public, chauffer un répertoire neuf…

Le set prolongée de deux rappels (« Pas davantage svp plaisantait le saxophoniste, car nous n’avons plus rien à jouer !… » ) fut en tous cas l’occasion  d’un final en position (musique) haute pour Des Rives et des Notes. Un festival qui fêtera un 1/4 de siècle d’existence l’an prochain.

 Robert Latxague

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Tension/détente: l’utilisation de cette opposition de phases reste le creuset de la réussite dans l’exposition de la musique live vis à vis de l’audience. Avec deux saxophonistes du calibre de Miguel Zenon et Chris Potter ou la découverte d’un pianiste de la scène germanique la stratégie diffère pour y parvenir.

Tingvall trio: Martin Tingvall (p), Omar Rodriguez Calvo (b), Jurgen Spiegel (dm)

Miguel Zenon (as), Luis Perdomo (p), Hans Glawischnig (b), Henry Cole (dm)

Chris Potter (as, bcl, fl), James Francies (p, keyb), Mark Mondésir (dm)

Des Rives et des Notes, Salle Jéliote, Oloron Sainte-Marie (64400), 2,3 juillet

Tinvall: un trio piano jazz, un trio encore. Un trio de plus ? Celui là peut se montrer explosif sur un thème (Moustache) avec trois forces instrumentales jointes pour ce faire, au bout d’une séries d’accords  plaqués forts. Et autant de formules rythmiques impulsées via le batteur. Ceci dit le groupe se plait aussi à cultiver les contrastes. Martin Tingvall, pianiste de Hambourg volubile, profite d’une main droite très libre, entreprenante dans l’expression de la mélodie, au registre des aigües en particulier. De quoi conférer un équilibre certain sur les balades. Alors bon, ce n’est pas E.S.T, mais pour qui a souvent entendu ce trio iconique du début du XXIe on ne peut qu’y songer. De par une méthodologie similaire dans la progression emphatique de rythmes, de schémas et leur effet démultiplicateur. Ce piano (jazz) là vibre auprès du public. Donc à l’évidence vit sa vie

 IMG_4311

Curieuse réaction, paradoxale sans doute. D’aucuns au final du concert béarnais évoquaient à propos de sa musique une tendance au « trop savant », « trop bien joué « pour ne pas dire trop parfaitement «ficelé «. Faudrait-il donc reprocher à Miguel Zenon un plus, un trop de qualité instrumentale (pour lui), musicale (pour l’orchestre) ? Autant le dire tout de suite: le jazz concocté par le sax portoricain est à évidence tout sauf une musique mécanique. Plus surement le fruit d’un pensée originale, un travail suivi

Luis Perdomo

Luis Perdomo

Bon, « news first »  comme on dit dans les écoles de journalisme, les faits rien que les faits. Sur la scène de la petite salle confortable de Jéliote, comme en d’autres occasions Miguel Zenon part sur le saxophoniste alto, seul instrument sur lequel il concentre sa pratique. Il y fait preuve de maîtrise dans l’action. Il en garde toujours un étonnant contrôle, oui, tant dans la sonorité légèrement acidulée que dans les entrées de thème et de chorus, les inflexions, la puissance dégagée. Sans se départir pour autant de possibles trouvailles, décalages et autres digressions de couleurs. Qualité du son, enrichissement des souffles perlés d’un léger voilage qui le fait reconnaître illico. Qualité du collectif également du à une longue maturation « Nous cherchons, nous travaillons ensemble depuis une quinzaine d’années… » De quoi expliquer par exemple l’attaque du concert plein fer,  Academia thème engagé sur un tempo hyper rapide,  blocs de sons innervés de la densité du propos. Cantor, composition au nom prédestiné, figure un chant initié en solo (notes très détachées, tenues) puis relayé par l’orchestre dans un monde quasi acoustique (les mailloches de Richie Cole, en caresse de caisses) chacun des instruments posant une empreinte naturelle. A fines touches. Vient ensuite un enchainement de lignes créées in extenso puis en guise de final une trainée de mélodies croisées,  superposées avec celles du piano de la part du complice de toujours, Luis Perdomo, aspirées en vitesse accélérée comme dans une spirale sans fin. Corteza, Sangre de mi sangre etc., l’album Tipico se trouve ainsi passé en revue (au passage, dommage que cette concentration extrême des musiciens ne puisse laisser le loisir de présenter les morceaux, de donner au public un minimum de repères sinon de respiration) Dans le cas précis du quartet, les montées en tension, la transmission de l’intérêt musical, le partage du sens, s’opère ici dans un effort conjugué, collectif. Gage vérifié d’une qualité artistique extrême.

Chris Potter

Chris Potter

Chris Potter en point d’orgue du festival oloronnais. Là encore il y a l’air (la pression ?) du temps. Désormais en matière de jazz tout instrument quel qu’il soit se trouve potentiellement modifiable par un possible trafic sonore. D’entrée de jeu le saxophoniste américain a du mal avec ses pédales d’effet. En l’occurence le déclenchement au pied d’un séquenceur pour l’effet (écho) loop….loupé. Un tantinet « attrapé » comme l’on dirait d’un écolier pris en faute, Il en sourit ensuite auprès de ses partenaires. Puis envoie direct une sonorité de ténor très caractéristique, reconnaissable chez lui, ciselée bien ronde, prégnante en chaque occasion (Village eyes, In love too easily, The dreamer is the dream –titre éponyme du CD ECM/Universal )  Mark Mondésir batteur britannique que l’on a entendu aux côtés de Mc Laughlin ou Zawinul notamment, par des crépitements de flammes très ciblés fait monter les fonds de sauce au besoin. Chris Potter use de la flûte (motifs d’apaisement, son marqué de douceur) ou de la clarinette basse (moins convaincant dans le contexte sinon dans une simple optique de coloration) James Francies ( 22 ans à peine, que l’on dit protégé de Robert Glasper), tient dans ce nouveau trio un rôle central. Plus signifiant, pertinent semble-t-il dans le lien harmonique entretenu par le biais du piano acoustique que dans le nappage sonore trop systématique produit par les claviers électroniques. Cette formule à trois laisse clairement à Chris Potter une place élargie entre expositions des thèmes, ponts, relances  et longues phrases à développement multiple. Du cousu main pour son intention créative. D’autant qu’il ne s’agissait que du second concert donné avec cette formation. La veille à Londres pour une première il pleuvait dru, à ses dires, au pied d’une scène dressée en plein air. Pas vraiment la fête pour attirer du public, chauffer un répertoire neuf…

Le set prolongée de deux rappels (« Pas davantage svp plaisantait le saxophoniste, car nous n’avons plus rien à jouer !… » ) fut en tous cas l’occasion  d’un final en position (musique) haute pour Des Rives et des Notes. Un festival qui fêtera un 1/4 de siècle d’existence l’an prochain.

 Robert Latxague