Jazz live
Publié le 12 Juin 2021

Pierrick Pedron au Sunside… et sur France Musique

Retour dans la rue des Lombards, foule aux terrasses et leurs abords… Les clubs ont ressorti leurs affiches. À celle du Sunside, depuis jeudi 10 juin et jusqu’à demain dimanche 13, on trouve Pierrick Pedron avec le programme des “New York Sessions” publiées sous le titre “Fity-Fifty”.

Jauge limitée pour cause de covid, on a pris garde de réserver. La rythmique n’est pas celle des “New York Sessions”. Ceux qui connaissent déjà le pianiste Carl-Henri Morisset, le contrebassiste Florent Nisse et le batteur Elie Martin-Charrière n’en ont cure et ceux qui sont venu séduits par le disque n’auront pas le temps d’exprimer un quelconque désappointement. Le répertoire est là, légèrement déboutonné, non par imperfection, mais par décontraction. Ses compositions bourrées de mises en place inattendues font jubiler une rythmique qui a déjà pu les roder en concert, Florent Nisse, le dernier à les avoir découvertes le 3 juin dernier au festival rennais Jazz à la harpe , s’y trouve déjà comme chez lui.

Quel que soit le tempo, Pierrick Pedron fonce au travers avec cette énergie qui ne l’a jamais quitté depuis qu’on le découvrit en 1996 au Concours national de jazz de la Défense, mais qui s’est gorgée au fil des années de la maturité d’un grand vin. Vingt-cinq ans d’âge ! Et plus si l’on remonte en amont de la mise en cuve et de la vendange. On dirait, comme d’un vin, qu’il s’est « ouvert » au fil des années. À la complexion « parkéro-Adderlienne » se sont assemblées des touches de Sonny Stitt, d’Art Pepper, Phil Woods, de Jackie Mclean, de John Coltrane (celui de Countdown qu’il a appris à jouer pendant le confinement à rebours … et j’ai cru  reconnaître des restes de cet exercice ce soir sous ses doigts ; mais aussi le Coltrane du grand quartette et des tête-à-tête avec Elvin Jones…), d’Ornette Coleman, voire d’Albert Ayler et de Steve Coleman… Tout ça avec un goût du risque, de la fissure et de l’interstice inattendu où laisser advenir la réactivité de ses complices.

Carl-Henri Morisset est diabolique, de la main droite, de la main gauche, de la complémentarité des deux, de sa façon de bâtir sa maison bien à lui à chaque solo… Yvan Amar qui retransmettait le concert en direct sur France Musique dans le cadre du Jazz Club, aura eu cette remarque : « il a l’accent ». Entendez « l’accent new-yorkais ». En effet, il y a ce naturel, cette franchise, ce poids de la note qui est assez caractéristique de la tradition new-yorkaise voire de la tradition afro-américaine. Ce qui – ne me faîtes pas dire ce que je n’ai pas dit – ne veut pas dire qu’il manque une case aux pianistes européens. Et s’il faut conclure qu’il leur en manque une, c’est qu’ils en ont une autre à la place et que Carl-Henri Morrisset a peut-être les deux. Comme Sullivan Fortner d’ailleurs, qui joue sur le disque. Mais l’heure à laquelle j’écris ces lignes n’est pas au débat. Et l’on retiendra plutôt que tout ceci est podcastable sur le site de France Musique et qu’il y a peut-être encore des places à réserver au deux concerts de demain soir, 13 juin. Franck Bergerot

Lire aussi dans ces pages le compte rendu du concert du 10 par Xavier Prévost.